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    "Beyond : Two Souls", une expérience étonnante et audacieuse

    "Beyond Two Souls" est la nouvelle création du studio français Quantic Dream et de son Game Designer, David Cage. Une expérience étonnante et audacieuse, techniquement impressionnante, qui ne manquera pas de diviser à nouveau la critique et le public.

    Facétieux David Cage. Alors que le Game Designer français cherche, selon ses propres termes, à faire voler en éclat les codes des jeux vidéo, ou du moins les utiliser pour mieux les détourner de leur finalité première, on imagine que Beyond : Two Souls a dû à nouveau poser un cas de conscience au sein des rédactions de la presse spécialisée, ou du moins pour une partie d’entre elle, trois ans après Heavy Rain.

    Car sans tomber dans un raisonnement binaire sur le "j’aime / je n’aime pas", comment en effet appréhender un tel titre à travers des grilles de lecture qui n’ont pas beaucoup changées ces dernières années ?  Un titre qui fonctionne en quelque sorte à rebours de ce à quoi on a l’habitude de jouer, avec des mécanismes de gameplay qui nous sont si familier. Du reste, il n’est pas forcément plus facile pour la presse cinéma d’appréhender un tel titre qui ne ressemble au fond à rien de connu, difficilement rangeable dans la case d’un genre de jeu préexistant. Qu’à cela ne tienne, Sony a la réponse : ce sera un "drame interactif".

    "Je suis née avec un don" nous dit Jodie Holmes dès le début de l'aventure. L'héroïne est au centre d'un phénomène paranormal puisqu'elle est reliée à une entité invisible, nommée Aiden, capable d'agir sur son environnement en faisant tomber des objets ou en prenant possession de l'esprit d'autres personnages. Cette particularité vaut à Jodie d'être l'objet d'études dès sa plus tendre enfance, notamment de la part du scientifique Nathan Dawkins (Willem Dafoe).

    Un don mais aussi une malédiction pour Jodie. Car Aiden peut être jaloux, aimant, protecteur comme violent et menaçant, détruire ceux qui s'opposent à lui, quand ce n'est pas Jodie qui le lui demande en le faisant plier à sa volonté. Des relations d'amour-haine singulières, qui pourraient tout aussi bien signifier une sorte de dédoublement de personnalité de l'héroïne, comme une forme de méditation sur la schizophrénie.

    Pour évoquer la douloureuse existence de son personnage sur une quinzaine d'années, David Cage a choisi d'adopter une structure narrative non linéaire; à base de Flash-Back et de Flash-Forward, multipliant les allers-retours entre l'enfance chaotique et solitaire de l'héroïne, et l'âge adulte. Une narration parcellaire et fragmentée, où chacun des épisodes évoque un moment clé de sa vie : lorsque ses parents la laisse aux mains du scientifique Nathan Dawkins, les premières manifestations d'Aiden, la cruauté de l'enfance et l'adolescence et ses rapports avec autrui, ses premiers amours...

    Des chapitres de durées très variables, allant parfois de moins de 10 min montre en main à plus de 45 min. Une narration éclatée qui, sur le papier, fait vraiment peur. Sauf que, loin d'être un artifice, ca fonctionne plutôt bien : une structure chronologique des événements du jeu aurait peut être eu du mal à faire décoller le récit. Il y a néamoins un bémol. Il n'est jamais possible de prendre en compte les événements passés pour déterminer les choix que l'on fait ou que l'on sera amené à faire; cela n'a pas d'impact.

    Fluidifier le gameplay

    Si Heavy Rain et son abondance de QTE en a exaspéré plus d'un (il fallait parfois avoir une main de mutant pour arriver à faire ce qui était indiqué à l'écran), ceux-ci passent quasiment à la trappe dans Beyond : Two Souls. En fait, Quantic Dream a considérablement lissé son gameplay, en cherchant à fluidifier au maximum l'action. Qu'il contrôle Jodie ou Aiden, le joueur est ainsi peu sollicité, et se contente le plus souvent d'appuyer sur une touche au bon moment pour que l'histoire continue.

    Le titre est d'ailleurs assez permissif : si le joueur échoue, le scénario avancera tout de même mais d'une autre manière, avec à la clé une vingtaine de fins différentes. Ce Gameplay lissé, cette absence d'échec, y compris dans les scènes d'actions, est assurément ce qui risque de défriser plus d'un joueur. A commencer par les détracteurs de David Cage. Mais qu'importe au fond.

    "Lorsqu’on veut construire quelque chose de nouveau, on peut parfois le faire sur des choses préexistantes. Mais d’autres fois, il faut tout raser au bulldozer" nous disait-il en interview. En ce sens, Heavy Rain constituait bien un premier pavé dans la mare vidéoludique pour explorer de nouvelles voies dans le champ de la narration interactive. Beyond : Two Souls confirme cette voie emprunté par Cage et son équipe. L'histoire du jeu se vit à la manière d'un livre interactif, dans lequel le joueur peut se replonger afin de considérer d'autres choix impactant l'aventure de Jodie Holmes, en fonction des embranchements prévus.  Beyond : Two Souls, une voie médiane entre le cinéma et les jeux vidéo ? Certainement. En tout cas, une oeuvre parfois émouvante, parfois déroutante et imparfaite. Mais une oeuvre à la sincérité qu'il est difficile de prendre en défaut.

    Olivier Pallaruelo

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