AlloCiné : C'est la 1ère fois qu'un film sort en VOD 3 semaines avant sa sortie en salles en France. En tant que distributeur comment vous situez-vous face à cela, à cette nouvelle plateforme et à la communication sur le film ?
François Scippa-Kohn : Je pense que la salle de cinéma doit garder son rôle de 1ère fenêtre mais que tous les films n'ont pas le potentiel d'assumer la vitrine exclusive qu'on leur réserve. En France entre 13 et 15 films sortent chaque semaine : pour exister un film doit trouver ses salles, être plus visible, mieux critiqué, plus identifié que les autres. Il faudrait créer un événement, une attente, pour chaque film sorti au cinéma mais c'est impossible, et une majorité des films disparaissent des écrans dès la troisième semaine. La possibilité de travailler sur la VOD premium, ciblée, nous permet de prendre un peu plus notre temps, de travailler notre communication sur la longueur, de montrer une volonté de tenter des choses et de proposer d'autres modes de consommation à un public qui n'a souvent pas le temps d'aller voir un film au cinéma tant le turn-over de films est "frénétique". Nous espérons arriver en salle avec un bouche-à-oreille déjà installé.
N'avez-vous pas peur que les entrées en salles le 31 juillet en pâtissent ?
Absolument pas ! Tout comme un grand nombre d'avant-premières ne nuit pas, au contraire, à la carrière d'un film, nous sommes convaincus que plus le film sera vu en VOD (location) plus la curiosité des spectateurs sera grande de le découvrir en salle. Nous créons par ailleurs une rareté en ne proposant le film que sur deux plateformes VOD, Itunes et Orange. Et la veille de la sortie salle le film ne s'y trouvera plus. En attendant tout message de communication mentionne les deux dates de sortie, le 10 juillet en VOD et le 31 juillet au cinéma: libre au spectateur avide de le voir dès sa sortie VOD mais libre aux autres de choisir le grand écran au petit.
Les blockbusters et comédies à gros casting restent de plus en plus longtemps à l'affiche alors que des films indépendants ont dû mal à trouver leur place au cinéma. Pensez-vous que la VOD est l'avenir du cinéma plus confidentiel et indépendant ? Pouvoir de cette manière toucher un public qui ne se déplace pas ou plus dans les salles et préfère regarder les films depuis son canapé….
Je ne crois pas qu'il y ait de schéma tout fait et chaque film à son mode de sortie idéal. La VOD ne doit pas être une solution de repli mais bien un mode de distribution avec son marketing, ses investissements et sa cohérence. Comme pour les salles de cinéma, il ne suffit pas qu'un film soit disponible pour qu'il soit vu. En d'autres mots je pense que la VOD, sans être une solution, est un canal de diffusion supplémentaire mais ne sera jamais le salut des films indépendants si elle n'est pas accompagnée d'une réflexion sur la visibilité des films et la cohérence de l'offre.
Pensez-vous que la sortie simultanée des films en VOD et au cinéma est une bonne solution pour palier au téléchargement ?
Pas vraiment… Et pour parler des films que je connais le mieux - les films indépendants, étrangers - le téléchargement n'est pas un réel problème. Une fois de plus les sorties en VOD premium, en VOD simultanée, en VOD seulement, doivent venir d'une volonté de donner la part du lion à ce mode de diffusion et doivent être pensées, souhaitées, choisies, justifiables. Ce n'est ni un acte politique, ni un constat d'échec face à l'embouteillage en salle.
La bande-annonce
Propos recueillis le 9 juillet 2013 par Laëtitia Forhan
