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    En 2024 Mickey tombe dans le domaine public, mais Disney a déjà la parade !
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Si Disney est particulièrement sourcilleux pour protéger ses créations, la firme ne peut pas empêcher la toute première version de sa mascotte fétiche de tomber dans le domaine public en 2024. Mais il ne sera pas possible de faire n'importe quoi...

    Créé par Walt Disney en duo avec l'animateur Ub Iwerks, Oswald le lapin chanceux (Oswald the Lucky Rabbit) était une série de dessins animés américains tournant autour du personnage du même nom et distribués par Universal Pictures, qui en détenait les droits.

    Le personnage d'Oswald le lapin a commencé sa carrière en 1927, juste après la fin des Alice Comedies. Une série de courts métrages d'animation assez inconnue en France, dans lesquels des personnages de dessins animés y côtoient des humains véritables. Une sorte de Roger Rabbit avant l'heure.

    Voici à quoi ressemblait les aventures d'Oswald le lapin chanceux...

    Malheureusement pour Disney et son co-créateur, après quelques épisodes, Universal confie la production de Cartoons d'Oswald à d'autres studios que celui de Disney, dont ceux de Charles B. Mintz et de Walter Lantz. L'année suivante naîtra celui qui deviendra l'emblème, la mascotte des studios Disney : Mickey Mouse.

    Et, contrairement à sa création précédente, il n'était pas question pour Disney de se laisser dépouiller juridiquement de sa création une seconde fois... C'est là qu'entre en scène les amendements américains en matière de copyrights, qui, notamment à la faveur d'un très intense lobbying de la firme Disney (mais pas que, bien entendu), empêchera Mickey Mouse de tomber dans le domaine public.

    L'arsenal des copyrights

    Lorsque les premières lois en matière de Copyrights entrèrent en application aux Etats-Unis, la durée de ces droits de propriétés était d'à peine 14 ans. Aujourd'hui, les droits en matière de copyrights peuvent atteindre plus d'une centaine d'années aux Etats-Unis, dans des cas bien précis.

    En 1790, les premières lois en matière de copyrights prévoyaient donc une durée de 14 ans, avec la possibilité de prolonger une fois cette durée, de 14 ans supplémentaires, à la condition que l'auteur soit en vie au terme des 14 premières années. Et encore. La loi ne s'appliquait qu'aux cartes, règlements et livres. S'enregistrer et enregistrer sa création étaient aussi nécessaire. En cas d'oubli, la création / l'oeuvre tombait directement dans le domaine public.

    En 1831, la loi porta la durée de la période initiale de 14 à 28 ans, avec un renouvellement possible de 14 ans supplémentaire. En 1909, la durée initiale du copyright fut de 28 ans, avec un renouvellement de 28 ans supplémentaires.

    Disney

    Très peu de travaux tombèrent sous le coup des copyrights durant cette période sur une telle durée; principalement parce que de nombreuses personnes ne pensaient absolument pas à enregistrer leurs créations, quand ils n'omettaient pas de prolonger les droits.

    Lorsque Steamboat Willie, le premier Cartoon de Mickey Mouse, sorti en 1928, le dessin animé de Disney tombait sous les coups de la loi de copyright de 1909. Avec le renouvellement possible, le Cartoon était protégé pour une durée de 56 ans, pour expirer normalement en 1984. Devenue entre-temps la mascotte de son géniteur et plus largement l'emblème de son empire, autant dire qu'il n'était pas question pour Disney d'en perdre les droits...

    Mais, en 1976, le Congrès américain autorisa une profonde modification des lois en vigueur concernant les copyrights. Au lieu d'une période de 56 ans (incluant les renouvellements donc), les auteurs individuels virent leurs créations protégées jusqu'à leur décès, avec la possibilité d'une extension de cette période de copyright de 50 ans.

    Walt Disney Pictures

    Pour les oeuvres dites collectives, la législation de 1976 a garanti un renouvellement rétroactif pour les oeuvres publiées avant que le nouveau système ne prenne effet. Ainsi, la durée maximale des copyrights pour une oeuvre collective passa de 56 à 75 ans, ce qui a contribué à repousser les droits de Mickey Mouse jusqu'en 2003. Tout ce qui fut publié en 1922 ou avant tomba dans le domaine public.

    En 1998, à cinq ans à peine de l'arrivée à échéance de ses droits concernant Mickey Mouse, la firme Disney sonna le tocsin pour faire un intense lobbying pour empêcher cela. Les efforts payèrent. Sous l'appelation The Sonny Bono Copyright Term Extension Act, le Congrès révisa encore la durée des copyrights.

    Ceux-ci furent allongés, pour les oeuvres créées à partir du 1er janvier 1978 ou après, pour une durée équivalant à la vie de leurs auteurs, avec un prolongement de 70 ans. Les droits des oeuvres collectives furent portés à 95 ans depuis l'année de leur première publication, ou 120 ans depuis l'année de leur création.

    La première version de Mickey dans le domaine public en 2024

    Dans ce cadre, Mickey Mouse est ainsi protégé jusqu'en 2023. Reste que la toute première version du personnage en 1928, dans Steamboat Willie, tombe inéluctablement dans le domaine public l'année prochaine. Et seulement celle-ci.

    Le basculement dans le domaine public sera très lent et très progressif pour toutes les itérations postérieures à cette première apparition. A titre d'exemple, le Mickey qui apparaît dans la fameuse séquence de Fantasia tombera en 2036. Le Mickey d'il était une fois Noël sorti en 1999 ? On vous souhaite longue vie, mais il y a peu de chance que vous soyez encore de ce monde avant son arrivée dans le domaine public, prévue en... 2095.

    Disney

    Et, comme toujours, le Diable est dans le détail. Car Disney a trouvé une parade efficace en s'appuyant sur le droit des marques. Comme le soulignait fort justement un article du Figaro consacré à ce sujet, "l'apparence plus précise de la souris de Steamboat Willie a été ajoutée à son logo en 2007. Depuis cette date, chaque carton de production des films Disney comporte une petite vignette extraite de Steamboat Willie, où l'on voit Mickey siffler à la barre de son bateau à vapeur, immédiatement après la vue iconique du château de Disneyland enserré de feux d’artifice et des notes orchestrales de When You Wish Upon a Star".

    Contrairement au copyright, la durée de protection d'une marque est en théorie illimitée, car une marque est indéfiniment renouvelable.

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