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    Comme le vent : rencontre avec Valeria Golino et Marco Simon Puccioni

    A l’occasion de la sortie de "Comme le vent", l’actrice Valeria Golino et le réalisateur Marco Simon Puccioni ont répondu à nos questions sur une terrasse d’un hôtel parisien, où le vent était au rendez-vous...

    AlloCiné : Vous interprétez Armida Miserere, une femme de notre époque, que vous avez rencontrée en 2002 dans la prison de Sulmona pour présenter le film "Respiro". Cette rencontre a-t-elle nourri votre interprétation ?

    Valeria Golino : Je peux vous parler de la femme qu’on a imaginée ensemble, parce que rencontrer quelqu’un une fois, ce n’est pas assez pour te faire une idée, je me rappelle d’elle mais c’était trop bref pour qu’elle soit importante pour mon interprétation. J’ai plutôt suivi la recherche que Marco avait faite avant moi, avec ses conseils, que lire, que faire, je me suis fait une idée de cette femme et c’est cette femme que l’on a porté à l’écran, c’est notre vérité, notre perception.

    On a cherché une certaine communion avec elle dans ce qu’elle écrivait sur son journal intime, dans le livre qui a été écrit sur elle aussi, j’ai aussi vu des interviews vidéo, où j’ai pu prendre certaines expressions, comme la façon dont elle parle avec les lèvres serrées, j’ai essayé de faire simple, de l’imiter, mais c’était surtout de rentrer dans un esprit, dans un sentiment, de quelqu’un de si fort et si fragile à la fois. Et c’était l’équilibre entre ces deux choses qu’on a essayé de suivre, de ne pas en faire une héroïne, de faire voir sa rigueur, sa sévérité même quelque fois, sa vulnérabilité, sa fragilité.

    L’administration pénitentiaire ne voulait pas nous laisser tourner au départ.

    AlloCiné : Comment se sont passés les tournages dans les différentes prisons ? Avez-vous eu des problèmes au niveau des autorisations ?

    Marco Simon Puccioni : L’administration pénitentiaire ne voulait pas nous laisser tourner au départ.

    Valeria Golino : Ils avaient honte qu’une femme aussi importante dans ce milieu se soit suicidée (Armida Miserere s’est donnée la mort dans son appartement à Salmona où elle dirigeait la prison connue pour être “la prison des suicides” ndlr).

    Marco Simon Puccioni : Ils culpabilisaient, il faut savoir que beaucoup de gens disaient que cette femme s’était suicidée parce que l’Etat demandait trop d’elle, ils avaient donc peur que le film les décrédibilisent. Mais petit à petit ils nous ont ouvert les portes des prisons. Mais c’était très compliqué parce que bien entendu l’équipe ne peut pas être en contact avec les prisonniers, l’administration avait toujours peur que l’on fasse passer des choses, donc il fallait tourner selon certains horaires, dans certaines sections des bâtiments etc. Mais on peut dire aussi que c’était une belle expérience, dans certaines prisons, c’était très charmant, des beaux lieux, par exemple Pianosa, c’est une île magnifique... si on peut marcher librement ! A Palerme aussi, il y a cette prison du XIXe siècle, avec des grands jardins, des arbres incroyables…

    Valeria Golino :  Des arbres… comme si tu étais dans une fable, comme on peut le voir dans le film… Mais sinon c’est vrai qu’on avait des choses à respecter, quand on rentrait, on n’avait pas le droit au téléphone, ce n’était pas un tournage facile, mais il était plutôt bien réglé à la fin, finalement ils nous ont aidés.

    Marco Simon Puccioni : Ils contrôlaient quand même à ce qu’on ne fasse pas de la mauvaise pub, du coup on avait des limites. Malgré tout on a réussi à montrer l’oppression et la violence présentes dans les prisons. Dans la réalité, c’est bien pire, surtout à Pianosa, tu peux faire ce que tu veux des prisonniers, puisque c’est une île où personne ne te regarde…

    AlloCiné : Justement Armida Miserere était la seule femme sur l’île de Pianosa…

     Valeria Golino : Tout à fait, un peu comme moi pendant le tournage, mais il y avait quand même quelques femmes dans notre équipe. Armida devait avoir une position de pouvoir dans une situation très extrême, où elle était regardé comme un être étrange… C’est pour ça qu’elle a commencé à s’habiller en militaire, j’imagine pour essayer d’assoir son pouvoir et aussi pour se mélanger, car une femme seule, c’était dangereux… mais elle restait tout de même coquette, elle tenait à porter ses boucles d’oreilles. Je trouvais ça très attendrissant, on a vu qu’elle aimait les bijoux, qu’elle était attachée à garder sa féminité, à être jolie et séduisante, elle voulait rester femme.

    Je pense qu’il y a un espoir dedans, ce n’est pas un film stérile où l’on parle uniquement de désespoir, il y a quelque chose d’autre, c’est son regard sur elle, il y a quelque chose vers la vie.

     AlloCiné : Armida se suicide en avril 2003, un mois avant l’issue du procès qui va condamner les responsables de la mort de son compagnon Umberto. Elle ne parvient pas après toutes ces années à vivre sans lui et par conséquent laisse une lettre d’adieu, ses mots sont-ils fictifs?

    Valeria Golino : C’était sa lettre, mais on n’a pas tout mis, et elle était bien plus amère que cela… On n’a pas tout lu car elle parlait de choses que l’on n’avait pas raconté dans le film, il faut savoir que ce n’était pas une lettre de pardon…

    Marco Simon Puccioni : Oui, deux choses ressortaient de cette lettre.  La première : « si je ne peux pas être une femme juste avec de la compassion pour les autres je ne peux plus vivre, je ne peux pas continuer ce métier ».  Et deuxièmement elle ne pouvait pas pardonner aux gens qui l’ont fait souffrir et qui l’ont menée à cette situation-là. Après avoir parlé de sa vie personnelle, d’en avoir fait des conclusions, elle parle de son état d’esprit. C’est une chose commune avec la prison qui est lourde et qui enferme, d’ailleurs, elle voulait être légère comme le vent, elle voulait la liberté, voyager au loin…d’où le titre du film “Comme le vent”.

    Valeria Golino : Elle ne voulait pas de funérailles, elle disait « portez-moi ailleurs »…

    Marco Simon Puccioni : Oui elle cherchait un sentiment de liberté, parce qu’elle avait quand même vécu la prison…

    Valeria Golino : Elle était prisonnière aussi d’une certaine manière, quand tu vis ça tous les jours…

    Marco Simon Puccioni : C’était une directrice, qui était au bureau mais aussi chaque jours elle allait là où se trouvait les prisonniers, elle a vraiment vécu la prison dans sa peau, dans le sang.

    AlloCiné : Idéalement, qu'aimeriez-vous que le public français retienne du film ?

    Marco Simon Puccioni : La façon dont j’ai fait ce film c’est vraiment pour en faire une histoire universelle, pas une histoire typiquement italienne. J’espère que les Français apprécieront cette femme, comment elle a réagi, cherché à rester humaine dans cette situation, même si elle est arrivée à la conclusion de se donner la mort. Pour elle c’était la conclusion nécessaire à cette situation.

    Valeria Golino : Le paradoxe c’était que même si cette expérience était douloureuse, c’était aussi joyeux pour moi. Même quand je regarde le film, je pense qu’il y a un espoir dedans, ce n’est pas un film stérile où l’on parle uniquement de désespoir, il y a quelque chose d’autre, c’est son regard sur elle, il y a quelque chose vers la vie …

    Propos recueillis par Alexandra Maïo le 16 juin 2014 à Paris.

     

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