Depuis déjà presque un mois, une double grève historique est en cours à Hollywood. La SAG-AFTRA (Screen Actors Guild ‐ American Federation of Television and Radio Artists), le syndicat professionnel américain des acteurs, a rejoint le mouvement de la WGA (Writers Guild of America, le syndicat des scénaristes américains qui protège leurs droits d'auteur), déjà sur le piquet depuis mai.
Les deux syndicats, qui se battent contre les studios et les plateformes représentés par l'AMPTP (l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision), revendiquent une revalorisation des droits et des conditions de travail, une augmentation des salaires fixes et résiduels (royalties) notamment sur les contenus de streaming, des processus de castings moins lourds et un encadrement de l'utilisation de l'intelligence artificielle.
Cette double grève paralyse l'industrie cinématographique et télévisuelle, déjà fragile, et a pour conséquence l'arrêt de nombreuses productions et le report de plusieurs films et séries. Et tant qu'un accord n'a pas été trouvé entre les différentes parties, la grève continuera et pourrait même se poursuivre jusqu'en 2024 !
Fran Drescher (Une Nounou d'Enfer), la présidente de la SAG-AFTRA, et Duncan Crabtree-Ireland, le directeur exécutif national et négociateur en chef de la SAG-AFTRA, mettent un point d'honneur à aller jusqu'au bout et veulent soutenir les talents les plus démunis du syndicat, à savoir les 87% de ses membres - qui compte 160 000 membres - qui ne parviennent pas à gagner les 26 000 dollars demandés en salaire annuel pour toucher l’assurance maladie.
Des acteurs en difficulté, obligés de vendre leur maison
Toute une industrie souffre, pour la bonne cause, mais les conséquences, à terme, pourraient être catastrophique. Pour aider ses membres, la SAG-AFTRA a un fonds d'aide d'urgence dans le cadre de la grève, auquel de nombreuses célébrités ont contribué comme un certain Dwayne Johnson, qui a fait un énorme chèque, ou cette douzaine de stars grâce à qui la SAG-AFTRA a pu récolter 15 millions de dollars.
Même si la SAG-AFTRA est prête à continuer la grève pendant un long moment, les dommages collatéraux sont déjà bien présents. Un acteur s'est d'ailleurs exprimé dans les médias pour expliquer qu'il doit vendre sa maison à cause de la grève.
Il s'agit de Billy Porter, chanteur et acteur Afro-Américain gay, icône glamour et militant pour la communauté LGBTQIA+, qui s'illustre notamment à Broadway et qui a joué dans la série Pose (pour laquelle il a eu un Emmy Award) ou le film Cendrillon.
FX
Ce dernier a révélé dans une récente interview pour Evening Standard, dans laquelle il faisait la promotion de ses projets musicaux, qu'il devait économiser de l'argent car ses projets de rentrée au cinéma et à la télévision avaient été mis en stand-by ou annulés :
"Je dois vendre ma maison, parce que nous sommes en grève. Et je ne sais pas quand nous pourrons retravailler. L'existence d'un artiste, jusqu'à ce que vous gagniez vraiment des grosses sommes d'argent - ce que je n'ai pas encore gagné - se vit de chèque en chèque.
J'étais censé être dans un nouveau film et dans une nouvelle émission de télévision à partir de septembre. Rien de tout cela ne se produira. Donc, à la personne qui a dit : 'Nous allons les affamer jusqu'à ce qu'ils aient à vendre leurs appartements' - vous m'avez déjà affamé."
Cette dernière phrase assassine fait suite aux réflexions froides et cyniques d'un dirigeant de studio qui s'était adressé anonymement à Deadline pour commenter la grève : "L'objectif final est de laisser les choses s'éterniser jusqu'à ce que les syndiqués commencent à perdre leurs appartements et leurs maisons".
Entendre Bob Iger dire que nos revendications pour un salaire décent sont irréalistes ? Alors qu'il gagne 78 000 dollars par jour ?"
Cette déclaration est restée en travers de la gorge de beaucoup de membres de la SAG-AFTRA et de la WGA, tout comme la prise de parole de Bob Iger, le PDG de Disney, au micro de CNBC qui trouvait la grève "très inquiétante" :
"Nous avons parlé des forces perturbatrices de ce secteur et de tous les défis auxquels nous sommes confrontés, de la reprise du COVID qui est en cours, mais qui n'est pas encore complètement rétablie. C'est le pire moment au monde pour ajouter cette perturbation."
Il a surtout expliqué que, selon lui, les demandes des syndicats n'étaient pas réalistes. Mais Billy Porter rétorque que le problème principal vient du streaming, pour lequel aucun contrat clair n'a été établi pour les salaires résiduels des scénaristes et des acteurs :
"À la fin des années 50, au début des années 60, lorsqu'ils ont structuré un moyen pour les artistes d'être correctement rémunérés par le biais de [paiements] résiduels, cela a permis aux 2% d'acteurs actifs – et il y a 150 000 personnes dans notre syndicat – qui travaillent régulièrement [d'être rémunérés]… Puis le streaming est arrivé.
Il n'y a pas de contrat pour cela… Et ils n'ont pas à être transparents avec les chiffres – ce ne sont plus les notes de Nielsen. Les sociétés de streaming sont notoirement opaques avec leurs chiffres d'audience.
L'entreprise a évolué. Le contrat doit donc évoluer et changer, point final. Entendre Bob Iger dire que nos revendications pour un salaire décent sont irréalistes ? Alors qu'il gagne 78 000 dollars par jour ?"
La réponse nette et claire de Billy Porter aux déclarations de Bob Iger : "Je n'ai pas de mots pour ça mais : va te faire foutre". L'acteur et chanteur a déclaré qu'il avait gardé son calme au moment de la sortie de Bob Iger - pas comme Ron Perlman qui avait posté une vidéo de menace sur Instagram - et qu'il préférait rejoindre le piquet de grève pour manifester sa colère.
Impossible de déterminer combien de temps cette double grève des scénaristes et des acteurs va durer. Mais la bataille va être rude. Les scénaristes de la WGA ont eu une nouvelle discussion avec les studios de l'AMPTP vendredi 4 août pour trouver un nouvel accord, en vain. De son côté, la SAG-AFTRA affirme que l'AMPTP a rompu toute communication. Le chemin est encore long.
