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    Quand Steven Spielberg écrit à Dwayne Johnson

    Quand les talents du cinéma prennent la plume pour écrire des lettres, ca donne parfois une prose étonnante, parfois drôle, touchante, sèche, perplexe, lucide ou enragée. Voici quelques exemples.

    "Aucune violence n'est plus grande que la violence que l'on tolère par couardise, Madame Laborde, et le mutisme participe d'une violence semblable"

    Xavier Dolan, le prodige québécois du cinéma, auteur notamment des Amours imaginaires, Laurence Anyways, Tom à la ferme et en compétition à Cannes cette année avec Mommy, a été attaqué en 2013 par Françoise Laborde, membre du CSA, dénonçant la violence du clip College Boy que Xavier Dolan a réalisé pour le groupe Indochine. Défense implacable, dans une longue lettre, des accusations proférées.

    07/05/2013

    Chère Françoise Laborde,

    En 1990, je vous aurais écrit afin de me battre pour que vive le vidéoclip College Boy d'Indochine.

    En 1990, votre décision et celle de vos pairs aurait fait en sorte qu'il soit vu par des milliers de gens, ou qu'il sombre dans l'oubli, mort-né.

    Vingt-trois ans plus tard, les plateformes de diffusion en ligne ont pu nous assurer, depuis jeudi dernier, un nombre de visionnages approchant le million.

    En effet, l'Internet veillera à la survie de ce document produit non pas dans l'optique d'exploiter la violence de manière superficielle, mais bien dans celle de fournir à la jeunesse une oeuvre à la fois réaliste et

    poétique, et qui puisse illustrer de manière graphique la brutalité dont ils sont tour à tour les dépositaires, instigateurs, ou témoins.

    Vingt-trois ans plus tard, donc, la recommandation à laquelle vous vous apprêtez, davantage que de préserver l'imaginaire des jeunes, officialisera une posture sociologique sur les notions actuelles de censure, et sur l'inaptitude de l'adulte moderne à tolérer la mise en images des phénomènes sociaux dont il est directement ou indirectement responsable.

    En entrevue au Grand Direct des Médias sur Europe1, vous affirmez que mon vidéoclip "montre des images dont la violence est insoutenable... [...] Il y en a assez de cette mode de la violence... La mort, ce n'est pas esthétique. La violence, ce n'est pas esthétique. La torture, ce n'est pas esthétique." À la lumière de vos commentaires, j'en déduis que vous me percevez comme un artiste à demi-conscient qui n'a pour seul moteur que la confection de son plus récent caprice, ne réalisant pas la teneur de son propos ni la portée de son geste. "On ne dénonce pas la violence en montrant de la violence" ajoutez-vous.

    Alors comment la dénonce-t-on ? Comment la dénonce-t-on sinon par la démonstration par l'absurde? Qui peut ici se targuer d'avoir pu sensibiliser les générations précédentes à l'intolérance, l'agressivité et l'ostracisme ? Vous ? Dans l'optique où c'est ce que nous avons tenté de faire, censurer mon travail parce qu'il est violent fait montre d'une grande incompréhension de l'essence du vidéoclip, dont votre lecture se limite aux surfaces, mais plus largement de votre incompréhension du contexte social dans lequel vous oeuvrez, et de l'incompatibilité de votre démarche avec cet espace-temps.

    En effet, Madame Laborde, vous arrivez à table pour le débat sur la légitimation de la violence à l'écran avec environ trente-cinq ans de retard. Car qu'en est-il de tous ces films qui prennent l'affiche chaque vendredi et qui banalisent le geste violent depuis les quatre dernières décennies ? S'il était un temps où vos logos prohibitifs et drapeaux jaunes suffisaient à limiter leur spectre délétère, votre devoir, aujourd'hui, en tant que membre du Conseil de l'audiovisuel supérieur de France, est de réinsérer les attributs de votre mandat dans la réalité actuelle telle que redéfinie par l'héritage de la technologie.

    [...]

    Lire la lettre en intégralité sur le site deslettres

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