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    Gilles de Maistre pousse son "Premier Cri"

    Ode à la maternité par un vétéran du documentaire et de la fiction, "Le Premier cri" montre l'extraordinaire au quotidien. Gilles de Maistre évoque la venue au monde de son film à AlloCiné.

    Et que pensez-vous des premiers échos que vous ayez reçu ?

    Je n'ai pas besoin des échos. Je sais ce que le film a fait donc je sais que ça va le faire chez les gens. Mon travail est de pomper les émotions, d'être un buvard, et de le redonner aux gens. Alors je sais qu'il y a des gens qui vont être totalement insensibles à cela, qui vont peut-être même sortir de la salle parce que ça ne va pas leur parler. Mais je sais que 80% des gens plongent forcément dans ce moment-là comme j'y ai moi-même plongé. Il n'y a aucune raison pour que je sois le seul mec sensible de l'univers...(rires) Après, s'il y a des gens qui auront envie d'aller voir le film ou pas, c'est une question qui me dépasse un peu.

    Donc, vous pensez que le film est là pour durer ?

    Ou pas !... Mais j'imagine que toutes les femmes enceintes des dix années à venir, toutes les familles offriront le bébé né en disant : " Tu es enceinte, tiens, regarde, il y a toutes les femmes du monde ". Forcément. Moi, ça me viendrait à l'idée, donc je suppose que d'autres gens auront l'idée, mais après je ne peux pas le présupposer. Je suppose que plein de gens iront voir le film parce qu'il y a plein de gens qui seront intéressés par ce moment-là : les sages-femmes, les familles qui ont des enfants, les femmes enceintes... Tous ces gens-là sont concernés.

    Pour vous qui avez touché à la fiction et au documentaire, que pensez-vous du fait que beaucoup de films documentaires tendent à prendre la forme de fictions et inversement ?

    Je trouve cela très intéressant. Que la fiction se servent des critères du documentaire pour nous faire mieux croire aux histoires, je trouve cela assez extraordinaire. Il y a des gens qui font vraiment des fictions géniales. Mais ça reste de la fiction et ça reste très cher et très sophistiqué. Et plus on veut faire des images qui aient l'air vrai et plus ça reste compliqué à fabriquer. C'est une tendance du cinéma d'aujourd'hui que j'adore, donc je n'ai vraiment pas de problème avec cela. Après, je suis très content aussi – parce que cela fait 20 ans que je fais des documentaires – que le documentaire soit à la mode au cinéma, car ça ne l'était pas du tout il y a quelques années, et que sur un genre qui était très pauvre sur le plan de la diversité – cela restait une école très classique. Aujourd'hui un certain nombre de personnalités se dégagent. Je pense à Michael Moore dans un genre, à Jacquet , avec son histoire des empereurs ... Il y a des tendances qui se dégagent, qui font que des personnalités peuvent maintenant être des auteurs, avoir un vrai regard sur la vie. Moi, modestement j'apporte ma petite pierre à ce qui a déjà été fait. C'est ma mécanique, ma façon de regarder le monde. Elle plaira ou ne plaira pas, ça c'est autre chose. Mais je pense qu'il y a maintenant la place pour plein d'expériences de films sur le réel, qui sont des films de cinéma, mais sur le réel. Par exemple, dans mon film la fiction est plus l'écrin du film, qui est que l'on emmène les gens dans une histoire, qui est cette éclipse, et autour de cette éclipse rencontre plein de femmes dans le monde. Cela permet d'avoir une narration plus forte, plus dynamique, plus esthétique. Mais le fond n'est là. C'est que celui qui est né soit réel et que cela soit incontournable dans l'honnêteté et la rigueur. Ce sont deux travaux pour moi ; on ne peut pas biaiser avec le réel, pour moi.

    A propos de cette usine à bébés au Vietnam...

    Qui est une vrai réponse à ce qui se passe au Niger, pour les Touaregs. Je sais que les gens se posent la question, notamment par rapport à la canadienne qui accouche aux Etats-Unis. Je disposais d'une heure et demie pour raconter dix histoires, et il faut être assez immédiat dans ces histoires-là. Donc j'ai cherché des histoires à la fois fortes visuellement - pour que le spectateur, tout de suite, en un plan, sache ou il est -, et à la fois fortes au niveau de la présentation, de la palette des naissances que l'on peut avoir dans le monde. Donc, il est vrai que je voulais la plus grande maternité du monde, celle-là. Je voulais ce que l'on appelle des " unassisted births " ou " free births ", parce que c'est très à la mode dans les pays occidentaux, et je suis tombé sur celle-là et sur plein d'autres choses : la clinique japonaise, le Pôle Nord, les Massaïs... Chaque histoire doit être tellement concentrée et tellement accrochée à son sens, que si on les prend séparément elles sont incroyables et démentes. Mais moi, c'est le choc de tout cela qui permet de faire son " accouchement idéal ". Donc, cette usine à faire les bébés, effectivement, telle qu'elle est présentée dans les premiers plans, au fur et à mesure du temps du film, on comprend aussi que c'est une vraie réponse, qu'il y a quand même de l'humain derrière, à travers ce médecin. Et quand les bébés meurent – un bébé sur trois meurt avant l'âge d'un an au Niger – mettre en place des systèmes comme cela en place permet de sauver des vies. Donc c'est une question : faut-il ou non sauver des vies ? Jusqu'où l'on va, jusqu'à quel type de prématuré on peut aller...

    Vous n'avez pas été tenté de montrer le point de vue d'une patiente en particulier, ne serait que pour montrer si elle ne se sentent pas perdues dans cet endroit ?

    Je crois qu'on le comprend. Par la diversité des cas, on voit que les femmes n'ont rien à dire. Mais je voulais aussi présenter le point de vue d'un homme dans le film, qui pose pour la médecine, l'homme qui vient aider la femme. Je pense que c'est à la fois quelque chose de très fort et de très dur, et à la fois il y a ce côté humain et empathique qui est là.

    Maintenant que le film est fini, y a-t-il des souvenirs meilleurs – ou plus mauvais – que d'autres qui ressortent ?

    C'est la longue escalade d'une montagne que cette affaire-là. Maintenant que le film est fini je ne suis même pas encore posé puisqu'il y a des projections, que je suis sollicité pour en parler. Donc je n'ai pas encore pris de recul. Je pense que je le ferai une fois que le film sera sorti. Il y a eu plein de moments où je pensais que je n'y arriverai pas, donc je suis content d'avoir mené à bien quelque chose qui était quasiment impossible à faire.

    Vous sentez-vous chanceux d'avoir réussi ?

    Pas chanceux, parce que je me suis vraiment bagarré. Je n'ai jamais lâché aucun lieu, ni aucune histoire que je voulais faire. Donc c'est aussi de l'acharnement.

    Y a-t-il des images que vous n'auriez pas pu mettre dans le film et que l'on verra peut-être dans le DVD ?

    Non. Tout est dans le film.

    Vous avez parlé d'une suite ?

    Oui, Le Premier cri et Le Dernier souffle. C'était pensé, pour moi, comme deux volets. Et j'entâme donc ce deuxième volet, sur la mort.

    Les repérages sont-ils entâmés ?

    Non. Pour le moment nous réfléchissons aux endroits où nous pourrions aller. Donc, nous en sommes au stade des " voeux pieux "... (rires) avant de passer au stade du réel.

    Interview meneé par Clément Gavard, à Paris, le 18/10/20007

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