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    Décès du comédien Laurent Terzieff

    Grande figure du théâtre français, salué par deux Molière en 2010, l'acteur et metteur en scène Laurent Terzieff s'est éteint à l'hôpital de la Salpêtrière ce vendredi 2 juillet au soir à la suite de complications pulmonaires. Il avait 75 ans. Vu au cinéma chez Carné, Bunuel, Godard ou Pascal Thomas, ll aura marqué le paysage culturel par son intégrité, sa passion des auteurs et son magnétisme.

    Fils d'une plasticienne et d'un sculpteur russe qui émigra en France pendant la Grande Guerre, le jeune Laurent Terzieff, âgé de 9 ans en 1944, est marqué par le spectacle des bombardements. Adolescent féru de philosophie et de poésie, il assiste, fasciné, à une représentation de La Sonate des spectres de Strindberg mise en scène par Roger Blin, et décide alors de devenir comédien. Il fait ses débuts sur scène en 1953 au Théâtre de Babylone de Jean-Marie Serreau dans Tous contre tous d'Adamov, auteur-fétiche d'un acteur qui affichera, tout au long de sa carrière, une prédilection pour les dramaturges contemporains (Milosz, Schisgal).

    De la scène à l'écran

    Laurent Terzieff a une vingtaine de pièces à son actif lorsque Marcel Carné le repère dans une fiction télévisée, L'Affaire Weidmann, et lui propose un des rôles principaux des Tricheurs, portrait de la jeunesse existentialiste. Cette première apparition à l'écran en 1958 apporte au comédien une forte notoriété, le public s'identifiant à son personnage d'étudiant bohème et cynique. Lui qui confiera s'être toujours senti proche de la génération qui l'avait précédé joue alors dans les oeuvres tardives de cinéastes estampillés "qualité française", comme Autant-Lara (trois films, dont Tu ne tueras point, portrait d'un objecteur de conscience en 1961) et Clouzot avec La Prisonnière, dans lequel il interprète un artiste manipulateur qui n'est pas sans rappeler le réalisateur lui-même.

    Acteur pour des poètes du cinéma

    Partenaire de B. B. dans A coeur joie, ce beau ténébreux campe un voyou dans Les Garcons de Bolognini (1959), un film écrit par Pasolini qui lui offrira plus tard le rôle du Centaure dans Médée. Sollicité par de grands cinéastes italiens, Terzieff l'engagé incarne en 1961 un révolutionnaire dans Vanina Vanini de Rossellini et apparaît en 1976 dans Le Désert des Tartares de Zurlini. En France, Buñuel l'emmène sur la route de Compostelle dans son iconoclaste Voie lactée en 1969. Terzieff croisera d'autres poètes sur son chemin : Garrel (quatre films dont Le Révélateur, tourné en plein mai 68) et Godard (Détective, 1985).

    Retour à la scène

    Mais à partir des années 80, il se fait plus rare sur les écrans, se consacrant essentiellement au théâtre, au sein de sa compagnie, fondée en 1961. Signalons néanmoins ses compositions de trotskiste dans Rouge Baiser et d'"anar" dans Germinal (1993). A 70 ans, l'acteur au visage émacié n'a rien perdu de son magnétisme, comme le prouve sa fantomatique apparition dans Mon petit doigt m'a dit de Pascal Thomas en 2005, ou son rôle dans J'ai toujours rêvé d'être un gangster de Samuel Benchetrit (2007). Il devait faire une apparition dans le très attendu Largo Winch 2, actuellement en tournage pour une sortie en février 2011.

    L'hommage de Luchini

    Contacté par l'AFP, Fabrice Luchini qui avait partagé avec lui l'affiche de la pièce Molly en 2005 s'en souvient ainsi : "Laurent Terzieff a été une grande lumière qui a traversé le théâtre. C'était un frère, un pèlerin du théâtre. Il a cultivé comme personne le théâtre de fraternité. Il aurait pu être une star. Il a préféré la découverte d'auteurs. Il était d'une beauté absolue, d'un charme irrésistible. C'était un mystique absolu et passionné, un grand chrétien qui donnait confiance dans les êtres. Il vous aidait à donner le meilleur de vous-même. Laurent Terzieff, c'est une mythologie, au destin fascinant et christique. Il n'aimerait pas que l'on parle de lui comme cela, mais il était tout ça. Il a toujours placé l'art avant le vedettariat".

    Julien Dokhan et la Rédaction d'AlloCiné

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