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    "The Man in the High Castle n’aurait jamais vu le jour sans Amazon" selon le créateur Frank Spotnitz
    Clément Cusseau
    Clément Cusseau
    -Rédacteur
    Après des études en école de cinéma, il intègre la rédaction d’AlloCiné en 2011. Il est actuellement spécialisé dans les contenus streaming et l’actualité des plateformes SVOD.

    Lors du dernier Festival de Monte-Carlo, AlloCiné a pu rencontrer Frank Spotnitz, scénariste de plusieurs épisode d’X-Files et créateur de la série The Man in the High Castle produite et diffusée sur Amazon Prime.

    AlloCiné

    Adaptée du roman culte de Philip K. Dick, The Man in the High Castle est une production originale d’Amazon. Alors que la saison 2 débarque dès aujourd’hui aux Etats-Unis, AlloCiné est allé à la rencontre lors du dernier Festival de Monte-Carlo de Frank Spotnitz, le créateur de la série. L’occasion d’évoquer avec le scénariste américain la genèse du programme mais également des raisons qui l’ont poussées à quitter son poste de showrunner à l’issue de la première saison.

    Comment avez-vous découvert le roman dont s’inspire la série ? Et pourquoi avoir décidé de l’adapter?

    Frank Spotnitz : J’ai lu le roman Le Maître du Haut Château pour la première fois quand j’étais à la fac et cela m’avait beaucoup impressionné car il mettait en scène des personnages dans un contexte de défaite. Pour un adolescent américain comme moi, l’idée que l’Amérique puisse perdre une guerre était alors impensable ! Mais le livre interroge également sur les actions entreprises par ces personnages après la défaite : que ferions-nous à leur place ? C’est quelque chose que j’ai toujours eu dans un coin de la tête. Puis il y a trois ou quatre ans, on m’a proposé d’adapter le roman. J’ai immédiatement accepté, car j’adore ce livre. Puis je l’ai relu pour la première fois depuis vingt-cinq ans, et c’est à cet instant que j’ai réalisé l’ampleur de la tâche, car ce n’est pas un roman à intrigue. Or, l’intrigue est essentielle à la télévision. J’ai été bloqué pendant un petit moment par cet obstacle. Puis j’ai décidé d’extraire les thèmes du roman, ce sur quoi Philip K. Dick a centré son livre. A partir de ces thèmes et des personnages, j’ai commencé à tisser une intrigué. Et il semble que cela a fonctionné puisque les téléspectateurs ont aimé la première saison.

    Amazon Studios

    Malgré son succès, pourquoi ce roman n’avait jamais été adapté par le passé ?

    Et bien je pense que premièrement, il est extrêmement difficile d’adapter ce roman. Il y a plusieurs tentatives au fil des années mais comme il n’y a pas véritablement de structure narrative, il fallait l’inventer de toute pièce. Mais je pense également que la nature controversée de ce roman est un autre élément à prendre en compte. Il est possible qu’une partie du public soit choquée par cette histoire, ces événement sont encore récents et beaucoup de personnes ayant vécu cette période sont encore parmi nous. Et également, c’est une adaptation qui demande un gros budget. La série a coûté beaucoup d’argent, c’est même sans l’ombre d’un doute la série la plus onéreuse à laquelle j’ai participé. Je pense que ce sont tous ces éléments réunis qui expliquent pourquoi ce roman n’avait jamais été adapté par le passé. D’ailleurs, je pense que la série n’aurait jamais vu le jour ailleurs que sur Amazon.

    Quel est votre regard sur la révolution apportée par l’émergence des nouvelles plateformes Netflix, Amazon etc… ?

    Je pense que ces plateformes vont devenir de plus en plus nombreuses. C’est selon moi une très bonne chose car elles proposent de nouveaux programmes de qualité, et elles offrent aux consommateurs la liberté de consommer ce qu’ils veulent, quand ils le veulent, où ils le veulent… Mais elles offrent également des défis puisqu’elles sont à la fois les producteurs et les diffuseurs de ces programmes. Elles contrôlent la distribution de chaque contenu sur l’ensemble du monde. Je ne pense cependant pas qu’elles vont complètement remplacer la télévision.

    Etes-vous en faveur du binge-watching ?

    Je suis à 100% en faveur du binge-watching mais ironiquement, je pense que les gens consacrent désormais trop de temps à la télévision. Ils devraient se consacrer un peu plus à d’autres sujets, comme les actualités. Mais j’aime beaucoup le binge-watch car il permet de raconter des histoires différemment de ce que la télévision proposait jusqu’alors. Les intrigues sont beaucoup plus complexes car les téléspectateurs sont plus impliqués qu’avant. C’est une des choses qu’Amazon m’a dite quand j’écrivais la série, à savoir de prendre le temps et de ne rien précipiter. Nous diffusons la série sur une plateforme et par conséquent les téléspectateurs seront davantage concentrés que sur un network.

    Amazon Studios

    Pourquoi avoir quitté The Man in the High Castle après la première saison ? Quelle a été votre implication sur la seconde ?

    On emploie souvent le terme de « divergences artistiques », mais dans le cas précis c’est exactement ce qui s’est passé. Il y avait plusieurs éléments que je souhaitais développer dans la deuxième saison mais Amazon ne voyait pas les choses du même œil. C’est leur droit, je me suis donc retiré du projet. Cela ne m’empêche pas de continuer à aimer la série, et d’espérer qu’elle soit aussi réussie que possible. Elle va simplement prendre un autre chemin que le mien. J’aurais aimé continuer à travailler dessus mais je n’ai pas réussi à convaincre Amazon. C’est ainsi que vont les choses. Heureusement pour moi, je ne manque pas de projets !

    Justement, vous travaillez sur une co-production franco-américaine intitulée Ransom : que pouvez-vous nous en dire ?

    C’est une série qui se base sur un authentique négociateur spécialisé dans les prises d’otages, qui s’appelle Laurent Combalbert. Il a assuré le sauvetage de milliers d’otages à travers le monde, et j’ai été fasciné par son parcours. Son objectif lors de chaque mission est de sauver des vies tout en évitant le recours à la violence. La violence est l’ennemie principale de cette série. Le personnage principal n’a pas d’arme à feu, il n’utilise que son intelligence pour pénétrer l’esprit des criminels avec lesquels il négocie. C’est ce qui m’a attiré dans la série, car j’ai participé à de nombreuses séries dans lesquelles le héros résout toutes les enquêtes avec son pistolet. C’est un sujet idéal pour la télévision standard, car la plupart de ses négociations durent 24 ou 48h à peine. C’est donc un récit épisodique dans la vraie vie. Il y avait énormément d’affaires existantes à traiter, toutes différentes, et j’ai immédiatement été séduit par ce projet.

    Comment compareriez-vous les méthodes de production entre une plateforme comme Amazon et une chaîne de télévision comme TF1 ?

    Dans tous les cas, c’est un défi à relever. Il est évidemment plus simple de travailler pour une seule chaîne mais dans le cas de Ransom il y en a trois (ndlr : CBS / TF1 / RTL) mais quand une idée tient la route, il est beaucoup plus facile de travailler ensemble que de passer son temps à convaincre les différents partis. Je vis en France, donc je connais très bien les dirigeants de TF1 et je suis ravi de pouvoir travailler avec une chaîne de télévision française.

     

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