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    "Epic Mickey 2" : rencontre avec son créateur Warren Spector

    A l'occasion de la sortie de "Epic Mickey : le retour des héros", attendu le 21 novembre et suite de l'un des plus gros succès de Disney Interactive avec près de 4 millions d'exemplaires vendus, nous avons rencontré son génial créateur : Warren Spector. Sans doute un des plus grands Game Designers de l'industrie vidéoludique, créateur de titres entrés dans l'Histoire du jeu vidéo.

    L'homme est affable, confondant de gentillesse et de simplicité. Et a le triomphe modeste. A mille lieues de certains de ses confrères, qui cultivent plus volontier une image de Rockstar et des personnalités flamboyantes. Pourtant, que l'on ne s'y trompe pas : Warren Spector, quasi errigé au rang de gourou par la communauté des joueurs, est un des très grands noms de l'industrie vidéoludique. C'est notamment à lui que l'on doit quelques uns des jeux qui ont marqué l'Histoire des jeux vidéo : Deus Ex, Ultima Underworld, System Shock, Dark Projects : la guilde des voleurs et Deadly Shadows...Des titres mythiques qui, s'ils ne parleront pas forcément aux non initiés, ont en revanche laissé une trace indélébile chez ceux qui y ont joué.

    Après le carton absolu de son Epic Mickey en 2010, avec près de 4 millions d'exemplaires vendus alors qu'il s'agissait d'une exclusivité Wii, Warren Spector revient avec une suite, baptisée Epic Mickey : le retour des héros, disponible sur Wii, Xbox 360 et PS3 le 21 novembre. Sa venue à Paris pour présenter le titre était une belle occasion de nous entretenir avec lui. Rencontre.

    AlloCiné : "Epic Mickey" a été un, sinon le plus gros succès de Disney Interactive depuis de très nombreuses années, avec près de 4 millions d’exemplaires vendus. Un résultat d’autant plus remarquable qu’il ne concerne qu’une seule plateforme (la Wii). Avec le recul, comment expliquez-vous ce succès ?

    Warren Spector : Je pense que le succès d’un jeu vidéo repose sur une poignée de choses. D’abord se concentrer sur la qualité, faire quelque chose qui suscite de l’intérêt pour les gens. C’est peut-être cliché ce que je vous dis, mais je le pense profondément. Il semble aussi qu’il y avait un vrai intérêt du public pour le personnage de Mickey Mouse, personnage iconique et aisément reconnaissable. Il faut également savoir communiquer son enthousiasme auprès du public, expliquer ce que vous faites, ce que nous avons essayé de faire. Vous savez, nous n’avons peut-être pas fait un jeu parfait, mais nous avons fait un bon jeu ; je suis très fier du travail fait par mon équipe.

    AlloCiné : "Epic Mickey" a divisé la critique. Vous aviez d’ailleurs déclaré : "Je suis assez fier de faire un jeu qui polarise les gens". Qu’entendiez-vous par là ?

    Warren Spector : En fait c’est très simple. Dans un monde idéal, ce qui n’est évidemment pas le cas, mais dans un monde idéal, tout le monde louerait en permanence la qualité de votre travail, aurait un discours laudateur, mais ca ne serait pas forcément un bien. Du coup, je n’ai effectivement aucun problème sur le fait d’avoir polarisé la critique avec mon jeu ; que certaines critiques ont déclaré adorer "Epic Mickey", tandis que d’autres me disaient en gros: "ah bon vous avez fait un jeu ? J’ai oublié !" Ne vous méprenez pas sur mon propos. C’est toujours gratifiant de faire quelque chose plébiscité par la critique. Mais le plus important, c’est de croire en ce que vous faites. Pour moi, ce n’est pas une simple formule, c’est une conviction profonde.

    AlloCiné : vous avez développé un concept très intéressant autour du jeu ; à savoir le "Player Empowerment" ? Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie ?

    Warren Spector : En fait, il y a une chose que les jeux vidéo permettent de faire, ce que ne peuvent pas offrir les films, les livres, les peintures ou le théâtre, qui cela dit sont tous des expressions culturelles que j’adore. L'idée, c'est que tous les jeux sont une sorte de conversation entre les joueurs et l’équipe de développement. Et à chaque fois que nous, les développeurs, imposons sur l’histoire quelque chose aux joueurs, c’est en un sens comme si nous leur enlevions le libre arbitre. Pour moi, laisser les joueurs faire leur propre histoire, décider de son évolution au gré de leurs actions, est quelque chose d'important. Ne pas être dirigiste. Je trouve que trop de jeux encore imposent une manière de faire aux joueurs, au détriment de leur liberté.

    AlloCiné: dans cet opus, la musique joue un rôle important. Est-ce parce que vous êtes avant tout un passionné des Silly Symphonies ?

    Warren Spector : C'est vrai, mais ce n'est pas la raison principale. Imaginez seulement les classiques Disney comme Blanche-Neige et les sept nains, ou Mary Poppins avec la fabuleuse chanson "Feed The Birds" que chante Julie Andrews, sans chansons ? C'est impossible ! En fait, la musique est partie intégrante de l'héritage Disney, c'est non seulement dans son ADN, mais elle sert aussi à faire avancer l'histoire et la narration. J'ajoute que l'un de mes films préférés est d'ailleurs une comédie musicale, 42ème rue, qui date de 1933. Je place la comédie musicale au-dessus de tout. J'écoute même ça dans mon Ipod ! J'ai longtemps essayé de faire un jeu musical, ou du moins qui placait la musique au centre du jeu. Mais quand j'allais voir les éditeurs en leur disant que je voulais mettre des chansons dans mon jeu, ils me disaient que j'étais complètement fou. Finalement, c'est Disney qui a été le plus réceptif à ma proposition; parce qu'il y a des chansons dans toutes leurs histoires et que ça fait partie de la culture de la maison. Et je voulais prouver au studio que les joueurs n'ont pas de problème avec les chansons, même si elles ne sont pas interactives. Dans le jeux, elles n'affectent pas le Gameplay; c'est d'ailleurs une concession que j'ai faite à Disney. Mais je peux vous assurer qu'un jour on aura des jeux vidéo musicaux interactifs [NDLR : autres que les "Party Dance", s'entend]. En tout cas j'ai déjà dans ma tête une image très claire (il sourit).

    AlloCiné : Peut-on envisager une trilogie "Epic Mickey", si l'on considère que vous n'avez peut-être pas tout dit dans le premier et second jeu, pour créer un arc narratif ?

    Warren Spector : Je l'espère. En fait, avant même de commencer à plancher sur le premier jeu, j'avais déjà une idée de ce qu'on pourrait faire dans un second opus, dans un troisième, et même dans un quatrième ! J'avais déjà réfléchi aux idées de gameplay qu'on pourrait proposer dans Epic Mickey : le retur des héros et dans le suivant. Mais si les joueurs veulent aller jusqu'à un Epic Mickey 10, pourquoi pas ? Epic Mickey concerne avant tout la période créative originelle de Disney. Mais il y a une telle richesse dans leurs tonnes d'archives, vous ne pouvez pas imaginer à quel point ! On pourrait faire des jeux sans fin. Cela dit, j'ai vraiment envie de faire un jeu mettant en scène Donald Duck, ses neveux et Picsou; un jeu avec Dingo aussi. Ce sont des pistes auxquelles on réfléchit. [NDLR : et là, on pense au souvenir émerveillé de titres mythiques comme Quackshot et Duck Tales...]

    AlloCiné : je ne vous apprend rien en en vous disant que les jeux estampillés "AAA" sont de plus en plus chers à faire. Que pensez-vous justement des plateformes de Crowdfunding comme Kickstarter ? Est-ce une alternative crédible pour contrebalancer ça ?

    Warren Spector : c'est effectivement très intéressant, en tout cas pour financer certains types de jeux pour certains développeurs. La réalité, c'est qu'un jeu comme Epic Mickey ne pourrait par contre pas voir le jour par le biais de ce genre de plateformes, c'est beaucoup trop coûteux. Il en va de même pour tous les jeux "AAA" d'ailleurs : leurs budgets de développements dépassent de très loin les fonds levés via Kickstarter. Vous savez, il y a vraiment beaucoup de projets de jeux plus petits très intéressants et financés par Kickstarter. Il faut considérer cela comme une sorte de complémentarité. Mais pour l'heure, je préfère me concentrer sur des jeux mettant en scène des personnages très connus, essayer d'atteindre et intéresser le maximum de personnes. Du reste, je ne sais pas si c'est forcément bien ou bon pour moi, mais c'est certainement bon pour beaucoup de monde !

    AlloCiné : Si vous regardez en arrière, quel est / quels sont les titres sur lesquels vous avez travaillé dont vous êtes le plus fier ?

    Warren Spector : sans hésiter, Deus Ex. Par son caractère novateur, son Gameplay, la profondeur des thèmes abordés...C'était vraiment le jeu tel que je l'avais imaginé et rêvé. Mais j'ajoute aussi Epic Mickey. Ce personnage fait partie de l'histoire de l'animation et des jeux vidéo depuis tellement longtemps. C'est évidemment devenu un personnage iconique, on le retrouve partout, sur les Tee-Shirt, etc. Mais certains ne le connaissent que par ce biais et ne l'imaginent pas au centre d'une histoire. J'ai vraiment été surpris de l'accueil réservé par les fans et les joueurs au jeu et au personnage; nous avons touché beaucoup de monde. J'ai même reçu au studio des lettres de remerciements pour avoir redonné vie à ce personnage. Ca c'est quelque chose dont je suis extrêmement fier. Vous savez, j'ai découvert ce personnage quand j'avais trois ans. Et le souvenir laissé par sa découverte est aussi l'une des raisons pour lesquelles je fais ce métier aujourd'hui.

    Bande-annonce du jeu :

    Propos recueillis par Olivier Pallaruelo

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