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    "Man to man" : rencontre avec l'équipe du film

    A l'occasion de la sortie ce 13 avril de "Man to man", rencontre avec le réalisateur Régis Wargnier, Kristin Scott Thomas et Lomama Boseki, pygmée qui fait ses premiers pas de comédien.

    Aux sources du film

    Régis Wargnier : C'est Michel Fessler, documentariste et scénariste, qui est à l'origine de ce projet : en travaillant sur les pygmées, il est tombé sur le récit d'un marquis italien qui avait capturé deux pygmées à la lisière de la grande forêt, et les a emmenés à Venise pour les exhiber. Fessler a alors développé un scénario, mais sous la forme d'un conte, en se plaçant du point de vue des pygmées. J'ai très vite vu les limites de cette option, et j'ai procédé à de nombreuses modifications. Je tenais notamment à ce qu'il y ait un personnage féminin fort, comme dans tous mes films. Le sujet me plaisait, car j'ai toujours eu une sorte d'élan pour le continent africain. Il y a par exemple un film que je trouve magnifique même s'il est bourré de défauts, c'est Aux sources du Nil de Bob Rafelson, une oeuvre très sauvage, avec, dans le rôle d'un des deux explorateurs, Iain Glen, qui incarne Alexander dans Man to man.

    A hauteur d'homme

    Kristin Scott Thomas : Ce qui m'a intéressé dans ce film, c'est que les "mauvais", ce soient ces scientifiques. A l'époque on trouvait ces gens formidables, brillants et 150 ans plus tard, ils nous paraissent horribles. Et la femme que j'interprète est peut-être pire encore, car elle sait très bien que les pygmées sont des hommes et des femmes comme les autres. Elle vit là-bas, fréquente les tribus. Et pourtant, pour de l'argent, elle fait ce qu'on lui demande de faire : capturer ces individus, les exhiber en Europe. Elle n'est pas claire. Ce n'est qu'à la fin qu'elle se rend compte que ce qu'elle fait est monstrueux, qu'on ne peut pas voler la vie des gens comme ça.

    Régis Wargnier : Au début du film, Jamie et Elena ne cessent de s'opposer, il est arrogant, elle est insupportable : on pense forcément à African Queen. Sauf qu'on s'aperçoit que la vraie histoire d'amour du film, c'est entre Jamie d'un côté et Toko et Likola de l'autre. Eux sont les vrais rivaux d'Elena. Au bout d'un moment, il leur est dévoué corps et âme et plus rien d'autre ne compte. Au départ, pourtant, Jamie est comme les autres, il peut dire des choses aussi violentes que : "Si les pygmées meurent, c'est pas grave, on pourra toujours étudier les cadavres." Et lorsque tout semble bloqué entre Toko et Jamie, qu'il n'y a plus entre eux que de l'agressivité et de l'incompréhension, c'est le personnage de Toko qui fait le premier pas. C'est aussi un calcul de la part du pygmée, qui sait bien que celui qui peut le ramener chez lui, c'est celui qui l'a capturé.

    Le travail avec Lomama

    Régis Wargnier : Dans plusieurs scènes, Toko est enfermé : il fallait faire très attention, car ce genre de situation peut vite devenir humiliant. C'est pour cela qu'il n'y a pas un endroit où je ne sois pas entré le premier, en montrant que c'était un lieu de boulot, en dédramatisant. Mais je dois dire que Lomama adorait toutes les scènes physiques, contrairement à Cécile [Bayiha], qui est plus indolente. C'est un danseur, il est extrêmement habile. Je me souviens juste avoir été obligé d'interrompre les tournages de nuit : "Patron, la nuit, c'est pour dormir", me disait-il.

    Lomama Boseki : J'ai été choisi pour le film parce que je suis danseur dans un groupe folklorique, une activité qui m'a permis de me sentir à l'aise sur le tournage. Une scène seulement a été difficile pour moi, lorsque je suis enfermé dans une cage. Pour le reste, je m'adaptais, ce n'était pas si compliqué que ça. J'étais très motivé, parce que je voulais que les gens voient que nous, pygmées, avons été victimes de mauvais traitements : j'étais au courant de certaines de ces pratiques avant de tourner le film, nos parents nous avaient raconté ce qui était arrivé à nos ancêtres. En tournant dans ce film, je souhaitais aussi montrer que les pygmées peuvent faire de grandes choses, car mon peuple est victime de discrimination, y compris au sein de la population noire.

    De la France à l'Angleterre...

    Régis Wargnier. Je voulais depuis longtemps tourner un film en anglais. Là, le sujet l'imposait. Le XIXe siècle aura été incontestablement le siècle anglais : ils régnaient sur le monde avec la Reine Victoria, les explorateurs, l'anthropologie... On a décidé de situer le film en Ecosse, à Edimbourg, une ville qui me raconte beaucoup plus d'histoires que Paris. Concernant le travail avec les Anglais, je dirais que sur les tournages français, tout est très sentimental, tandis que les Anglais sont beaucoup plus "mercenaires". Ils sont d'une résistance incroyable, je comprends pourquoi on dit que c'est la meilleure armée du monde : la nuit, on peut les trouver allongés par terre dans l'hôtel après avoir passé la soirée au pub, il n'empêche que le lendemain matin ils sont impeccables. Avec mon chef-op' français [Laurent Dailland], on a fini par les apprivoiser. Ce qui a joué aussi, bien sûr, c'est le travail avec Lomama qui, n'étant pas un acteur professionnel, demande des attentions particulières.

    ....et de l'Angleterre à la France

    Kristin Scott Thomas : Ce qui me plaît en France, c'est qu'on me propose toutes sortes de rôles, alors qu'en Angleterre, j'ai toujours une image d'aristo, parce que mon premier succès là-bas c'était A handful of dust, une adaptation d'Evelyn Waugh, dans laquelle je jouais une aristocrate. J'aime alterner les tournages anglo-saxons et français, et je crois avoir trouvé un bon petit rythme. Je viens de terminer le tournage de Killing mum... pardon, quel lapsus !, Keeping Mum, un premier film anglais, une comédie familiale dans laquelle je joue la femme d'un pasteur incarné par Rowan Atkinson. Je vais bientôt tourner dans le prochain Veber [La Doublure], j'y serai une grande bourgeoise. D'autre part, je travaille actuellement, comme productrice, à l'adaptation de Original Bliss de Al Kennedy et The Sea change de Elizabeth Jane Howard, deux livres avec de beaux personnages de femmes que j'aimerais interpréter. Sinon, dans l'idéal, j'aimerais bien jouer dans un polar, un film avec des flingues... J'aimerais bien sauver la planète !

    Propos recueillis par Julien Dokhan le 6 avril 2005

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