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    "Food, Inc." : 5 questions à Robert Kenner

    En salle ce 2 décembre, "Food, Inc." est un documentaire choc sur la mal bouffe aux États-Unis. Rencontre avec Robert Kenner, son réalisateur.

    Mr Kenner, vous avez réalisé de nombreux documentaires sur de multiples sujets dont la guerre ou l'extermination de certaines espèces d'animaux, votre dernier parle de ce que nous mangeons. Y a-t-il eu un évènement particulier qui vous a poussé à explorer l'industrie de l'agro-alimentaire et quelle a été votre plus grande surprise lors du tournage ?

    Robert Kenner : J’étais curieux de savoir d’où venait notre nourriture et comment elle arrivait dans notre assiette. D’un côté, nous dépensons moins pour notre alimentation qu’auparavant mais cette nourriture pas chère nous parvient à une hauteur de coût jamais vue. Notre alimentation a fondamentalement été modifiée ces 40 et 50 dernières années et nous, consommateurs, sommes devenus ignorants de ces changements. J’ai pensé que ça ferait un point de départ intéressant pour un film.

    Pour moi, le plus gros choc que j’ai eu, en faisant ce film, était de découvrir ô combien les choses nous sont cachées par ceux qui fabriquent notre alimentation. Je suis allé à une audition sur un label pour la viande clonée (j’ignorais qu’il y avait de la viande clonée !). Durant l’audition, la représentante de l’industrie de viande a dit qu’elle pensait que cela serait trop confus pour les consommateurs de leur donner ce genre d’informations. J’ai réalisé que ces compagnies se combattront pour vous empêchez de connaître ce que nous mangeons. Cela arrive avec les OGM, cela arrive avec les graisses. La liste s’allonge et s’allonge. C’est la chose la plus effrayante dont j’ai été témoin.

    Il y a plusieurs niveaux de lecture dans Food, Inc : vous abordez l'environnement, la politique, les habitudes de consommation et la santé... Selon vous, quel est l'aspect le plus dangereux dans le processus de l'agro-alimentaire ?

    En fin de compte, quand vous reliez les points, vous réalisez que nous avons un système agro-alimentaire qui ne peut pas continuer comme ça. Il n’est pas viable. Il est basé sur le pétrole. Il durera seulement le temps que le pétrole tienne bon. Il deviendra de plus en plus cher avec le temps qui passe. En plus, il pollue l’eau, détruit les sols, défavorise les animaux et nous rend; nous les consommateurs; malades.

    Pour moi, l’aspect le plus effrayant de ce système est la concentration de pouvoir dans les compagnies productrices de denrées alimentaires. Il n’y a que quelques compagnies dans le monde qui contrôle l’ensemble du système de l’agro-alimentaire. Ils utilisent seulement quelques récoltes et leurs inquiétudes se portent sur leurs profits à court terme et non pas sur un système robuste et viable qui pourrait nourrir le monde. Ces compagnies sont vraiment puissantes et elles savent comment travailler avec les politiciens de tous les pays pour obtenir ce qu’ils veulent.

    Pensez-vous que les problèmes que vous traitez dans Food, Inc. sont spécifique aux États-Unis ou concernent-ils aussi le reste du monde ?

    J’aurais souhaité pouvoir dire que ce phénomène n’est vrai qu’aux USA mais je pense qu’il est mondial. Il a débuté aux USA mais définitivement, il se propage. Les compagnies qui contrôlent le système de l'agroalimentaire ne sont pas uniquement américaines. La nourriture que vous voyez dans Food, Inc. arrive dans le supermarché près de chez vous ! Smithfield, la compagnie qui produit le porc en Caroline du Nord, a construit d’énormes installations pour le porc en Roumanie qui a moins de réglementations. Ce porc pas cher se déverse sur les marchés européens et britanniques. Cela devient dur pour les bonnes productions locales de concurrencer cette nourriture à bas prix si le consommateurs n’est pas conscient de ce qu’il mange. Je sais qu’il y a une importante prise de conscience en Grande Bretagne et en Europe au sujet des OGM mais ces OGM sont en train de doucement de se faire une place dans nos produits de manière insidieuse. Beaucoup d’aliments que mange le bétail contiennent des OMG.

    Pensez-vous que l'industrie agroalimentaire d'un pays reflète sa société ?

    Je pense qu'il y a beaucoup à dire d’une société d’après la façon dont elle produit sa nourriture. Du temps de la République Romaine, les aliments étaient produits par les fermiers citoyens ; sous l’Empire Romain, ils étaient produits par les esclaves. Maintenant, dans de nombreuses parties du monde, ce travail de production de notre nourriture est devenu tellement désagréable et dangereux que ce sont principalement les immigrants en situation irrégulières qui sont employés pour le faire.

    Depuis Super Size Me, Fast Food Nation, les gens sont devenus plus conscient du genre de nourriture qu'ils y mangent, pourtant, ils continuent à manger dans ces restaurants. Food, Inc. quant à lui, aborde plus la nourriture dans les supermarchés. Attendez-vous de votre film qu'il agisse sur les habitudes de consommations des américains. Peut-il aider au changement du système ?

    Les gens doivent pouvoir manger ce qu’ils veulent manger mais je pense qu’ils devraient avoir le droit de savoir ce qu’il y a dans leur nourriture. Dans notre pays, nous subventionnons le maïs et le soja qui nous rendent obèse. Ces deux composants sont dans 90% des produits d'une épicerie. Cette omniprésence du maïs est du soja entraîne que nous ingérons par jour 300 calories de plus qu'il y a 20 ans. Je pense que c’est une tendance qui doucement se répand partout dans le monde. L'obésité est la cause de nos maladies. Aux États-Unis, un enfant sur trois, né après 2000, développera un diabète précoce. Dans les minorités, c’est un enfant sur deux qui sera touché pas cette maladie. Je pense que les gens devraient être informés de ces procédés d’alimentations qui les rendent malades et qui coûtent une fortune à notre société. Je pense que si nous vivons dans une société libre, nous devrions avoir le droit de savoir ce que nous mangeons !

    Il y a eu d’énormes réactions à propos de Food, Inc. aux États-Unis. Cela a vraiment aidé à l'émergence d'un mouvement pour les denrées alimentaires. Il y a des signes que ce mouvement commence à changer le système.

    Propos recueillis pas Bathilde Tautou

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