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    La Porte du Paradis et sept autres films mutilés ou tués par les studios
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Il arrive régulièrement qu'Hollywood torpille, mutile voire tue les films, aidé en cela par des producteurs pas franchement respectueux des oeuvres. Démonstration avec "La Porte du Paradis" du regretté Michael Cimino, et 7 autres films.

    Dune, de Jodorowsky à David Lynch 

    Ce devait être sans doute un, sinon LE film de Science-Fiction le plus ambitieux jamais réalisé dans l'Histoire du cinéma. Trop ambitieux très certainement. "Je voulais faire un film qui donnerait aux gens qui prenaient du LSD à cette époque les hallucinations qu'on a avec la drogue, mais sans hallucination. Je ne voulais pas qu'ils prennent du LSD, je voulais fabriquer les effets de la drogue et changer la mentalité du public. Je voulais créer un prophète, pour changer les jeunes esprits dans le monde entier. Pour moi, Dune serait l'arrivée d'un dieu. Un dieu artistique et cinématographique. Il ne s'agissait pas de faire juste un film. Je voulais créer un objet sacré, libre, ouvrant de nouvelles perspectives." explique avec une incroyable et émouvante sincérité le grand Jodorowsky, dans l'extraordinaire documentaire Jodorowsky's Dune, justement consacré à cette entreprise maudite.

    En 1975, le producteur français Michel Seydoux propose ainsi à Alejandro Jodorowsky une adaptation très ambitieuse du roman culte de SF Dune au cinéma. Ce dernier, déjà réalisateur des films cultes El Topo et La Montagne sacrée, accepte. Il dresse alors une liste de talents -qu'il appelle d'ailleurs ses "guerriers"- qui ressemble surtout à un véritable Who's Who de collaborations artistiques à donner le tournis. Jean Giraud (Moebius), Dan O'Bannon, le futur scénariste d'Alien, Hans-Ruedi Giger, le futur créateur d'Alien, et Chris Foss, pour commencer. Des noms qui vont être de toutes les (grandes) aventures cinématographiques de SF des années 70-80 : Star Wars, Alien, Blade Runner... Le casting réunit quant à lui Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali, David Carradine ou Amanda Lear, mais également le jeune fils du cinéaste, Brontis Jodorowsky. Pink Floyd et Magma acceptent de signer la musique du film.

    Le producteur et Jodorowsky réunissent alors tous les Artworks, dessins préparatoires, scripts et storyboard dans une colossale Bible du projet, et donnée à toutes les Majors, afin de les convaincre de lâcher les 5 millions de dollars nécessaires pour boucler le budget du film, sur une enveloppe globale de 15 millions. Si les studios louent le caractère incontestablement novateur de ce projet, pas un ne souhaite pourtant mettre la main au porte-monnaie. La raison ? Michel Seydoux la donne lapidairement dans le film : aux yeux des Majors, "tout était génial... Sauf le metteur en scène" qui leur faisait peur, car sans doute incontrôlable.

    Ci-dessous, la bande-annonce du documentaire...

    Par leur refus, les studios ont finalement tué le projet. Ironiquement, il fut récupéré par Raffaella De Laurentiis, la fille du fameux producteur Dino De Laurentiis. L'adaptation fut ainsi d'abord confiée à Ridley Scott en 1980 mais lorsqu'il a appris le décès de son frère aîné, le réalisateur a demandé à avoir un film à tourner dans l'immédiat afin d'oublier sa tristesse. Scott s'est finalement désisté pour s'engager sur la réalisation de Blade Runner. Laurentiis s'est alors tourné vers David Lynch. On connait la suite : la mainmise de la production sur les ambitions de Lynch transformèrent le tournage en chemin de croix pour le cinéaste, au point qu'il refuse toujours d'en parler, plus de 30 ans après les faits. L'échec du film en salle, cuisant, hypothéqua non seulement les envies de suite que nourrissaient Raffaella et son père Dino, mais aussi d'autres projets comme une suite (sic !) à Conan le destructeur.

    Surtout, et de manière encore plus cynique, si Hollywood a refusé de mettre de l'argent dans le projet de Jodorowsky, cela ne l'a pas empêché de littéralement piller de fond en comble les puissantes idées de mises en scène, de décors ou de personnages qu'il avait prévu avec ses collaborateurs de génies dans sa bible, qui a circulé dans tous les couloirs des studios d'hollywood. On retrouve ainsi certaines de ses idées dans Star Wars, Terminator, Flash Gordon, Les aventuriers de l'Arche perdue, Contact, et d'autres encore... Quels emprunts exactement ? A vous de le découvrir en allant voir Jodorowsky's Dune !

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