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    "L'Avion" : rencontre avec Isabelle Carré

    Héroïne de "L'Avion" de Cédric Kahn, à l'affiche ce mercredi, Isabelle Carré évoque pour AlloCiné le tournage de ce conte pour enfants, et revient sur une année très chargée.

    La veille de l'interview, Isabelle Carré était encore sur le tournage de Quatre étoiles, le prochain film de Christian Vincent. Cette même semaine, elle devait entamer les séances photos pour la promotion d'Entre ses mains d'Anne Fontaine, à l'affiche à la rentrée. Mais ce jour-là, c'est pour évoquer L'Avion de Cédric Kahn, en salles ce mercredi, que l'infatigable comédienne faisait escale dans un salon de thé parisien. Dans cet audacieux conte pour enfants, elle campe avec grace une mère inquiète, et dépassée par les événements. Rencontre avec une actrice dont la carrière ne cesse de prendre de l'altitude.

    Allociné : Vous qui avez débuté dans des rôles de "fille de", vous enchaînez actuellement les rôles de mère : "Holy Lola", "L'Avion"...

    Isabelle Carré : C'est vrai. Je le fais avec d'autant plus d'enthousiasme que je ne suis pas encore mère, et que j'ai très envie de l'être un jour. Ce qui est à la fois difficile et passionnant quand on travaille avec des enfants, c'est qu'il faut être là pour eux. En même temps, on n'est jamais dans la répétition, on ne sait pas trop ce qui va se passer, ce qui est très agréable pour le jeu. En tant qu'acteur, on s'oublie un peu.

    Plus généralement, comment expliquez-vous qu'on vous associe souvent à l'univers de l'enfance ?

    Je crois que tous les acteurs sont proches de l'enfance. Notre métier c'est jouer. On est quand même un peu dans le "on dirait que je serais...". Et puis j'ai des souvenirs d'enfance merveilleux, même si après ça s'est gâté (sourire). J'ai eu une enfance très riche, en imaginaire, en émotions. Mes parents étaient attentifs à ce qu'on ait une éducation artistique un peu plus poussée qu'une heure de pipeau ou de dessin de carafe par semaine. J'ai fait du théatre à 8 ans, de la danse, de la peinture, de la sculpture, de l'expression corporelle...

    A propos de corps, votre rôle dans "L'Avion" est très physique.

    Cédric disait en rigolant que c'était mon premier film d'action. C'est vrai que j'ai fait mes premières cascades sur ce film, comme la scène sur le toit. Je ne sais plus quel metteur en scène très connu disait : "Un acteur, il faut l'occuper ". Au cinéma, contrairement au théâtre, on est souvent plus sur les visages que sur les corps. Là, c'était agréable de pouvoir bouger, d'autant plus que je suis quelqu'un d'assez speed et énergique.

    Une des manières de vous occuper, sur "L'Avion", ça a été de vous faire jouer du piano...

    Oui, mais ça a été rapide : Gabriel Yared m'a envoyé la partition de Londres quatre jours seulement avant qu'on ne tourne la scène. Pour ce tournage, j'ai rouvert mon piano d'enfance. J'ai encore le souvenir de mon frère improvisant et imitant Keith Jarrett à 7 ans. C'était extraordinaire. D'ailleurs, il est devenu musicien [au sein du groupe Lilicub].

    Je crois que vous écoutez beaucoup de musique pendant les tournages. Quelles chansons vous ont inspirée sur "L'Avion" ?

    J'écoutais tout le temps M : A tes souhaits et La Bonne étoile. Et puis aussi Without you, i'm nothing de Placebo.

    En 2001, on vous avait vue dans "Mercredi folle journée", de Pascal Thomas, un film qui, comme "L'Avion", fait la part belle aux enfants, tout en étant très sombre par certains aspects. Et puis vous y aviez déjà pour partenaire Vincent Lindon...

    C'est vrai, sauf que j'avais quatre jours, et lui tenait tout le film. Là c'est l'inverse. On s'est dit que la prochaine fois, ce serait bien qu'on en ait un peu plus tous les deux. J'étais contente de le retrouver. Sur Mercredi, folle journée !, il avait su m'accueillir : il faut savoir que c'est parfois difficile de venir sur un plateau avec un petit rôle. C'est comme arriver à l'école au deuxième trimestre, quand tout le monde se connaît déjà. Mais j'avais adoré ce rôle de toxicomane qui semblait bien sous tous rapports, mère de famille... On était loin du cliché.

    Revenons à présent sur l'année qui s'est écoulée, et qui a été très riche pour vous. Il y a un peu plus d'un an, vous receviez un Molière (après avoir obtenu un César en 2003). Avec le recul, mesurez-vous ce que ces récompenses ont changé ?

    C'est difficile à évaluer, je peux simplement parler de mes sensations. Ca fait très plaisir d'avoir l'impression qu'on a été entendu. Au cinéma, il y a les entrées, et au théâtre le retour immédiat du public. Mais que l'aventure soit prolongée par un regard des gens avec qui vous travaillez (comédiens, techniciens...), c'est super agréable. Le risque quand on a l'embarras du choix, c'est de tomber dans la facilité. Mais j'ai conscience que ce ne sont que des moments. Je pense à une phrase de Jean Carmet, que j'ai lue sur la façade d'un théâtre pendant la dernière tournée : "Celui qui dit qu'il est arrivé, c'est qu'il n'est pas allé bien loin".

    En août dernier sortait "Eros thérapie" de Danièle Dubroux, un film d'auteur très original. L'occasion de constater que depuis vos débuts, vous travaillez avec des réalisateurs très différents. Est-ce parfois un regret de ne pas appartenir à une famille ?

    J'ai eu pendant longtemps ce regret, comme celui de ne pas avoir été prise au Conservatoire, et donc de ne pas connaître ce côté "troupe". A un moment, la Comédie-Française aussi me faisait rêver, l'idée de répéter une pièce dans la journée et d'en jouer une autre le soir... Ca me plairait de faire plusieurs films avec un metteur en scène, mais en même temps ça s'est fait comme ça et au fond, cette curiosité me correspond bien. J'ai le souci de ne pas me répéter, quitte à me planter. Mais c'est vrai que j'ai pu avoir cette nostalgie.

    Cet automne, alors que sortait "Holy lola", vous tourniez le film d'Anne Fontaine, "Entre ses mains". Pouvez-vous nous en dire quelque mots ?

    A la lecture du scénario, j'ai eu un choc. C'est très fort, très gonflé, même si on sait qu'Anne Fontaine a toujours aimé les sujets transgressifs. J'ai été très touchée, très bouleversée. Les gens qui l'ont vu m'ont dit qu'ils avaient ressenti le même choc. Benoît Poelvoorde est dans un registre très différent de ce qu'il a fait jusqu'à maintenant.

    Vous avez enchaîné avec le tournage de "Quatre étoiles" de Christian Vincent, lui qui vous avait offert votre premier grand rôle il y a plus de dix ans, dans "Beau fixe".

    C'est vrai, c'était drôle de retravailler ensemble, on avait bien sûr changé tous les deux depuis Beau fixe. Je l'ai trouvé beaucoup plus à l'aise, plus sûr de lui. J'ai retrouvé aussi José Garcia, avec qui j'avais tourné dans La Mort du Chinois. C'était déjà une comédie, mais hélas le réalisateur manquait de moyens. Et depuis, José a fait tout ce chemin... Quatre étoiles est une comédie un peu dans l'esprit des comédies américaines des années 40 et 50. Je trouve que c'est un genre qui va parfaitement à Christian Vincent.

    Le 15 juin dernier survenait un événement plus triste : la disparition de Suzanne Flon, avec qui vous deviez jouer sur scène "Savannah bay" de Duras à la rentrée.

    Je peux dire que je suis une des rares personnes qui aura eu le privilège de l'entendre dire ce texte. C'est bien sûr une grande déception de n'avoir pu aller au bout de cette aventure, mais j'ai fait des lectures avec elle pendant plusieurs semaines. On disait qu'elle était l'une des comédiennes les plus aimées du public et des professionnels : en travaillant avec elle, j'ai compris pourquoi.

    Recueilli le 1er juillet 2005 par Julien Dokhan

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