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    Le bonheur de Jördis...

    L'Allemagne a la côte. Après les succès de "Goodbye, Lenine" et plus récemment de "La Vie des autres", le public français montre un regain d'intérêt pour les productions allemandes. Prochain film allemand à l'affiche le 13 juin, "Le bonheur d'Emma", une histoire d'amour champêtre et poignante. AlloCine a rencontré l'actrice principale, Jördis Triebel.

    AlloCine: Racontez-nous votre rencontre avec Emma...

    Jördis Triebel : J'ai tout simplement passé un casting. J'estime avoir eu de la chance car je n'avais jamais tourné de films auparavant. J'avais certes une agence mais elle avait du mal à me placer car je n'avais qu'une expérience de théâtre. Il se trouve que la directrice de casting m'avait vue quatre ans auparavant lors de mon concours de fin d'études et qu'elle s'est souvenue de moi en lisant le livre. Cela faisait déjà un an et demi qu'ils cherchaient quelqu'un pour le rôle d'Emma. Elle m'a donc envoyé le livre, invité à passer des essais et ça a marché.

    Connaissiez-vous déjà le livre "Le Bonheur d'Emma " dont le film est l'adaptation ?

    Jördis Triebel : Non, je n'en avais pas entendu parler. Mais j'en ai beaucoup aimé la lecture. Lire le roman a été d'une grande utilité, car il m'a permis d'en savoir plus sur les motivations profondes du personnage d'Emma. Il y a des aspects du livre qui ont été délibérément laissés de côté pour le film, notamment parce que Sven voulait éviter d'avoir recours aux flashbacks. Dans le livre, il est beaucoup question de l'enfance d'Emma avec son grand-père, et, pour comprendre qui elle était, j'avais vraiment besoin de savoir d'où elle venait.

    Comment s'est déroulée votre première expérience au cinéma ?

    Jördis Triebel : J'ai trouvé cette expérience incroyablement exigeante. Lorsque j'ai lu le livre, j'étais emplie d'émotions, je suis tombée amoureuse du personnage d'Emma et de son histoire. Mais j'éprouvais également une véritable angoisse, car je n'avais jamais été en face d'une caméra et parce que je ne savais pas à quoi mon travail allait ressembler. Mais à cette angoisse était mêlée beaucoup de curiosité et j'étais très motivée par ce défi. Je cherchais aussi à voir ce qui différenciait le cinéma du théâtre. Et finalement, j'ai beaucoup aimé.

    Mon partenaire, Jürgen Vogel, est très connu en Allemagne. Il a déjà une solide expérience d'une trentaine ou quarantaine de films et j'ai vraiment pu profiter de son acquis, de ses conseils. Il m'a permis de comprendre que la véritable magie au cinéma, c'est qu'il suffit de penser les choses pour qu'on puisse les voir à l'écran. Au théâtre, il faut toujours exagérer les gestes ou les émotions pour se faire comprendre. Ici, j'ai pu apprendre à travailler d'une manière plus minimaliste, même si cela m'a demandé beaucoup de travail avant d'atteindre le résultat voulu.

    Pour le metteur en scène, Sven Taddicken, il s'agissait également d'une première expérience...

    Jördis Triebel : Exactement ! C'était la première réalisation de Sven depuis son diplôme de l'école de cinéma. Et c'est ce qui a rendu le travail d'autant plus intéressant. Nous étions tous les deux très angoissés, mais aussi très curieux et excités !

    Avant le début du tournage, je suis partie faire un stage dans une ferme bio. Puis, Sven et moi avons assisté à l'abattage de porcs dans une ferme puis dans une usine. Nous avons préparé ensemble des saucisses. Nous avons effectué ensemble un véritable voyage initiatique. Nous avons énormément discuté de la manière dont on devait raconter l'histoire, des personnages ou de la manière de représenter Emma, cette fille de la campagne, sans aussitôt plaquer des clichés sur elle. J'ai aimé également parler avec lui de l'équilibre entre l'aspect dramatique et l'aspect comique du film. Il y est parfaitement parvenu. J'avais pu également voir ses précédentes réalisations et cela m'avait déjà frappé : Dans ses films, on peut littéralement passer du rire aux larmes.

    Etait-ce facile d'aborder, dans un premier rôle au cinéma, un personnage pour lequel les apparences comptent aussi peu ? Emma n'est pas, à première vue, un personnage très attractif...

    Jördis Triebel : Jouer un personnage qui ne cadre pas avec les canons de beauté véhiculés par la vie urbaine a été très libérateur pour moi. J'ai vraiment pu me concentrer sur d'autres choses que mon aspect, que la manière dont ma coiffure réussit à tenir. Au contraire, j'avais l'impression d'être comme une enfant, j'avais le droit à la spontanéité, à la curiosité. Le matin, avant le début du tournage, j'allais dans les étables pour être au contact des animaux. J'avais les ongles noirs, mais ce n'était pas du maquillage. Tout était naturel, c'était formidable.

    Nous ne vivions pas très loin de la ferme où le film a été tourné. La ferme elle-même était complètement vide. Nous l'avions pour nous tous seuls. Autour il n'y avait que la nature et la forêt. C'était un environnement propice à la concentration.

    Votre personnage a un rapport extrêmement étroit à ses cochons. Est-ce qu'il était facile de travailler avec eux ?

    Jördis Triebel : Au début, pas du tout. C'est aussi pour cette raison que j'ai fait un stage préparatoire à la ferme, afin de perdre mon appréhension face à eux. C'était surtout leur taille qui m'impressionnait. Ils ont beaucoup de force et on doit réussir à s'imposer parmi eux. J'ai donc énormément pris sur moi au début. Mais finalement, le tournage avec eux s'est bien passé. Nous avions des coachs d'animaux qui avaient commencé en amont le travail avec les animaux. Néanmoins, cela restait un vrai challenge, car les bêtes ne travaillent pas selon nos emplois du temps et ne font pas toujours ce qu'on a envie qu'elles fassent. Je pense finalement que les conditions étaient bien plus pénibles pour l'ensemble de l'équipe de tournage que pour moi, parce qu'il fallait parfois qu'ils attendent des heures avant d'avoir les bonnes images. A moi, les animaux me conféraient une sorte de sérénité et de spontanéité. J'ai eu énormément de fous-rire avec eux et je m'y suis vraiment attachée.

    Depuis quelques années, avec le succès de 'Good Bye, Lenin!' et plus récemment celui de 'La Vie des autres', il y a un regain d'intérêt en France pour le cinéma allemand. A quoi l'attribuez-vous ?

    Jördis Triebel : J'ai l'impression que depuis quelques années les investisseurs mais aussi la nouvelle génération de réalisateurs sont prêts à raconter de nouveau des histoires plus personnelles. Ils ne se servent plus d'un thème en se disant qu'il rapportera de l'argent avant tout, ou ils ne se disent plus: "ça, c'est moderne, il faut qu'on le fasse !" . Ils sont prêts à s'atteler à des chapitres de l'histoire ou à investir dans des histoires plus personnelles et par conséquent plus intéressantes. C'est passionnant de voir ce qui se passe actuellement en Allemagne. Car on se rend compte qu'il y a énormément de choses à raconter ! Peut-être que le moment est venu aussi d'aborder certains thèmes. Maintenant que le mur est tombé et qu'on a un peu de recul, on peut parler du sujet Allemagne de l'Est, Allemagne de l'Ouest. Ce qui est en train de se passer, c'est qu'on commence à pouvoir dire : " Nous, les Allemands ", ce qui nous était devenu impossible en raison de notre passé. On ose aborder certains thèmes dont on ne parlait pas. On retrouve l'envie de parler de notre pays et de son histoire. A mon avis, c'est la seule manière dont le cinéma allemand réussira à nouveau à trouver sa propre langue dans le futur.

    Propos recueillis à Paris le 17 avril 2007 par Peggy Rolland

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