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    "Delirious" : rencontre avec Tom DiCillo

    A l'occasion de la sortie de "Delirious", le sympathique Tom DiCillo a accepté de répondre aux questions d'AlloCiné. Rencontre avec un réalisateur surprenant et passionné.

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    AlloCiné : Pourquoi avoir choisi le titre "Delirious" ?

    Tom DiCillo: C'est une très bonne question... Ce terme a une autre signification en anglais qu'en français. En anglais, il signifie spécifiquement "un bonheur tellement fort qu'il atteint le niveau de la démence." C'est être tellement heureux que vous en devenez presque fou... A mon sens, il donne deux significations au film. Premièrement, c'est qu'être "delirious", c'est exactement ce qui se passe dans le monde... Les gens semblent tellement fascinés par la célébrité qu'ils pensent que s'ils l'avaient entre les mains, cela les rendrait heureux. Et pas seulement heureux, mais tellement heureux qu'ils en deviendraient presque barjots... Le deuxième sens que je voulais donner avec ce titre, c'est utiliser ce sentiment, ce sentiment de joie démente et de plaisir intense afin de suggérer aux spectateurs quel genre de voyage ils allaient entamer avec ce film...

    C'est pourquoi certaines scènes semblent si kitsch, comme l'est le clip de K'Harma ?

    Oui, tout à fait ! Ces passages sont censés être comme des bonbons... Mais des bonbons très succulents, qui font vraiment monter le sucre dans le sang ! Mais il y a une autre raison pour laquelle j'aime le clip de K'harma (Alison Lohman). Elle chante et écrit cette chanson à propos de ce garçon qui l'a quittée et lui dit spécifiquement (rires) : "Tu peux prendre ton amour et te le fourrer où je pense !!" (rires). Je n'ai jamais entendu une chanson pop où une fille disait ça... Christina Aguilera ne dirait jamais ça ! Dans un sens, K'harma est très forte, très féministe. Elle chante "Je n'ai pas besoin de ton amour", mais elle porte aussi un tout petit bikini et secoue son derrière devant les caméras ! Je crois que j'ai réussi à réaliser le premier clip sexiste et féministe à la fois... C'est une bonne combinaison !

    Le film est centré sur la relation qu'entretiennent Les et Toby. Comment la décririez-vous ?

    C'est une relation très compliquée, qui fonctionne à plusieurs niveaux. Les ( Steve Buscemi) a pratiquement laissé tomber. Il a vraiment été endommagé par la vie, et spécialement par ses parents qui ont presque détruit toute la confiance qu'il pouvait avoir en lui. Ils ont presque réduit en miette son innocence. Et c'est ce qui l'a rendu tel qu'il est aujourd'hui : un homme en colère. Dans un sens, c'est presque un animal... Toby (Michael Pitt), lui aussi, a été endommagé par la vie mais il est parvenu à conserver son innocence. Lorsque Les voit ça, il est comme fasciné par Toby et devient presque accro à lui. En plus, le fait que Toby semble l'apprécier et le traite comme un type normal, cela ne lui était jamais arrivé... Il le trouve beau, pas dans un sens sexuel, mais au sens de la pureté. Il n'avait jamais eu quelque chose de pur dans sa vie. Par exemple, quand il a des problèmes, il se lave les mains parce qu'il se sent sale... Mais dans cette relation, il y aussi un échange entre les deux personnages. Quelque chose se passe entre eux... Cette relation est tellement complexe que je pourrais en parler très longtemps. Il y aussi, entre autres, des éléments familiaux. Lorsque quelqu'un dans une famille commence à réussir, il y a parfois un autre membre – un frère ou peut-être un père – qui regarde ça et dit : "Non... si moi je reste coincé ici dans cette famille, toi aussi tu dois rester !" Il les culpabilise... Dans Delirious, Les agit un peu de la sorte envers Toby. Mais, en même temps, ces deux personnages représentent deux faces de la même personnalité. Il y a des éléments de Les dans chacun d'entre nous et aussi des éléments de Toby.

    "Delirious" est un mélange d'humour et de tristesse. Comment parvient-on à mixer ces deux sentiments de manière cohérente ?

    Lorsqu'on y parvient, cela peut être très percutant. Dans la vie, on ne peut pas avoir l'un ou l'autre, même si parfois on y arrive. Mais, pour moi, tout est plus fort quand, d'une manière ou d'une autre, on a ces deux sentiments ensemble. Parfois, la chose la plus horrible est soudainement suivie d'une autre tellement drôle qu'on a du mal à y croire. Et le film se veut délibérément "delirious" dans le sens que j'ai donné tout à l'heure : Delirious est vraiment un voyage. Parfois, le voyage t'emmène vers les sommets, très haut dans l'excitation et d'autres fois, il t'emmène très bas, te fait tomber. Mais même la chute reste tout aussi excitante que les hauteurs. Je vois vraiment ce film comme un divertissement, mais avec de l'émotion.

    En abordant le thème de la célébrité, "Delirious" aborde aussi la question d'être choisi ou de ne pas l'être. Est-ce pareil dans la vie, il y a les élus et les autres ?

    Oui, je le crois. Et particulièrement aujourd'hui. Le monde choisit les gens les plus étranges à qui donner son amour. Voilà pourquoi tout le monde veut être célèbre. C'est comme si la terre entière disait alors : "C'est toi que j'aime le plus". Et c'est plus addictif que n'importe quelle drogue. Mais on peut aussi se demander comment ces choix se font. Pourquoi est-ce que Paris Hilton a été choisie ? Les autres jeunes filles se disent alors : "Moi aussi, je pourrais être Paris Hilton ! Choisissez-moi, choisissez-moi ! " Certains la trouvent ridicules, mais d'autres restent scotchés devant elle, comme fascinés.

    Propos recueillis par Raphaëlle Raux-Moreau, à Paris le 27 juin 2007

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