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    "Like Someone in Love" : 3 questions à Abbas Kiarostami

    Dans "Like Someone in Love", le cinéaste iranien Abbas Kiarostami filme la rencontre d'une jeune prostituée avec un vieux monsieur. Une drôle d'histoire dont il nous a brièvement parlé lors du dernier Festival de Cannes.

    Dans Like Someone in Love, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami filme la rencontre d'une jeune prostituée avec un vieux monsieur. Une drôle d'histoire dont il nous a brièvement parlé lors du dernier Festival de Cannes.

    AlloCiné : Après avoir tourné "Copie conforme" en Italie, vous avez posé votre caméra au Japon pour "Someone in Love". Pourquoi ce pays ?

    Abbas Kiarostami : A la base, je crois que suis un peu comme tout le monde : j'ai été attiré par cet espèce de mystère qui règne autour du Japon. C'est un pays qui a toujours suscité beaucoup de réactions, des réactions fortes parce qu'avec le Japon, il y a une notion d'inconnu. Mais il faut savoir aller au-delà de cette vision. Like Someone in Love sert à montrer que si, vous, Français, ou moi, Iranien, arrivons à être sensible aux émotions des trois personnages du film, c'est bien la preuve que nous sommes tous proches. Avec un peuple ou des individus qui sont éloignés, on a forcément un accès réduit à ce qu'ils sont. Mais quand on regarde de plus près, on se rend compte qu'il y a une proximité avec ce que nous sommes nous-mêmes. Personnellement, en tant que cinéaste, je tente de faire une radiographie, de ne pas m'arrêter aux particularité linguistiques, culturelles ou nationales des individus. Dans le cas présent, je me suis attaché à regarder ces personnages de plus près, de manière plus intime, pour me rendre compte qu'ils étaient proches de moi.

    AlloCiné : L'expérience de ce tournage semble avoir été assez unique. Comment voyez-vous le film aujourd'hui ?

    J'ai eu l'idée de Like Someone in Love en voyageant à Tokyo, en y observant certaines choses. Après, je ne sais pas si mon film a un côté japonais. Une journaliste japonaise me l'a dit lorsque j'ai présenté le film à Paris, mais je ne peux pas vous dire. Tourner un film au Japon, c'était comme le tourner en Iran. En fait, j'aime faire un parallèle avec la peinture. Si un peintre parvient à prendre sa toile et à créer son oeuvre sans se soucier d'où il se trouve, sans se soucier de la culture de l'endroit où il se trouve, alors je pense que le cinéma peut faire la même chose. Il peut parvenir à se départir des enjeux nationaux, linguistiques et culturels pour seulement traiter de l'âme humaine. Dans Like Someone in Love, les personnages ont des traits asiatiques, mais ce sont avant tout des êtres humains.

    AlloCiné : Un dernier mot sur votre acteur principal, Tadashi Okuno, inconnu chez nous et véritable révélation du film...

    Rencontrer Tadashi Okuno a été une expérience extraordinaire. Vous savez, cet homme vit exclusivement du cinéma depuis cinquante ans. Mais il n'avait jamais prononcé la moindre ligne de dialogue dans un film. Il n'a fait que de la figuration ! En tournant Like Someone in Love, j'ai découvert un homme doté d'une grande force intérieure, d'une grande énergie, d'une vraie foi. Il était habité par le film. C'est un homme de l'ancienne génération, d'une autre époque, celle des samourais. Il a un rapport différent avec les choses de la vie. C'est un privilège de rencontrer des personnes comme lui, ce genre de personnes qui ont une qualité rarissime de nos jours : celle de refuser de se mettre en avant. Il préfère l'ombre, être au fond plutôt qu'au premier rang. Il est plein de sagesse, c'est un bouddha vivant.

    Entretien réalisé par Clément Cuyer lors du Festival de Cannes 2012

    Like Someone in Love

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