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    Mad Max : de la sueur, du sang et quelques larmes
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Si Warner a relancé au cinéma après 30 ans d'absence la cultissime licence "Mad max" avec "Fury Road", il faut aussi compter sur son pendant vidéoludique mis en chantier quasi simultanément, et qui a de solides atouts à faire valoir.

    Warner Bros. Interactive

    Qu'il semble loin le temps des adaptations de jeux vidéo bâclées, pour ne pas dire catastrophiques, qui surfaient par pur opportunisme sur leurs licences cinématographiques. Cela ne signifie d'ailleurs pas qu'elles ont totalement disparues, hélas, mais elles ont tendance à se faire nettement plus discrètes. Il faut ainsi rendre grâce à Warner Interactive, qui fut un des premiers éditeurs à montrer la voie qualitative à suivre avec la saga Batman Arkham : déconnecter les films de leurs pendants vidéoludiques, afin que ceux-ci puissent offrir leurs propres réinterprétations de l'univers des licences. Montrer que l'intégrité et la cohérence de l'univers peuvent aussi être synonyme de gros succès. C'est tout aussi vrai d'ailleurs pour l'excellent jeu basé sur la licence du Seigneur des Anneaux, l'ombre du Mordor, sorti en fin d'année dernière. Et pour bien enfoncer le clou, la sortie du jeu Mad Max se fait quatre mois et demi après la sortie de Mad Max Fury Road en salle; là où, quelques années auparavant, il était tout simplement impensable de dissocier le film du jeu, conçu comme un simple produit dérivé.

    Warner Interactive

    C'est au studio de développement Avalanche, basé en Suède et bien connu des amateurs de la licence "james bondesque" Just Cause, que Warner a confié la réalisation du jeu Mad Max, mis en chantier quasi simultanément avec le nouvel opus de George Miller. Un projet de longue haleine, jalonné de rumeurs d'arrêt net de son développement et de sa reprise, sans compter que la communication autour du jeu depuis un an s'était faite pour le moins discrète. Il faut dire que si les fans ont dû patienter 30 ans (!) pour voir débouler avec fracas une nouvelle aventure de Max au cinéma, les joueurs, eux, se souviennent sans doute avec nostalgie du jeu sorti il y a 25 ans sur NES. Une éternité à l'ère du numérique.

    Max la menace

    Dès l'ouverture du jeu qui résonne comme un écho évident à la scène d'ouverture de Fury Road, le joueur - spectateur est catapulté sur l'asphalte, pied au plancher. Max est aux prises avec Scrotus le scabreux, frère de Rictus Erectus et autre fils d'Immortan Joe. Colosse tout comme son frère et chef de Pétroville (qu'on voit d'ailleurs au loin dans le film de Miller), il est lancé avec ses warboys psychopathes et ses chars de guerre à la poursuite de l'Interceptor, le véhicule mythique de Max. La lutte est d'une sauvagerie inouïe, et Max finit par planter à moitié la lame d'une tronçonneuse dans le crâne de son ennemi dégénéré... Avant que ce dernier ne survive et finisse par prendre le dessus.

    Warner Interactive

    Dépouillé et laissé pour mort en plein désert calciné, Max n'a désormais plus qu'une idée en tête qui est aussi sa quête : récupérer son bolide boosté avec un moteur V8, et se rendre dans un lieu mythique appelé les Plaines du Silence, là où personne n'est jamais allé. La route et la course comme une fuite en avant pour un homme vivant dans un monde dévasté et une civilisation anéantie. En chemin, il fait la connaissance de Chumbucket, croisement entre Gollum et Quasimodo, expert en mécanique et vouant un culte au Dieu machine. Son obsession à lui, c'est de bâtir celle qu'il appelle "son ange" et la faire piloter par Max, qui lui offrira son Salut : un monstre de la route baptisé Magnum Opus (du latin, qui signifie "grand travail"). Max n'a alors pas d'autre choix que de terminer ce qu'il a commencé : récupérer son Interceptor et affronter une nouvelle fois son ennemi.

    Max, ton univers impitoyable

    Tout comme le film de Miller offrait une relecture de son propre univers, des traits physiques de Max jusqu'aux environnements dévastés du Wasteland situé dans un ailleurs futur (alors que dans ses deux premiers films, l'Australie était clairement identifiée), l'équipe d'Avalanche a aussi fait le choix de réinterpréter l'univers du héros dont les (més)aventures se situent avant Fury Road. Un héros qui n'a donc ni les traits de Mel Gibson, ni ceux de Tom Hardy, et qui, il faut quand même le dire, manque un peu de charisme. Son histoire recèle bien quelques Twists et autres méandres scénaristiques, mais elle est clairement -et malheureusement- en retrait. Dans un jeu conçu en Open World, il est toujours difficile de maintenir le liant, une certaine cohésion scénaristique forcément morcelée. Sauf à avoir le génie de la mise en scène et une science de l'écriture comme le studio Rockstar et sa franchise GTA (et même Red Dead Redemption tant qu'on y est).

    Warner Interactive

    Le véritable héros du jeu, ou plutôt héroïne en fait, est bien la Magnum Opus de Max, qu'il faudra suréquiper tout au long du jeu et au gré de diverses missions, afin de la faire ressembler à terme à un authentique char d'assaut au lieu du tacot poussif du début. Parce que les véhicules des Warboys et autres groupes ennemis ne laisseront pas beaucoup de répis à votre véhicule qui finiera rapidement en pièces détachées dans les premières confrontations. Et quand on dit suréquipé, ce n'est pas un vain mot : pot d'échappement, taille de pneus, blindage, pare-choc avant renforcé, pointes anti abordage, boost de nitro graduel, modèles de carcasses de véhicules aux statistiques différentes... Jusqu'aux motifs peints sur la carrosserie. Tout y passe. Pour déverrouiller tout cela, il y a bien sûr les missions, mais aussi par le biais de ferraille servant de monnaie pour les achats.

    Dans le Wasteland, il existe des forteresses, qui servent de refuges. En accomplissant des missions secondaires au gré de ses pérégrinations, Max peut ainsi gagner le droit à avoir systématiquement le plein d'essence de son bolide, le plein de munitions, et le plein d'eau. On regrette d'ailleurs que la gestion astucieuse de ces ressources, si précieuses dans un environnement aussi dévastés, n'ait pas été poussé à fond, ce qui aurait accentué avec bonheur le côté True Survival du jeu; en lieu de quoi on trouve ces ressources en quantité raisonnable. Suffisamment en tout cas pour ne jamais être vraiment inquiété.

    Si la Magnum Opus est suréquipée au fur et à mesure, il en va de même pour Max, dont les tenues (l'ultime étant celle de Mel Gibson !) et la panoplie de coups évoluent pour assurer une meilleure protection et être toujours plus létale. Et puisque l'on parle d'affrontements (à pieds), le studio Avalanche a eu l'excellente idée de s'inspirer des enchaînements de coups de la franchise Batman : Arkham. Les combats sont d'une rare violence, entre nuque et autres os brisés, coups de surin plantés dans la tête ou la gorge en guise de finishing move, utilisation d'armes blanches bricolées par les ennemis ou utilisation de l'environnement lors des combats. Sans oublier bien entendu le fameux fusil à canon scié de Max, qui crache de bonnes décharges de gros sel à bout portant.

    Toutefois, l'une des grandes forces du jeu réside dans les affrontements à bord du véhicule brûlant l'asphalte ou ce qu'il en reste. C'est absolument fantastique, et n'est pas très éloigné des séquences folles furieuses de Fury Road justement, ou pour prendre une comparaison plus ancienne, de la longue séquence de chasse dans The Road Warrior. Tout y est : la sensation de la tôle froissée ou arrachée grâce à un harpon, les violents coups de volants pour tenter de faire sortir de la route vos poursuivants, les lances explosives balancées sur les réservoirs mal protégés des véhicules ennemis, les Kamikasseurs se lançant à l'abordage sur le toit de votre bolide et que vous oblitérez d'un coup de fusil à canon scié avant qu'un véhicule ennemi ne roule sur lui et tente de vous rattraper; les pneus en flammes, les explosions...

    Quel bonheur de voir les voitures ennemis se téléscoper pour terminer leurs courses, pulvérisées, contre un rocher avant de prendre feu. Dans cette course à la mort, l'extase n'est pas loin lorsqu'on se met en chasse d'un convoi de l'armée de Scrotus, escortant un camion citerne qui ne demande qu'à vous rendre service à l'aide d'un coup de feu ou d'une lance bien placée.

    Voir le Wasteland et mourir

    On aurait pu en parler avant mais, en un sens, on garde peut être le meilleur pour la fin : la sidération devant le travail accompli par le studio Avalanche pour créer le monde post-apocalyptique du Wasteland. Si l'équipe a sur ce point travaillé en étroite collaboration avec George Miller afin d'être le plus raccord possible sur la vision qu'il avait de cet univers et son évolution visuelle depuis 30 ans, le résultat est absolument incroyable.

    Un Open World aux paysage aussi grandioses que désespérés, où la vie ne réside que dans des petits campements parfois bien cachés, dans les sous-sols ou dans des camps fortifiés disséminés avec intelligence et aux level design exemplaires; un environnement où gisent les carcasses rouillées de navires, d'avions et même de sous-marins. Des mers de sable étendues à perte de vue avant que ne surgissent de somptueux canyons, des lacs asséchés puant le souffre aux frontières du Grand Rien, une zone que personne n'a jamais réussi à traverser. On trouve même carrément un gigantesque terminal d'un aéroport ensevelit sous les sables, qui sera d'ailleurs le coeur d'une mission bien stressante pour les nerfs. Il faut voir cette grandiose architecture des ruines, alors que le soleil se couche ou se lève... Non vraiment, c'est sublime.

    Un sentiment d'autant plus renforcé par l'impressionnant rendu visuel de la tempête de sable, pour ne pas dire le monstrueux orage, qui s'abat régulièrement sur le territoire comme dans le film de Miller, et que vous pouvez voir arriver au loin, vous forcant à trouver un abris. C'est aussi un environnement qui pousse justement le joueur à la recherche de photos et autres documents historiques trouvés dans ces coins abandonnés, qui constituent autant de preuves d'un passé désormais révolu et que Max a depuis longtemps occulté de sa mémoire.

    Le paradoxe, c'est que c'est précisément au coeur de ce sublime Open World que se cache aussi une des faiblesses du titre : sa répétitivité. Libération de camps opprimés, destruction de convois, déminages de zones, affrontements avec les caïds (sortes de boss de zones)... Dommage, car avec plus de diversité et un environnement plus dynamique, on tenait là un jeu exceptionnel. En dépit de ses quelques lacunes bien réelles, Mad Max reste toutefois un solide titre, doté en prime d'une très généreuse durée de vie, soit 30 à 40h.

    Alors, prêt pour une plongée dans l'univers punk et destroy du Wasteland ? Il n'attend plus que vous !

     

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