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    Ray McKinnon : "J’espère que Rectify parvient à montrer le meilleur et le pire de notre espèce"

    A l'occasion du lancement de la quatrième et dernière saison de "Rectify" en France, rencontre avec Ray McKinnon, le créateur de ce qui restera l'une des séries les plus lumineuses et brillantes de ces dernières années...

    Sundance Channel Home Entertainment

    Bouleversante, brillante, méditative, envoûtante, lumineuse... Les mots pour qualifier Rectify sont, depuis son lancement en 2013 sur Sundance Channel, toujours de très belle facture. Il faut dire qu'en l'espace de trois saisons, la série créée et écrite par Ray McKinnon a su s'imposer comme l'une des séries les plus plébiscitées par la critique qui n'a cessé de rappeler ses qualités et sa rareté. On ne saurait être plus que d'accord. Rectify est une pépite brute de pure sensibilité préservée du monde extérieur, l'exploration de l'intime poussée à ses plus beaux sommets.

    Mais, comme toutes les meilleures choses doivent, parait-il, avoir une fin, Rectify est en passe d'entamer sa quatrième et dernière saison sur Sundance Channel, ce jeudi 08 décembre. Une saison qui va nous plonger dans le dernier tournant du puissant voyage de Daniel Holden, de retour parmi les vivants après 20 ans passés dans le couloir de la mort. Au cours de ces huit épisodes, Daniel, banni de Georgie, évoluera pour la première fois loin de Paulie, là où se trouvent ceux qui l'aiment mais aussi ceux qui l'ont et le détestent toujours. Loin de chez lui, Daniel va de nouveau tenter de s'ajuster au monde qui l'entoure et voir s'il est capable de trouver sa place...

    J’espère qu’à la fin de la série, le public sera satisfait

    Quant aux membres de sa famille, toujours à Paulie, chacun d'entre eux tentera de recoller les morceaux d'une vie déréglée depuis le fameux soir où Hannah Dean est morte et où Daniel a été emmené. Nouvelles chances, nouveaux départs, nouvelles peurs... Les tendres personnages de Rectify se trouveront tous à un moment charnière de leur vie alors que de, son côté, John tentera encore et toujours de faire la lumière sur le meurtre d'Hannah.

    Pour répondre à toutes les questions que soulève cette ultime saison, nous avons pu rencontrer Ray McKinnon, véritable talent du petit écran, autant devant que derrière la caméra. Acteur vu dans MudDeadwood ou Sons of Anarchy, McKinnon a décroché l'Oscar du meilleur court-métrage pour The Accountant. Il signait avec Rectify son entrée dans la création télévisée. Une entrée plus que remarquée et qui restera, sans conteste dans les annales. Rencontre.

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    Allociné : Qu’est-ce que vous vouliez dire avec ce chapitre final de "Rectify" ?

    Ray McKinnon : Je pense que je voulais prolonger le voyage de Daniel Holden. J'ai toujours eu une grande question [à ce sujet]. Lorsqu’un homme qui a été enfermé dans une boite pendant 20 ans est libéré et lâché dans ce grand monde sauvage, peut-il encore exister dans ce monde ? Peut-il trouver un quelconque sens à ce monde et, dans le cas contraire, peut-il y trouver de la satisfaction ? Comme je l’ai déjà dit, les personnages de Rectify vont continuer leur vie après que nous ayons fini de les suivre. C’est simplement que nous ne les verrons plus…

    Ce qui est bien triste pour nous. Ils vont beaucoup nous manquer...

    (Rires) Mais c’est bien, c’est bien ! Je suis content de savoir que certains ressentent ça.

    Je voulais déplacer Daniel hors de son monde habituel

    Est-ce qu’il était important pour vous de retirer Daniel de Paulie, de le mettre loin de ceux qu’il connait et loin de ce que nous connaissons, nous, téléspectateurs ?

    Je n’avais jamais raconté une histoire sur une durée aussi longue. Et on avait exploré Daniel faisant son retour à Paulie pendant trois saisons. C'est lorsque j’étais en train d’écrire la troisième saison que Sundance m’a dit qu’ils souhaitaient en faire une quatrième. Je leur ai dit que si on faisait cette saison 4, je voulais déplacer Daniel hors de son monde habituel et le mettre dans un monde différent.

    Pour nous, c'était excitant d'un point de vue créatif de pouvoir créer un nouveau monde dans lequel Daniel allait exister. Mais, [on pensait] que cela serait aussi un challenge pour les téléspectateurs. Il y a tellement d’histoires à raconter en dehors. Je me disais aussi qu’en sortant Daniel de Paulie, il n’aurait plus à gérer les attentes ou les projections de tous ceux qui le connaissent. Il pourrait aller quelque part où il serait plus anonyme et obtenir le regard des autres sur la personne qu'il est. Ce véritable reflet de lui-même pourrait lui permettre de découvrir qui il est. Et il pourrait commencer à exister plus dans ce monde...

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    C’est aussi pour cette raison que vous avez souhaité créer un personnage comme celui de Chloe ?

    Ce que j’aime chez Chloe, c’est qu’elle lui dit ce qu’elle voit chez lui plutôt que ce qu’elle espère voir ou ses propres préjugés. Je pense que Daniel a besoin d’entendre ça pour briller. C’était la raison d’être de son personnage mais aussi celle des autres nouveaux personnages que l’on découvre à Nashville.

    Cette saison justement, Daniel, loin de Paulie et des siens, va ressentir, plus que jamais, ce sentiment terrible qu’il n’existe pas, qu’il n’est pas réel, que rien ne l’est…

    Cela fait sens pour un homme qui s’est vu dire par l’Etat que, pendant un certain nombre d'années, il n’existerait plus. Durant son incarcération, il a eu le temps de s’habituer à ne pas exister. A sa grande surprise, il a découvert qu’il n’allait en réalité pas mourir...

    Dans le premier épisode de la série, il dit d’ailleurs qu’il va devoir reconsidérer sa vision du monde. Et une partie de cette vision qu'il a sur le monde suppose de faire face à sa propre existence et à tout ce que cela implique. A certains niveaux, en tout cas pour moi, et je pense que c’est certainement pareil pour d’autres, nous voulons nous confronter à notre existence et au sens que cette dernière peut avoir. Daniel a été un superbe intermédiaire pour me permettre d’explorer plus profondément le sens de l’existence.

    Daniel m'a permis de voir le monde autrement"

    Justement, pour écrire un personnage aussi particulier et pur que Daniel, j’imagine qu’il faut l’aimer mais aussi se sentir proche de ses ressentis. En clair, il faut un peu lui ressembler. Ressemblez-vous en partie à Daniel ?

    Ahh… Je pense qu’effectivement l’une des raisons pour lesquelles j’ai été tellement attiré par ce personnage et la raison pour laquelle il s'est manifesté dans mon imagination, c’est parce qu’en tant qu’auteur, je voulais expérimenter, à un certain degré, ce que cela pouvait faire d’être une personne comme lui. D'être quelqu'un qui a été plongé dans des conditions très sévères pendant tellement longtemps et qui a ensuite été relâché de nouveau dans le monde. Je me disais que, peut-être à travers lui, je pourrais être capable de voir le monde différemment par rapport à la manière habituelle dont je le percevais après pas mal de temps passé sur cette planète.

    En un sens, Daniel était pour moi une nouvelle paire de lunettes pour regarder les choses autrement. Bien sûr, je l’aime, je ressens des choses pour lui. Plus loin que ça, il me permet même de penser comme lui. Et cela m’a permis de m’étendre, le côtoyer m'a fait grandir un peu plus et, peut-être, qu’il a fait la même chose pour d’autres…

    Sundance TV

    Il y a d’ailleurs une scène à ce sujet dans la saison 4 dans laquelle Melvin évoque Daniel au cours d'une conversation avec Teddy. Il lui confie même : "Ça me brise le cœur. Je ne sais pas pourquoi ça me brise autant le cœur". On parle ici de ce sentiment d’être touché, plus que de raison, par le destin tragique de quelqu’un de bien. Rectify touche aussi beaucoup à cette idée.

    Tout comme la vie… A un niveau élémentaire, Rectify est ma manière de renvoyer ce que je vois du monde réel dans ma propre expérience de la vie. Et si on arrive à s'identifier à tous ces personnages, c’est parce qu’ils sont un reflet de la condition humaine.

    J’espère que Rectify parvient à montrer le meilleur et le pire de notre espèce"

    Dans Rectify et c’est sûrement l’une de ses forces, il existe une violence terrible, celle des hommes, et une douceur, une innocence encore plus forte, celle de Daniel. Ces deux éléments totalement opposés viennent se confronter dans la série...

    J’espère oui, j’espère que Rectify parvient à montrer le meilleur et le pire de notre espèce. Je ne voulais pas simplement raconter une histoire où des choses terribles arrivent à des gens bien. Tous les êtres humains souffrent mais nous pouvons aussi ressentir de l’amour, de la joie, de l’espoir. C’est l’insoutenable légèreté de l’être… C’est ce que l’on expérimente à travers Daniel, de la manière la plus éloquente et la plus élargie possible.

    Pour nous, téléspectateurs, quatre ans ont passé depuis le début de Rectify mais dans la chronologie de la série, seuls quelques mois se sont déroulés depuis la sortie de prison de Daniel. Pourquoi avoir choisi de raconter votre histoire sur si peu de temps ? Quand avez-vous pris cette décision ?

    Quand on m’a demandé de faire la première saison, je voulais, en l'espace de six épisodes - et je l’ai toujours su - montrer l’expérience de libération de Daniel presque moment par moment. C’est ce qui m’a inspiré à écrire cette histoire en premier lieu. La réelle histoire d’un homme libéré du couloir de la mort.

    [Je ne voulais pas seulement explorer] le premier jour de cette libération, mais le second et voir aussi à quoi ressemblerait le troisième. J’ai réalisé qu’en explorant ça, il y avait tellement plus de richesse. C’est comme la naissance d’un bébé, il se passe tellement de choses dans les 30 premiers jours de cette vie. Moi-même, je ne voulais pas les rater ! Pour moi, c’était donc très difficile de faire filer le temps trop vite et donc de rater quelques-unes des expériences de Daniel, son développement et les régressions qu'il allait vivre. Voilà pourquoi j’ai choisi de faire ça…

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    Va-t-on enfin savoir qui a tué Hannah Dean ? Allez-vous donner une réponse aux téléspectateurs quant au meurtre dans cette saison finale ?

    Je ne suis pas sûr, je ne m’en souviens plus maintenant ! J’ai dû mal à me rappeler… (Rires) Je sais que l’aspect judiciaire de la série est sans conteste un élément important. J’espère qu’à la fin de la série, le public sera satisfait de la manière dont nous avons traité la partie judiciaire de la série…

    Quand j'ai vu l'audition d'Aden, j’ai su qu’il était le bon"

    Et justement, cette saison, John donne l’impression de symboliser le téléspectateur. Il sait que la fin approche et il veut la vérité. Il a quitté Paulie mais il est celui qui n’arrive pas à avancer et à laisser ces personnages derrière lui. Comme nous, téléspectateurs et, peut-être, comme vous…

    Ah, peut-être, je ne sais pas (rires). En tant qu’être humain, nous sommes égoïstes, cupides, méchants mais nous sommes aussi généreux, gentils et nous sommes parfois capables de faire ce qui est bien. Au sein du système judiciaire américain, il y a aussi parfois des gens qui font ce qu’il faut faire. Et si quelqu’un devait faire ce qu'il faut faire, qui ce serait ? John représente certainement l’un des centres moraux de la série. A la fin du show, j’espère que son arc sera également satisfaisant…

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    Est-ce que vous vous souvenez de la première fois que vous avez vu Aden Young jouer Daniel ?

    La première fois, c’était quand j’ai vu son audition sur internet. Il était en Thaïlande et j’étais dans l’Arkansas aux Etats-Unis. Il était deux heures du matin et je cherchais désespérément quelqu’un pour incarner Daniel. J’ai vu cet e-mail, je l’ai ouvert et j’ai téléchargé cette audition. Là, j’ai été choqué, plein d’espoir. J’ai dû la rejouer encore et encore en me disant : "On mon Dieu, je crois que je l’ai trouvé." Puis, le premier jour du tournage, qui est bien sûr le début d’un très long et difficile voyage, [j’ai su qu’]il était le bon, il était l’élu. J’étais très satisfait de l’avoir trouvé pour jouer ce personnage…

    Quels sont vos plans maintenant que vous avez terminé Rectify ?

    Peut-être que, moi aussi, je vais me retirer dans une boîte pour un temps. Mais, j’espère que cette boîte-là aura une clé et que je pourrais sortir quand je le voudrais (rires). Pour être au calme, réfléchir, lire… Et voir vers quoi j’ai envie d’aller dans ma propre vie. Je n’ai pas de directions pour le moment et j’en suis très heureux.

    La saison 4 de "Rectify" est diffusée à partir de ce jeudi 08 décembre à 21h00 sur Sundance Channel :

     

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