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    De Hard Eight à Phantom Thread : le cinéma de Paul Thomas Anderson
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Responsable éditoriale des rubriques Télé, Infotainment et Streaming
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    A l’occasion de la sortie de "Phantom Thread", pleins feux sur le cinéma de Paul Thomas Anderson, auteur insoumis et réalisateur de génie ...

    Un chef d'équipe fidèle

    L’essentiel réside dans l’écriture du scénario. S’il est bien écrit, il reste peu de travail au réalisateur qui peut confier le film à sa bande d’acteurs. Il a juste à garder, pour la suite, son sens de l’humour¹.

    Amoureux de ses comédiens, Paul Thomas Anderson est sur le plateau leur premier admirateur, hésitant à arrêter une prise si leur performance est à la hauteur. Au fil des ans, il s’est constitué une famille d'interprètes associés depuis à son cinéma, grâce auquel ils ont pour la plupart connu leurs plus belles heures. De même, il s’est entouré d’une équipe technique attitrée, qui habite ses plateaux depuis plusieurs années.

    L'entourage

    Récurrents dans sa filmographie, Julianne Moore, William H. Macy et Philip Seymour Hoffman. Sur la première qu’il découvre pour Boogie Nights et retrouve dans Magnolia, il dit pouvoir faire reposer un film entier. Amoureux de son humanité, il sera fasciné par sa capacité à toujours trouver seule le ton juste, même lorsqu’il s’agit de faire semblant de mal jouer, notamment pour les besoins du film dans le film de Boogie Nights. Dans ce dernier, elle campe une mère droguée et inconséquente, rôle aux antipodes de ce qu’elle a déjà fait et qui lui vaudra une citation à l’Oscar de la meilleure actrice.

    Non loin d’elle, un certain William H. Macy tout aussi habitué au travail d'Anderson qui aime particulièrement en lui sa voix, sa "vraie gueule" et son côté scrupuleux, attaché aux détails du dialogue jusque dans sa plus fine ponctuation.

    Du regretté Philip Seymour Hoffman, son ami de toujours présent dans tous ses films jusqu'à son décès, on retiendra le premier vrai rôle d'inoubliable pornophile amoureux de Boogie Nights et la dernière hypnotique et charismatique prestation éponyme dans The Master, encensée par le public et la critique.

    Quatre autres comédiens habitent en outre le cinéma de Paul Thomas Anderson : Melora Walters, qui de Hard Eight à The Master en passant par Boogie Nights et Magnolia se transforme sous son oeil aguerri ; Luis Guzman (Boogie Nights, Magnolia et Punch Drunk Love) pour qui il s’amuse à écrire des répliques cultes, toutes personnelles, Alfred Molina (Boogie Nights et Magnolia) pour qui il compose des rôles de survoltés à côté desquels on ne peut passer ; et enfin Joaquin Phoenix héros tourmenté dans le lâcher prise pour ses deux derniers films.

    A noter que PTA a toujours voulu travailler avec celui dont la prestation hallucinée et animale pour The Master récolte récompense et admiration au Festival de Venise. C'est alors qu'il l'a tous les jours sous les yeux, brillant sur le tournage de The Master, qu'il le se rend compte qu'il le désire pour son prochain film. Tout aussi halluciné mais absurde et comique, son jeu dans Inherent Vice est aussi difficile qu'impressionnant.

    Et les autres

    Parallèlement à sa bande de fidèles, Paul Thomas Anderson a la particularité de faire se distinguer des acteurs avec qui il n’a jamais travaillé mais qu’il hisse à la tête de ses films, leur offrant à la fois le premier rôle et la reconnaissance. C’est le cas de Mark Wahlberg, jeune acteur, qu’il choisit parce que Leonardo DiCaprio est pris sur le tournage d'un certain Titanic et à qui il offre le rôle culte de la star du porno Dirk Diggler dans Boogie Nights.

    Le cas de Daniel Day-Lewis, qui se voit honoré d’un Oscar et d’un Bafta du Meilleur acteur pour sa composition misanthrope, rageuse et intense, dans There will be blood, confirme une fois encore la direction d’acteur inspirée d’Anderson. Dix ans après, PTA souhaitera le mettre en scène à nouveau, désireux de se focaliser et de "rendre justice à sa grande beauté, son élégance naturelle et la passion qu'il a pour les choses qu'il fait de ses propres mains" (l'éminent acteur est également créateur de chaussures d'exception). Travaillant le scénario avec lui pendant plus de deux ans, l'auteur a laissé son comédien s'inspirer de l'univers de la Haute Couture et s'imprégner de son personnage en devenant lui-même ce "mordu du style" aux airs de Balenciaga.

    Quand un acteur arrive à dire ses mots, à se rappeler de leur structure rythmique, à se laisser guider par l'écriture, il a trois oscars !²,

    plaisantait Philip Baker Hall, mettant en avant le talent de son auteur/metteur en scène dès le monologue d'ouverture ("rêvé pour un acteur") de Cigarettes and Coffee.

    John C Reilly revient sur sa carrière, notamment sous la direction de Paul Thomas Anderson :

    En bonus... une équipe soudée

    Autour de Paul Thomas Anderson, une équipe technique gravite, véritable famille de substitution, qui l’accompagne depuis ses débuts. Ainsi sur There will be blood, sa virtuosité atteint des sommets notamment grâce au travail de la photographie du chef opérateur Robert Elswit, récompensé aux Oscars. Présent sur ses cinq premiers films, ce dernier ne sera en revanche pas de la partie pour The Master, participant au même moment au Jason Bourne : l'héritage de Tony Gilroy, à qui il est également fidèle. Pour Phantom Thread, Paul Thomas Anderson ne le rappelera pas, décidant d'assumer tout seul ce métier qu'il était désireux d'explorer.

    Premier assistant réalisateur, Michael G. Riba accompagne Anderson dans ses envies les plus folles sur ses trois premiers films : pour la scène de la piscine dans Boogie Nights, il imaginera un bras articulé portant la caméra afin d’obtenir un mouvement à la fois "fluide et rigide" selon le projet du réalisateur.

    Sur ce même film, notable est la participation du monteur Dylan Tichenor (Boogie Nights, Magnolia, Punch Drunk Love et There Will Be Blood) qui par un joli travail de superposition recrée l’ambiance de tournage des mauvais pornos des années 80. Au sein de ce noyau qui suit Anderson, on trouve enfin Michael Penn, compositeur sur ses deux premiers films et Mark Bridges, créateur de costumes puis chef costumier sur l'ensemble de son oeuvre, et qui, grâce au challenge Phantom Thread, est passé maître de son art.

    A noter qu'à la production, se distinguent occasionnellement Daniel Lupi et plus fréquemment Joanne Sellar (de Boogie Nights à The Master), deux heureux témoins de l’évolution créative de leur poulain, qui leur rapporte régulièrement des prix et récompenses.

    ¹DVD Boogie Nights : commentaire audio du réalisateur et des acteurs

    ²DVD Hard Eight : commentaire audio du réalisateur et de l'équipe du film

    La bande-annonce de "There Will Be Blood"

     

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