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    "L'Odyssée" de Cousteau : "Tout homme a ses zones d’ombre"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Rencontre avec Jérôme Salle, réalisateur de L'Odyssée. Ce film d'aventure, avec Lambert Wilson, Audrey Tautou et Pierre Niney, retrace une partie de la vie du célèbre commandant Cousteau et ses liens familiaux.

    Coco Van Oppens

    AlloCiné : L'Odyssée n'est pas une hagiographie de Cousteau. C’est un portrait qui montre aussi les parts d’ombre du personnage. On peut imaginer que de trouver le juste équilibre pour dépeindre cette personnalité a dû être comme une obsession…

    Jérôme Salle, réalisateur et scénariste de L'Odyssée : Oui, c’est un exercice extrêmement difficile. Vous travaillez une matière humaine, une réalité. Sa famille est toujours là. Vous ne pouvez pas trahir une forme de réalité. Vous devez raconter une histoire, et en même temps, vous avez besoin d’avoir une sorte de parti pris d’auteur, qui est votre point de vue sur un personnage, le portrait que vous pouvez dessiner d’un homme. Et le portrait d’un homme, ça ne peut pas être une hagiographie… D’abord parce qu’on s’emmerde. Et puis parce que c’est faux. Tout homme a ses zones d’ombre. Très souvent les défauts sont à la hauteur des qualités. Cousteau avait des qualités immenses. Il a eu une vie absolument exceptionnelle, mais il avait des défauts qui étaient à la hauteur de ses qualités.

    Quand on voit la richesse du sujet qu’est la vie de Cousteau, on ne peut s’empêcher de penser : comment se fait-il qu’un film sur Cousteau n’ait pas eu lieu avant… Savez-vous si un projet avait été tenté par le passé ?

    Non, je crois que je suis le seul dingue à m’être lancé là-dedans ! Pourquoi n’y en a-t-il pas eu avant ? Mais parce que c’est très difficile. Mais c’est amusant ce que vous dites parce que quand j’y ai pensé au début tout le monde m’a dit, 'c’est une formidable idée, mais c’est marrant, pourquoi personne n’y a pensé'. Après, j’ai compris ! Quand j’ai mis des années à me battre pour que le film existe... Parce que le film a été très compliqué à faire exister. Parce qu’il fallait courir après l’argent. Parce que c’était un tournage assez risqué. On tournait sur des bateaux, on tournait sous l’eau... C’était d’une grande complexité. Faire exister ce film a été une grande bataille.

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    Tout le monde vous fera le jeu de mot au cours de cette tournée sans doute… Le tournage a été une odyssée…

    Non, mais je le fais moi-même ! C’est très vrai. J’ai l’impression d’avoir vécu une odyssée effectivement. C’est comme si 40 ans après, on avait revécu ce qu’avait vécu Cousteau et son équipage d’une certaine manière, y compris dans le rapport compliqué avec l’argent. Et dans l’aventure, on a vécu une tempête exactement au même endroit qu’il l’avait traversé 40 ans plus tôt. Donc oui il y a un vrai parallèle dans notre aventure de tournage parce qu’eux aussi tournaient des films, et ils ont eu bien avant nous les mêmes problèmes : comment tourner sous l’eau ? Les animaux qui ne sont pas là au moment où vous voudriez qu’ils soient là... Les bateaux qui ne marchent pas...

    Vous auriez pu avoir recours au fond vert (qui permet d'incruster des images de synthèse, Ndlr.) mais on sent que vous avez voulu vous donner les moyens…

    Ce n’est pas un truc de moyens car ça aurait pu couter encore plus cher sur fond vert. Mais c’est un film sur la nature, sur le rapport de l’homme avec son environnement. Donc ça me paraissait impossible de faire ce film sur fond vert. J’avais envie qu’il y ait quelque chose d’organique qui se dégage du film. C’est pour ça d’ailleurs aussi que nous sommes allés en Antarctique pour finir dans le vrai lieu et ne pas tricher. Je voulais garder une forme de vérité et je pense que c’est quelque chose qui se sent dans le film, et qui est inspirant pour les acteurs. Et puis les films sur fond vert m’emmerdent de plus en plus, en tant que réalisateur et en tant que spectateur.

    Est-ce que dès le départ du projet, vous aviez pour idée de vous intéresser de la sorte à la famille de Cousteau ? Il y a par exemple le parti de s’intéresser à ses fils qu’on ne connaît pas forcément, etc.

    J’ai mis très longtemps à écrire le scénario, mais l’angle familial m’est apparu comme une évidence. Et encore plus le rapport père-fils, entre Cousteau et son fils Philippe.

    Pourquoi selon vous Lambert Wilson était le Cousteau idéal ?

    Il y a plusieurs raisons. D’abord, c’est un acteur formidable et je le pense depuis longtemps. Il y a chez lui une espèce d’élégance naturelle qui allait parfaitement avec cet officier de marine qu’était Cousteau, mais aussi de raideur.

    Mais le plus important est que Lambert est un homme d’une grande bonté, d’une grande gentillesse, d’une grande générosité, très attentionné, avec les gens qui l’entourent. Je savais que je pouvais lui faire jouer un Cousteau très réaliste, et éventuellement très dur par moments. Mais que la personnalité de Lambert serait toujours présente et que le public ne le prendrait pas en grippe.

    Ca protégeait un peu mon personnage et ça me permettait d’aller assez loin, de ne rien masquer de la dureté de Cousteau, que le personnage reste sympathique et complexe, pas monochrome. C’est toujours intéressant de faire jouer un personnage par un acteur dont la personnalité est assez opposée. Ca amène une forme de profondeur.

    S’il fallait retenir un moment de ce tournage, de cette odyssée… Un moment pendant lequel vous vous êtes senti privilégié de faire ce film ?

    Tourner ce film a été une chance exceptionnelle. Vraiment. Maintenant, si je devais retenir un moment, je dirais que j’en ai deux. Un qui est en Antarctique, dans un lieu qui s’appelle Paradise Harbor, qui est une baie où l’on a vécu une nuit, qui n’était pas une nuit puisque le soleil ne se couche pas. Il était 1h du matin, il y avait absolument aucun vent. L’eau, dans ces cas-là, avec le froid devient une sorte de miroir qui reflète le ciel. Vous avez le soleil qui se couche au ras des chaînes de montagne et qui se relève. Pendant des heures et des heures, la lumière change, elle devient toujours plus belle. On n’a pas arrêté de filmer. A chaque fois qu’on rangeait les caméras, on filmait depuis 12 heures, on ressortait en disant ‘c’est trop beau’. On allait retourner des scènes.

    C’était un moment magique. D’ailleurs, il y a des plans qui sont dans le film. C’est quelque chose qui est visuellement extrêmement touchant. Et surtout, vous savez qu’après, vous ne le revivrez jamais. Il y a peu de chances de retourner dans un endroit aussi lointain.

    L’autre moment exceptionnel, c’est quand on a tourné la séquence des requins : la première fois que je me suis retrouvé face à un requin tigre. Il y a d’autres requins plus petits, mais le requin tigre est vraiment très très impressionnant. Il fait 4-5 mètres et vient vers vous. Ce face-à-face était très fort.

    Pourquoi L'Odyssée est un biopic atypique

    Propos recueillis au Festival du film francophone d'Angoulême 2016 

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