"Borgen", "The Killing", "Real Humans"... Les séries venues du Nord sont de plus en plus nombreuses sur les écrans français et réussissent à séduire les téléspectateurs. Ce dossier vous permettra de comprendre pourquoi mais surtout de découvrir des séries, encore des séries et toujours des séries ! - Dossier réalisé par Livia Segret.
Le dynamisme scandinave se perçoit aussi par l’exportation et l’intérêt manifesté par les chaînes étrangères, lequel va bien au-delà du seul continent européen. Les droits de diffusion de Borgen ou encore d’Äkta människor (Real Humans) ont ainsi, par exemple, été vendus jusqu’en Corée du Sud. Une confiance qui engendre un cercle vertueux : les droits de la série norvégienne Halvbroren, évoquée précédemment, ont ainsi été vendus à 16 pays, avant même la diffusion de la moindre image. L’intérêt manifesté par le marché international est un encouragement à la production de nouvelles fictions télévisées originales, toujours plus ambitieuses.
Autre signe du dynamisme créatif existant, ce sont les concepts mêmes de ces séries nordiques qui retiennent l’attention, dans l’optique de servir de base à des remakes. Parmi les adaptations les plus notables existantes, ces dernières années, il faut citer en premier lieu The Killing (US) (Affiche ci-contre), transposition à Seattle de la danoise Forbrydelsen – elle prend son indépendance, évoluant différemment de sa source d’inspiration scandinave. Après quelques péripéties l’année dernière, la troisième saison sera diffusée cet été sur AMC. D’autres remakes sont en préparation. S’il serait trop long d’énumérer toutes les options levées qui, pour la plupart, ne verront pas le jour, un certain nombre de projets ont déjà été commandés. L’effet de mode semble ici jouer puisque ce ne sont pas toujours les séries qui ont rencontré un succès dans leur pays d’origine qui sont adaptées.
"Den som dræber" va être adaptée aux Etats-Unis avec Chloe Sevigny...
© TV2
A&E a ainsi décidé de commander un remake de Den som dræber, qui s’intitulera Those Who Kill. Le choix d’adapter une telle série peut paraître surprenant de prime abord. Diffusée en 2011, sur la chaîne TV2 au Danemark, Den som draeber avait certes très bien commencé avec un pilote ayant rassemblé un important public. Mais ses audiences n’ont ensuite cessé de chuter tout au long de sa diffusion pour finalement aboutir à son annulation par une chaîne visiblement déçue du peu d’engouement suscité par la série au niveau national. Il y a des facteurs autres que qualitatif qu’il faut prendre en compte pour expliquer cet échec, notamment un créneau horaire sans doute mal adapté à la violence mise en scène. De plus, Den som draeber s’est plutôt bien vendue à l’international. Il n’en reste pas moins que le concept de cette fiction policière est très loin d’avoir remporté au Danemark l’adhésion public et critique d’un Forbrydelsen. Il reste à espérer, notamment du fait d’un casting où l’on retrouve Chloë Sevigny, que la version américaine saura apporter quelque chose de plus par rapport à l’originale. Dans un paysage télévisuel américain actuellement saturé de serial killers, Those who kill a cependant toute sa place : les dix épisodes commandés arriveront en 2014.
Parmi les autres remakes en préparation, une autre série scandinave a retenu beaucoup d’attention : Bron / Broen. Cette fois-ci, il s’agit d’une série saluée par la critique et ayant connu le succès lors de sa diffusion dans ses deux pays d’origine, la Suède et le Danemark. Le point de départ frontalier de la série laisse la porte ouverte à de nombreuses déclinaisons. Partant d’un tel concept, multiculturel s’il en est, plusieurs chaînes y ont vu d’intéressantes possibilités de transposition. En Europe, c’est un remake franco-britannique qui est actuellement en préparation. Il s’agira d’une co-production entre Canal + pour la France et Sky Atlantic pour l’Angleterre. Le corps par lequel tout débutera aura été placé à la frontière entre les deux pays, d’où le titre français, Le Tunnel. En Amérique, c’est la chaîne FX qui va délivrer son propre remake, intitulé The Bridge (Photo ci-contre), lequel se déroulera entre les Etats-Unis et le Mexique. Pour ce qui est d’espérer une diffusion française de l’originale dano-suédoise, il faut signaler que c’est Canal + qui en a acquis les droits de diffusion, adoptant là une stratégie semblable à celle qu’elle a suivie pour The Borgias de Showtime. La chaîne gardera donc la mainmise sur le concept.
Par ailleurs, parmi les adaptations bien installées et reconnues, on retrouve également des adaptations directes de romans. On peut ici citer le Wallander proposé par de la BBC, adapté des livres de Henning Mankell, avec Kenneth Branagh dans le rôle principal. La série compte déjà trois saisons. Tournée en Suède, dans la région de son héros (Ystad), elle respecte scrupuleusement le parfum scandinave caractéristique de l’œuvre originale, reprenant à son compte les grands thèmes de société qui la parcourent. Il ne s’agit donc pas seulement de simple réappropriation de concept : certaines de ces adaptations sont aussi l’occasion de capitaliser sur une atmosphère et un décor particuliers, permis par une délocalisation en Scandinavie. La plus nordique des séries anglaises soigne ainsi sa photographie et son esthétique, cherchant à mettre en valeur le paysage suédois, voire au-delà puisque la saison 3 nous entraîne jusqu’en Lettonie. Cela révèle un autre aspect de l’attrait scandinave : outre une source d’inspiration créative, la Scandinavie est aussi devenue une destination de dépaysement. Cette ouverture du public international vers de nouveaux territoires par l’intermédiaire des fictions a eu des retombées très concrètes qui se sont fait ressentir sur le tourisme. La région suédoise d’Ystad a constaté une augmentation des visiteurs en provenance d’Angleterre dès la diffusion de la première saison de la version anglaise de Wallander sur la BBC. Il faut dire que tout est parfaitement organisé pour capitaliser sur l’intérêt des amateurs, comme en témoigne ce site web très complet "In the footsteps of Wallander".
C’est là une autre conséquence indirecte du succès des séries nordiques : elles ont éveillé la curiosité de téléspectateurs étrangers qui connaissaient trop peu ou trop mal ces pays jusqu’à présent, permettant de toucher un public qui n’avait pas encore cédé à la vague littéraire scandinave. La ville de Copenhague l’a par exemple bien compris, elle qui a vu fleurir les "Forbrydelsen Tour", "Borgen Tour" et autre "Bron/Broen Tour". Au succès des fictions nordiques s’ajoute donc un effet de mode plus général dont bénéficie l’ensemble de la Scandinavie, et qui peut même jouer jusqu’aux vêtements les plus emblématiques portés par les protagonistes, à l’image du pull de Sarah Lund dans Forbrydelsen, que les amateurs peuvent se procurer via internet… au prix de 280 euros.
De manière générale, il faut reconnaître que ces pays ont plus d’un atout touristique à disposition, perceptible y compris lorsqu’ils se contentent de seulement accueillir le tournage d’une production étrangère : après avoir vu certains plans de Game of Thrones, qui n’a pas eu la soudaine envie de partir explorer (chaudement habillé) les magnifiques paysages par-delà le Mur ? Par ailleurs, dépaysement et clashs culturels, c’est aussi la base d’une co-production ayant pour cadre la Scandinavie, Lilyhammer, qui a réuni la NRK et Netflix en 2012. Une preuve supplémentaire que l’appel nordique fonctionne bel et bien, même s’il repose dans cette série sur le souvenir idéalisé des Jeux Olympiques d’hiver de 1994 !
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JotaB
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Nadine LOUIS
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