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    Les décors de "Batman begins"

    Durant l'automne 2004, nous nous sommes rendus sur le tournage de "Batman begins" à Londres. L'occasion de revenir avec son chef-décorateur sur l'aspect visuel du film...

    Septembre 2004, à une heure en voiture de Londres. Deux énormes hangars se dessinent dans le paysage grisâtre de la campagne anglaise. Nous sommes face aux Hangars N°1 et N°2 de Cardington, un double-bâtiment aux dimensions titanesques, utilisé jusqu'en 1931 pour la construction de dirigeables et reconverti depuis en centre d'entraînement pour les pompiers. 247 mètres de longueur pour 83 mètres de largeur et 55 mètres de hauteur, une surface de 2 hectares, un volume total de 760 000 mètres-cubes : de quoi contenir 8 338 bus rouges, seize piscines olympiques ou deux terrains de football. Sur la porte d'entrée, un titre de travail : Batman : Intimidation Game. A l'intérieur, tout un quartier de Gotham City, créé dan ses moindes détails par les équipes du chef-décorateur Nathan Crowley. Nous sommes au coeur des Narrows, les ghettos de Gotham. Adaptation batmanienne oblige, le plateau est plongé dans une semi-pénombre. Ambiance crépusculaire. On se prend même à vérifier d'un regard inquiet si une bande de malfrats ne rôde pas dans la prochaine rue... Quà cela ne tienne, l'homme chauve-souris veille sur nous. La production invite d'ailleurs les journalistes présents à s'installer dans une salle proche des plateaux, pour suivre depuis un écran plasma le tournage d'une scène entre Christian Bale et Gary Oldman. C'est le 126e jour de tournage de Batman begins, sous la direction de Christopher Nolan. L'occasion de s'entretenir avec Nathan Crowley sur le look du film.

    De "Batman" à "Batman begins"

    Nathan Crowley : Le film de Tim Burton a eu un tel impact que vous n'avez pas besoin de le revoir. Je ne l'ai donc pas revu, ni aucun des autres films d'ailleurs. Et je suis heureux de ne pas l'avoir fait car ce style a quelque chose de rétro, de très années cinquante et c'est vraiment ce que nous ne souhaitions pas faire. Le premier Batman avait un ton très industriel, et c'est je crois ce qui le date un peu, cette idée de zone industrielle au milieu de la ville. Nous nous sommes donc demandés ce qui caractérise une ville moderne. Si vous regardez New York ou Los Angeles, ce sont des villes centrées sur le commerce, les grandes sociétés... Nous avons donc inversé la donne en se disant que Gotham pourrait être une ville commerciale et non plus industrielle, ce qui donne cette atmosphère très chaotique à notre ville.

    Gotham City

    Nous ne voulions pas mettre en scène une ville futuriste. L'idée était de s'inspirer de New York, car Gotham City, c'est New York, aec son mélange de neuf et d'ancien. Nous voulions construire une ville hors de contrôle, une ville d'aujourd'hui qui parlerait aux spectateurs. Nous nous sommes donc penchés sur l'architecture de nombreuses villes du monde, et New York a clairement eu une grande influence avec sa pagaille presque "organisée". Ensuite, la création de Gotham City est venue d'un processus organique. Comment créer une ville ? Comment créer une version exagérée de New York ? Nous avons pris un peu de Tokyo avec son autoroute au milieu de la ville, puis un peu de Kowloon (dont la croissance a échappé au contrôle des autorités) pour les Narrows, les quartiers mal famés de Gotham. Enfin, nous sommes allés dans le centre-ville de Los Angeles, ainsi qu'à Chicago ou Londres pour y piocher d'autres éléments. C'est comme un gigantesque puzzle, dont le but est de vous faire croire que cette ville est bien réelle. Après, la différence entre un Batman et un autre film est que vous devez travailler verticalement au niveau des décors, car le personnage est toujours sur les toits ou en l'air. Donc nous avons construits de vrais immeubles de vingt mètres de haut afin d'y balader Batman de haut en bas et de bas en haut. Et ce sans images de synthèse. Le problème des effets visuels est qu'ils ne fonctionnent pas par eux –mêmes, mais seulement quand ils sont mélangés avec de vraies images ou des miniatures.

    Batman

    Je ne suis pas un grand lecteur de comic-books, mais Christopher Nolan l'est vraiment et sa première idée a été d'aller chez DC Comics et de demander à chaque employé sa planche préférée de toute l'histoire de Batman. Nous pouvions ainsi avoir leur regard sur le personnage. C'était très intéressant, car il nous est par exemple apparu qu'il était très important de réussir la cape. La plupart des planches choisies représentaient Batman en haut d'un building, entouré de sa cape. Des images fantastiques. L'équipe en charge des costumes a pris ces paramètres en compte et a mis au point un mouvement très réussi pour la cape, mais aussi pour le cou du Batcostume : dans les autres films il est un peu rigide, alors qu'il est toujours apparu assez souple dans la BD. Il y a certains éléments indissociables de l'histoire de Batman que vous êtes forcés de mettre dans le film. Vous devez avoir le costume, vous devez avoir la Batmobile, mais vous ne pouvez pas tout changer d'un coup. Pour le costume, vous ne pouvez pas partir trop loin dans une autre direction car les fans ne vous suivraient pas. Par contre, nous pouvions le faire pour la Batmobile car elle datait tellement que nous pouvions repartir de zéro.

    La Batcave

    Comme le film traite des origines de Batman, vous devez notamment répondre à la question de la Batcave... Comment a t-il dissimulé cette cave et ses 200 tonnes de bétons sous son manoir ? Si vous adoptez une démarche réaliste, vous devez expliquer comment cela pourrait être possible. Nous nous sommes alors tournés vers Washington Bridge et Palisades Park : là-bas, on peut voir de vieux manoirs perchés au dessus de formations géologiques. Donc on peut se dire que le Manoir Wayne a une caverne naturelle. Au moment de la construction du Manoir il y a 400 ans, les fondations et les catacombes ont été bâtis dans ces grottes. Bruce les découvre ainsi que cette gigantesque caverne. Cette idée nous a permis de partir sur une vision réaliste de la Batcave, car vous ne pouvez pas avoir une Batcave high-tech dans cette "réalité". La difficulté d'accès de la caverne nous a ensuite amené à repenser l'usage et donc le design de la Batmobile.

    La Batmobile

    Pour celle-ci, nous devions expliquer comment Bruce entre en sa possession. Il entame seulement sa mission de justicier, comment l'aurait-il construite ? Nous avons donc pris le parti de considérer la Batmobile comme issue d'un projet militaire développé par Wayne Industries. La première fois que vous la voyez dans le film, c'est donc en tant que véhicule militaire. Ensuite, vous la decouvrez peinte en noir. Nous voulions nous éloigner des courbes sexy des autres films : la voiture est donc un croisement entre un Hummer et une Lamborghini. Nous voulions par ailleurs construire une vraie voiture, que nous pourrions faire rouler à pleine vitesse pour de vrai. Elle devait donc être rapide et maniable. Nous l'avons filmées à 90 miles à l'heure (plus de 140 km/h, NDLR) dans les rues de Chicago, et vous la verrez à pleine vitesse, rentrer dans des voitures de police et effectuer de vraies cascades. La voiture devait prendre quelque coups, car avoir une voiture invulnérable n'est pas réaliste. Tout comme Batman : il n'a pas de superpouvoirs. Donc si quelque chose doit prendre des coups et être endommagé, tant mieux pour l'histoire ! Christopher Nolan souhaitait mettre en scène une vraie course-poursuite, et c'est ce que nous avons obtenu : une vraie poursuite à la French Connection, qui ne repose pas seulement sur les gadgets.

    Propos Recueillis par Yoann Sardet

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