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    "Le Conte de la princesse Kaguya" : rencontre avec Isao Takahata

    Alors que le légendaire réalisateur des studios Ghibli était venu à Paris présenter son nouveau film, véritable voyage poétique et graphique, nous avons pu nous entretenir avec lui. Rencontre...

    Allociné / Maxime Robini
    Ce qui m’importait, c’était de montrer à quel point notre planète est merveilleuse

    Isao Takahata : Ce qui m’importait, c’était de montrer à quel point notre planète est merveilleuse, remarquable, extraordinaire. Il existe bien sûr sans doute très loin d’ici des corps célestes qui présentent des caractéristiques similaires, je ne sais pas. Mais en tout cas, il y a pour moi une beauté propre à notre monde qui découle de la diversité, de la vie végétale et animale qui existe sur Terre. C’est à l’intérieur de ce cadre que la vie humaine peut exister.

    The Walt Disney Company France

    L’idée est celle d’une comparaison avec la Lune, qui peut nous apparaitre dans sa pureté, dans sa beauté, mais elle me semble en même temps très froide. Et c’est avec "Le Conte du coupeur de bambous", un texte classique de la littérature japonaise qui date du IXème siècle, que je me suis aperçu de cette comparaison entre la Terre et la Lune. La Lune peut nous apparaitre comme plus belle ou plus pure que notre planète mais elle se caractérise aussi par cette froideur, cette absence de vie. Et donc, à supposer que des êtres existent sur la Lune, ce que présuppose le texte, il m’a semblé en y réfléchissant qu’un habitant de la Lune pourrait très naturellement éprouver une forme d’envie de venir sur Terre.

    Qu’il s’agisse des personnages ou des décors, on est basé sur une logique qui est celle du trait.
    Allocine / Maxime Robini

    L’ensemble des images du film ont été dessinées et tous les dessins en question sont des dessins au crayon qui sont portés par la rapidité du geste. Qu’il s’agisse des personnages ou des décors, on est basé sur une logique qui est celle du trait. Le dessin est d’une nature qui diffère profondément des ambitions de représentations réalistes que peuvent endosser un certain nombre de pratiques graphiques, notamment dans la peinture occidentale, qui vise à s’identifier à ce qui est représenté.

    Ce qui nous intéressait pour ce film était de travailler un dessin qui s’assume comme dessin

    Ce qui nous intéressait pour ce film était de travailler un dessin qui s’assume comme dessin, qui se permette de dire : "Je suis une esquisse, une représentation rapide, portée par l’élan d’une chose réelle qu’il vous reste à percevoir, à imaginer, à trouver, à lire, à déchiffrer par-delà le dessin. Et également une chose à retrouver par rapport à votre propre mémoire."

    The Walt Disney Company France

    Tout est en jeu dans le travail du dessin, on a donc besoin de travailler avec des gens capables de produire ce dessin-là. Tout se joue dans le talent graphique des gens avec lesquels on travaille.

    Tout se joue dans le talent graphique des gens avec lesquels on travaille.

    Des problèmes se posent lorsque vous appliquez des couleurs qui ne coïncident pas avec le tracé. Vous êtes obligé de travailler de manière séparée sur le dessin, certaines zones de couleur à part, et de réunir ça pour former une image du film comme un tout composite à partir d’éléments épars. Pour cela en particulier, vous avez besoin de faire appel à des capacités qui sont celles des ordinateurs.

    Allocine / Maxime Robini

    On a donc utilisé des ordinateurs mais le plus important c’est vraiment la main humaine, le talent humain. Il n’y a pas de coïncidences entre le tracé et les couleurs, il y a des zones qui restent blanches, des décalages, etc… Ce sont des choses qui ne sont possibles que par la main de l’homme. La machine ne peut pas produire ça.

    Le plus important c’est vraiment la main humaine, le talent humain

    On pourrait être dans une logique purement formaliste, créer des choses qui seraient flamboyantes, qui auraient leur intérêt propre sur le plan purement visuel. Ce qui m’importe, c’est que chaque film a sa nécessité intérieure, sa valeur. Et pour en faire un bon film, porté par une valeur propre, j’ai besoin de réfléchir à adapter le travail, en adéquation avec ce que le film réclame. Et le fait que ces travaux-là soient vus dans cette adéquation, c’est ce qui compte pour moi.

    Un extrait du "Conte de la princesse Kaguya"...

     

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