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    Rencontre avec Benh Zeitlin, réalisateur des "Bêtes du Sud Sauvage" !

    Rencontre avec Benh Zeitlin, le jeune et prodigieux réalisateur des "Bêtes du Sud Sauvage", sur nos écrans ce mercredi 12 décembre.

    Grand Prix du Jury à Sundance, Caméra d’or à Cannes, Grand Prix à Deauville… Les Bêtes du sud sauvage rafle tout sur son passage et pourrait bien créer la surprise lors de la prochaine cérémonie des Oscars. Il faut dire que le film de Benh Zeitlin, jeune new yorkais qui réalise ici son tout premier long métrage, est une véritable perle. Emmené par des acteurs non professionnels parmi lesquels l’incroyable Quvenzhané Wallis, âgée de 6 ans au moment du tournage, Les Bêtes du sud sauvage sort ce mercredi 12 décembre sur nos écrans. Allociné a rencontré le metteur en scène lors du dernier Festival de Cannes.

    Allociné : "Les Bêtes du Sud Sauvage" est votre premier long métrage. Il a été sélectionné dans de nombreux festivals et a remporté une multitude de prix. C’est un vrai plébiscite ! Comment vous sentez-vous ?

    Benh Zeitlin : C’est vraiment surréaliste ! Je ne peux pas décrire ce que je ressens tant tout cela me semble fou. J’ai terminé le film seulement deux jours avant sa présentation au festival de Sundance et j’ignorais totalement ce que ça allait donner, où on allait,… J’ai vu le film pour la première fois à Sundance avec les spectateurs et c’était un peu comme tomber d’une falaise et se retrouver soudainement dans un lieu où tu ne connais rien ni personne.

    L’histoire est très complexe. Pouvez-vous nous la résumer brièvement ?

    Le film parle d’une petite fille qui vit avec son père (Dwight Henry) du mauvais côté d’un barrage dans un endroit appelé "Le Bassin". Ils vivent une sorte de vie utopique qui va voler en éclats à cause d’une série d’événements météorologiques catastrophiques. Au même moment le père de la petite Hushpuppy va tomber malade et d’immenses bêtes, les aurochs, qui étaient jusqu’ici congelées dans la glace, vont être libérées. Le film montre la manière dont cette petite fille va tenter de survivre.

    Le film est une vraie pépite, un savoureux mélange entre réalité et fantastique. Il est en partie adapté de la pièce de votre amie, la dramaturge Lucy Alibar, qu'est-ce qui vous a donné envie de vous lancer, pour votre premier long métrage, dans cette aventure ?

    C’est une combinaison de deux choses.

    J’avais envie de faire un film sur ces gens, des sortes de héros, qui refusent de quitter leurs habitats pour la ville. C’est une espèce en voie de disparition ! (rires)

    Faire un film en Louisiane me tenait véritablement à cœur, je voulais explorer la dernière ville de Louisiane, celle où vous pouvez aller jusqu’au bout de la route jusqu’aux marécages. Je voulais voir où menait cette route, c’est comme se retrouver au bout du monde. Quand j’ai exploré ces lieux pour la première fois, pour un simple repérage, je n’avais plus qu’une envie : y réaliser un film.

    Au même moment, mon amie Lucy Alibar - qui a co-écrit le film avec moi - venait de terminer l’écriture d’une pièce sur l’histoire d’une petite fille dont le père tombe malade et qui voit le monde s’écrouler autour d’elle. J’ai réalisé qu’il y avait une vraie connexion émotionnelle entre les deux histoires : perdre son père et perdre sa maison, sa ville. J’ai donc travaillé avec Lucy afin de relier ces deux choses et d’en faire une seule et même histoire. Sa pièce ne se déroule pas en Louisiane mais nous avons travaillé ensemble pour l’y transposer.

    La jeune Quvenzhané Wallis, qui tient le rôle d’ Hushpuppy et dont c’est le tout premier rôle, est incroyable. Comment l’avez-vous trouvée ? Ce n’était pas trop difficile de diriger une enfant si jeune ?

    C’est une actrice incroyable ! Je ne l’ai jamais considérée comme une enfant mais plus comme une amie, une collaboratrice. Nous avons vraiment travaillé ensemble, je ne me suis pas contenté de lui donner des indications qu’elle suivait.

    Parfois, quand vous dirigez des enfants, vous essayez de prendre des pincettes, vous avez peur de les effrayer. Ce n’était pas du tout comme ça avec Quvenzhané. Je la traitais avec respect comme une adulte, je lui expliquais ce qu’elle devait faire, les émotions qu’elle devait faire ressortir, et elle comprenait toujours très bien. Elle se concentrait et arrivait à faire exactement ce que je lui avais demandé.

    Nous l’avons miraculeusement trouvée parmi 4000 fillettes venues passer les castings en Louisiane. Ça n’a pas été un choix difficile parce que nous n’avions pas encore trouvé notre bonheur, et quand elle est apparue ça a été comme un miracle ! Faire un film avec pour interprète principale une petite fille de 6 ans a été le choix le plus stupide que j’aie jamais fait dans ma vie, et elle m’a sauvée de ma propre bêtise !

    Quelle a été la principale difficulté : tourner dans l’eau ou diriger des acteurs non professionnels ?

    La Louisiane est un endroit assez effrayant en règle générale. Les conditions rendent la vie extrêmement difficile mais je tenais vraiment à tourner le film là-bas. Je n’ai pas réfléchi en termes de difficultés car notre philosophie de groupe était avant tout de vivre le film. Nous voulions vivre la même aventure que le personnage donc rencontrer les mêmes obstacles, tourner sur l’eau et dans cet environnement. C’était très excitant pour moi, et d’un côté, le fait d’affronter la nature de cette façon a rendu le tournage amusant. Le film parle de gens qui défient la nature et c’est complétement ce que nous avons fait ! Nous n’avons pas choisi la facilité, ni tenté de faire passer ce qu’il y avait à l’écran pour autre chose. Nous avons donc été en bateau là où l’action est censée se dérouler pour que la caméra capture l’authenticité de l’environnement au cœur du récit.

    C’est un film très métaphorique…

    C’est exact. Au début du film, Hushpuppy semble être la créature la plus fragile qui existe sur Terre, et on a l’impression qu’elle pourrait être complètement détruite par ce qui est plus grand qu’elle. Mais au fur et à mesure que l’histoire avance, ses sentiments grandissent et elle évolue beaucoup. Elle s’imagine que les aurochs vont venir la chasser.

    Pour ces bêtes je me suis beaucoup inspiré des peintures des grottes de Lascaux. Ces peintures sont, pour moi, la représentation d’une civilisation disparue, et Hushpuppy est directement concernée par cela parce que sa culture et son habitat sont en voie d’extinction. Je voulais que ces animaux, disparus depuis bien longtemps, viennent à elle et pour elle, parce que Hushpuppy est directement connectée aux aurochs. C’est un peu comme s’ils avaient un message pour elle qui serait : "Nous sommes les derniers survivants de notre espèce, voilà ce que nous avons dû laisser derrière nous et ce qu’on nous a enlevé, mais on est pourtant là."

    Avez-vous déjà un autre projet de film ?

    Pas pour le moment, mais je voudrais réaliser un film dans la même veine que Les Bêtes du Sud Sauvage. La manière dont nous avons travaillé sur ce film depuis le début et la mentalité de l’équipe de production m’a vraiment plu. C’était un projet commun, toute l’équipe s’est donné à fond, c’était très physique et je souhaite vraiment réitérer l’expérience.

    La bande-annonce

    Les Bêtes du sud sauvage

    Propos recueillis en mai 2012 à Cannes par Laëtitia Forhan

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