"Borgen", "The Killing", "Real Humans"... Les séries venues du Nord sont de plus en plus nombreuses sur les écrans français et réussissent à séduire les téléspectateurs. Ce dossier vous permettra de comprendre pourquoi mais surtout de découvrir des séries, encore des séries et toujours des séries ! - Dossier réalisé par Livia Segret.
De gauche à droite : "A la Maison Blanche" à "Borgen"
© Warner Bros. Television / Mike Kollöffel / DR Fiktion / Arte
Si les séries scandinaves restent encore associées au polar, le dynamisme créatif se perçoit bien au-delà de ce seul genre de prédilection. Borgen (diffusée sur Arte) a ouvert la voie en démontrant que cette télévision pouvait réussir à s’approprier d’autres sujets ambitieux, comme la fiction politique. Lorsque l’on explore les récentes séries dramatiques scandinaves au sens large, une influence se perçoit : celle de la télévision américaine. Les comparaisons entre Borgen et À la Maison blanche n’ont pas manqué, même si les deux séries ont des approches propres et mettent en scène un système politique qui n’est pas équivalent. Mais l’emprunt américain est encore plus perceptible dans une série norvégienne récente, Koselig Med Peis (Esprit norvégien en version française – diffusé sur Eurochannel) : elle s’inscrit directement dans l’héritage laissé par Six Feet Under, tout en trouvant une tonalité nordique propre. Son créateur, Thomas Seeberg Torjussen, est allé apprendre et comprendre le savoir-faire américain directement aux Etats-Unis, pour ensuite tenter de transposer son idée de drama familial au cadre norvégien. Koselig Med Peis s’ouvre ainsi sur le retour dans la maison parentale de Georg, "fils prodigue" de 36 ans. Songeant à la possibilité d’être père un jour après que sa petite amie lui ait annoncé être enceinte, il s’interroge, confronté à une famille éclatée. Son père, malade et contre lequel Georg nourrit beaucoup de rancœur, s’est éloigné. Sa mère a refait sa vie avec une femme. Quant à son frère, il suit un sens de l’entreprenariat particulier…
©NRK1
Ce type de séries dramatiques scandinaves, reprenant des thématiques classiques et ayant fait leur preuve, peuvent traverser relativement aisément les frontières, surtout depuis que les polars ont aiguisé la curiosité vers les productions de ces pays. La question se pose encore en revanche de façon plus incertaine pour les "comédies nordiques " qui, jusqu’à présent, sont restés en retrait. L’humour voyage plus difficilement. Cependant, quelques signes montrent que l’ouverture s’opère progressivement. Lilyhammer, co-production entre la norvégienne NRK et Netflix, a pu faire office de première étape, introduisant ses téléspectateurs dans une culture norvégienne que le personnage principal, américain, découvrait en même temps que le public international de la série. Mais c’est plus particulièrement dans les comédies noires que le petit écran scandinave tend à s’épanouir.
L’exemple de l’Islande est à ce titre intéressant. La comédie marquante de ces dernières années est une trilogie qui a rencontré un succès impressionnant sur l’île. Diffusée de 2007 à 2009, ces trois saisons conduisent ses protagonistes principaux dans trois environnements différents : Næturvaktin (The Night Shift en version internationale) les voit former l’équipe de nuit d’une station service, Dagvaktin (The Day Shift) les voit intégrer le staff d’un hôtel perdu, et enfin Fangavaktin (The Prison Shift) les fait atterrir en prison. C’est une série à l’humour grinçant et à l’ambiance désenchantée, bénéficiant de scénarios inventifs et évolutifs permettant d’explorer la psychologie de ses trois personnages, ainsi que les dynamiques qui les unissent. Signe de l’intérêt pour la série, elle accueillera au fil des saisons des vedettes islandaises, comme Björk dans la seconde. Un film, Bjarnfreðarson, conclut l’ensemble. Pour mesurer l’ampleur du succès en Islande, il faut signaler que ce film a été vu directement en salles par plus de 20% de la population de l’île, et s’est permis dans sa première semaine d’exploitation de battre un blockbuster international comme Avatar au box-office islandais. Dans la foulée, il a obtenu rien moins que 11 nominations aux Edda Awards (les récompenses pour l’industrie cinématographique et télévisuelle islandaise), en remportant finalement 6. Côté international, la première saison, Næturvaktin, a bénéficié d’une exposition par-delà la Scandinavie grâce à sa diffusion sur BBC4 en Angleterre. La suite n’a pas été proposée par la chaîne, mais les coffrets DVD islandais contiennent, comme cela est très fréquent dans ce pays, une piste de sous-titres anglais qui permet à la série de pouvoir atteindre le monde anglophone. Le concept même de la série a retenu l’attention jusqu’aux Etats-Unis, puisque des projets de remake avaient été développés sans pour autant, pour le moment, voir le jour. Les créateurs de Næturvaktin ont récidivé à l’automne 2011 en proposant une série très différente, Heimsendir, dont l’originalité et la créativité méritent d’être saluées. Se déroulant dans un hôpital psychiatrique au début des années 90, la série relate la révolte des patients contre le personnel et leur prise de contrôle de l’établissement. Leur "révolution" connaîtra un basculement progressif des idéaux utopiques initiaux aux compromissions et à la dictature ensuite. Entre l’allégorie politique et la satire de la psychiatrie, la fiction adapte à sa manière La ferme des animaux de George Orwell, tout en parsemant ses épisodes de références à la révolution française de 1789.
Un autre exemple de comédie noire scandinave, récent et ambitieux, à l’inventivité rafraîchissante, peut être trouvé en Norvège. Il s’agit de Hellfjord, diffusé à l’automne 2012. On retrouve notamment derrière cette série Tommy Wirkola (dans les salles en ce début d’année 2013 avec le film Hansel & Gretel : Witch Hunters) et Stig Frode Henriksen, qui avaient déjà collaboré et flirté avec le genre de comédie horrifique dans le film Dead Snow. Dotée d’un humour férocement noir, toujours très décalé et parfois assez trash, cette série suit un ancien officier de la police montée d’Oslo, Salmander, exilé pour trois mois par-delà le cercle polaire dans un petit village isolé du nord de la Norvège, après avoir été contraint de tuer son cheval en public lors des cérémonies pour la fête de l’indépendance. Empruntant notamment à Twin Peaks pour recréer l’ambiance particulière de l’endroit reculé où Salmander échoue, la série regorge de détails pour offrir de nombreux instantanés atypiques d’Hellfjord, tout en introduisant un fil rouge policier avec une inquiétante entreprise de poissonnerie.
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Le but de la saison sera de percer ses secrets. Côté international, Hellfjord a déjà pu se construire une petite réputation internationale, notamment en étant présentée à des Festivals comme le Fantastic Fest aux Etats-Unis. Cette bonne réception dans le monde anglophone s’est confirmée plus récemment, puisque la chaîne américaine Showtime a annoncé avoir en projet le développement d’un remake. Les concepts mêmes de ces comédies trouvent donc un écho par-delà les pays scandinaves, un signe parmi d’autres de l’intérêt croissant pour ces fictions, mais aussi de leur dynamisme créatif indéniable.
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