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    "Mea Culpa" : "un film de rédemption" selon Fred Cavayé [INTERVIEW]

    Pour "Mea Culpa", son troisième polar, Fred Cavayé met en scène Vincent Lindon et Gilles Lellouche. Un duo de choc pour un polar qui vous prend aux tripes. Rencontre avec le réalisateur.

    AlloCiné : Au départ vous aviez un autre projet de film puis vous avez finalement changé. Qu'est-ce qui vous a donné envie de travailler sur ce qui allait devenir "Mea Culpa" et qui au départ était un scénario de film d’Olivier Marchal ?

    Fred Cavayé : "Au départ, je travaillais sur un thriller qui se déroulait au Canada dans un milieu de bûcherons. C'était un film à suspense mais non policier. Mais ce sont les films que vous faites qui vont déclencher l’envie du film d’après, et après A bout portant je me suis rendu compte que mon envie n’était plus là… Comme j’ai un peu peur du vide, je me suis tout de suite jeté dans le travail, et le fait de retravailler ce thriller m’a permis de comprendre ce que j’avais comme envie."

    "Il me fallait une nouvelle idée et je l’ai trouvée 2 heures après. Je déjeunais avec Guillaume Lemans, mon coscénariste, et je me suis souvenu d’un projet que Guillaume avait écrit avec Olivier Marchal, mais qui avait été abandonné. On a donc commencé à réfléchir, Olivier voulait faire un film de vengeance, moi je voulais faire un film de rédemption… Au final, j’ai fait l’opposé de ce qu’aurait fait Olivier, parce qu’on est de la même famille mais on ne fait pas les mêmes films. Il a d’ailleurs été étonné de voir son nom au générique, mais s’il n’avait pas eu l’idée de départ je n’aurais pas fait ce film."

    A partir de quel moment avez-vous imaginé Vincent Lindon et Gilles Lellouche dans les rôles principaux ? Est-ce plus compliqué de diriger deux personnages principaux, qui ont, qui plus est, l’habitude d’avoir le premier rôle ?

    "J’ai pensé à eux avant même de débuter l’écriture du film. Avant de trouver l’idée de Mea Culpa, mon envie était de faire la somme de mes deux premiers films. L’émotion de Pour elle avec l’action d’A bout portant, en ayant bien entendu d’autres problématiques, mais il fallait que ça reste très romanesque. Et le meilleur des deux films, c’était Vincent Lindon et Gilles Lellouche. J’ai donc écrit Mea Culpa dans lequel les deux acteurs ont une place importante. Et j’ai eu la chance qu’ils acceptent."

    "Le fait qu’ils me connaissent bien tous les deux a facilité les choses, parce qu’en lisant le scénario ils savaient déjà ce que je voulais. Et le plus important c'est qu'ils me font confiance... Parce que pour s’atteler à un film tel quel, qui physiquement est très dur - d’ailleurs ils se sont fait très mal - il faut qu’ils sachent que ce n’est pas pour rien. Quand vous demandez à un comédien de refaire 17 fois une scène où il se fait mal à 17 reprises, il faut qu’il vous fasse hyper confiance. Je pense que ça aurait été beaucoup plus compliqué si on n’avait pas déjà travaillé ensemble. Concernant le fait de former un duo, ce sont des gens intelligents, ils savent très bien que c’est une danse qui se danse à deux. S’il y en a un qui essaie d’être au-dessus de l’autre, ça ne va pas être bon pour le film et par conséquent, pour eux. C’est devenu un vrai duo d’amis."

    Vous parlez de "Mea Culpa" comme du dernier volet d’une trilogie. Est-ce que ça signifie qu’ensuite vous changez de registre ?

    "Je n’avais pas idée au départ que j’allais faire 3 polars, mais j’ai l’impression que Mea Culpa clôt quelque chose... Après, la difficulté, c’est de ne pas m’autocensurer, si finalement je m’aperçois que je veux refaire un polar, je ne vais pas m’en empêcher. Pour le moment, j’ai envie de faire un thriller qui se passe dans la forêt et dont le personnage central serait une femme. Quelque chose qui serait très éloigne du monde urbain. Après ce ne sont que des envies et je ne sais pas encore vers quoi je vais réellement me diriger, mais je commence à creuser cette piste. Le projet sur lequel je travaillais avant de changer pour Mea Culpa me tient également à cœur donc je le garde dans un coin de ma tête. Ce n’est pas du tout un film policier, il s’agit d’un film dont on ne sait pas si c’est surnaturel ou pas… J’attends d’avoir le courage de m’y atteler.

    " Un film d'action avec du cœur"

    Comme vos précédents films, le point central de "Mea Culpa" est l’humain et pas l’action. C’est l’histoire qui prime et ça change de ce qu’on a l’habitude de voir. Avez-vous conscience que vous réinventez peu à peu le genre ?

    "Quand mon chef opérateur a vu le film il m’a dit "Ce qui est super c’est qu’on a fait un film d’action avec du cœur", et je ne m’en rendais pas vraiment compte avant. Mais c’est vrai que c’est un film avant tout romanesque dont le centre est l’humain. C'est-à-dire que les motivations des personnes, ce pourquoi ils courent, est très humain, les personnages ne font que des choses à dimension humaine. Après c’est du cinéma donc ils se battent, et si ils tombent par la fenêtre, ils s’en remettent mieux que dans la réalité… Sinon je fais un court métrage… Mais j’essaie de rester encré dans la réalité. Disons, une réalité +1 et pas une réalité +5 comme on peut parfois le voir au cinéma."

    "Mais le ressenti des gens par rapport à ça est assez différent, il y en a qui me disent "Je n’ai jamais rien vu d’aussi violent, il tombe de 5 mètres et il se relève… ". Je pense que comme c’est français il n’y a pas le filtre qu’on peut avoir quand on regarde un film américain. Il y a des films comme Taken par exemple, qui sont aussi violents, et quand je le prend comme exemple on me répond "Oui mais là c’est du cinéma". Pourquoi ? Je pense que c’est parce que dans Mea Culpa on voit des décors français avec des comédiens français dans un genre qu’on a peu l’habitude de voir chez nous. D’un coup c’est un enfant qui court et on se retrouve dans une histoire très réaliste, on n’est plus dans un film de genre où on a l’impression d’être protégé par ce filtre qu’on a souvent devant les films américains. Mais ça aide mon travail, ça rend mes films d'autant plus réaliste."

    "Souvent d’ailleurs les gens me disent c’est français, ils vont mourir à la fin… Mais ce n’est pas le cas qu’en France, il y a un côté sombre qui a été amené je pense par les nouveaux Batman de Christopher Nolan… Maintenant Batman peut mourir et c’est un truc qui révolutionne le genre. Il y a une noirceur qu’on peut s’autoriser. Avant quand l’héroïne tombait on savait très bien que le héros allait la rattraper in extremis, mais maintenant, même dans les blockbusters elle peut s’écraser… Et ça, ça change tout.. En tant que spectateur quand je sais que Batman peut mourir, et bien j’ai peur pour lui. Et là c’est la même chose, sauf que ce n’est pas Batman… Mais plus personne n’est à l’abri au cinéma."

    " Le cinéma américain nous a apporté le "happy end", les séries nous apportent une certaine noirceur."

    J’imagine que ce sont de nouvelles données à prendre en compte lorsque vous écrivez vos scénarios désormais. La place des personnages dans l’évolution du cinéma, mais également des séries. Par exemple "Game of Thrones" où aucun personnage n’est à l’abri…

    "Tout à fait, ce sont d’ailleurs les séries télévisées qui ont amené cette noirceur. C'est-à-dire qu’elles ont amené le spectateur à aller vers des choses plus sombres. Ils ont pris l’habitude de sortir des sentiers battus du cinéma où bien souvent les histoires se répétaient et où on évitait de froisser le public… Le cinéma américain nous a apporté le "Happy End", et les séries américaines nous apportent aujourd’hui une certaine noirceur. Et ça fait évoluer, dans le bon sens je trouve, le film de genre."

    Propos recueillis le 21 janvier 2014 à Paris par Laëtitia Forhan

    Photos : © Gaumont Distribution

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