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    La Communauté de Thomas Vinterberg : "La dynamique entre l'individu et le groupe est dans mon ADN"

    Deux ans après le britannique "Loin de la foule déchaînée", Thomas Vinterberg revient chez lui avec "La Communauté". Un film personnel, auréolé d'un prix d'interprétation à Berlin en 2016 et que le réalisateur nous présente.

    Après la campagne anglaise de Loin de la foule déchaînée, Thomas Vinterberg revient au Danemark. Et à ses premières amours, car il est possible de situer La Communauté dans le prolongement de Festen, le film qui l'a révélé il y a près de vingt ans. Avec moins de brutalité et plus d'expérience personnelle, comme il nous l'a expliqué.

    AlloCiné : "La Communauté" est tiré d'une pièce que vous avez écrite il y a quelques années. Aviez-vous déjà l'intention d'en faire un film à l'époque ?

    Thomas Vinterberg : Beaucoup de gens m'ont demandé, surtout en-dehors du Danemark, de faire un film sur mon éducation dans une communauté comme celle-ci. C'est une chose que j'ai toujours eue à l'esprit sans jamais la prendre au sérieux, jusqu'à ce qu'une personne du milieu théatral ne me propose de faire l'inverse de ce que j'avais fait avec Festen.

    Festen est un film qui a connu autant de succès, voire plus, lorsqu'il a été transposé au théâtre. On m'a donc proposé de faire l'inverse, et de me servir de la scène pour tester la matériau dramatique. C'est ce que j'ai fait et, lors de la première, j'ai vu que les gens riaient et pleuraient, et ça m'a plu, donc je me suis dit que ça valait le coup d'en tirer un film.

    Le fait que vous mentionniez "Festen" signifie-t-il que vous cherchiez également à revenir vers vos racines, après le film plus hollywoodien qu'était "Loin de la foule déchaînée" ?

    Oui, j'aime cette dynamique d'allers et retours, et La Communauté m'est plus proche, en tant que personne. Et plus proche de mon coeur que lorsque je fais un film à Hollywood. Mais j'ai vraiment aimé faire ces plus gros longs métrages : sur un film danois, je suis le roi et je dois écrire le scénario, aider à trouver les financements et tout mettre en place. Aux Etats-Unis, en revanche, je suis le membre d'un comité. C'est quelque chose de collectif, donc j'aime le fait d'avoir moins de pression et de juste pouvoir faire un film. Et quitter mon pays pendant un petit moment, pour travailler avec d'autres gens.

    La Communauté m'est plus proche en tant que personne

    A quel point l'expérience acquise à Hollywood vous a-t-elle aidé en revenant au Danemark pour faire ce film ?

    Quand j'ai fait Loin de la foule déchaînée, mes amis, acteurs ou non, et ma femme [Helene Reingaard Neumann, ndlr], qui joue dans La Communauté, m'ont manqué. Revenir au Danemark était donc un luxe, et c'était le tournage le plus joyeux de ma carrière.

    Grâce au groupe et à la réunion de ces acteurs ?

    Oui. Ce sont mes amis et j'aime travailler avec eux. Nous sommes restés sur une espèce de campus en Suède, quand nous tournions en studio. Ma femme était là, mon enfant et mes amis aussi, donc c'était un moment fantastique, comme si la communauté du titre était devant et derrière la caméra.

    Vous est-il difficile de trouver l'équilibre entre les personnages lorsque vous travaillez avec un aussi grand groupe d'acteurs ?

    Ce sont des Danois : ils acceptent qu'il y ait un premier violon, un second et même un troisième. Donc ça n'était pas difficile de trouver un équilibre entre eux. Tout le monde savait que Trine [Dyrholm] et Ulrich [Thomsen] étaient au premier plan, et que les autres étaient juste derrière. Au théâtre, nous avions beaucoup plus affaire à des cannibales, car chacun veut de la lumière. C'était une bataille plus hardcore pour survivre.

    Le Pacte

    Laissez-vous vos acteurs improviser ?

    Ça dépend des acteurs et du moment. Je n'ai pas d'idée arrêtée à ce sujet. Certains sont très bons dans cet exercice, et d'autres non. Certains sont capables de répéter la même réplique plusieurs fois de suite, et l'améliorer à chaque prise. Il m'arrive même de faire des prises dans lesquelles un acteur improvise et pas l'autre, et il faut juste se coordonner pour que le second sache quand intervenir (rires) Dans ce film, les mecs drôles improvisent beaucoup, car leurs blagues sont meilleures que les miennes. Mais Ulrich Thomsen, qui joue le rôle principal, est très bon lorsqu'il s'agit de dire mes répliques.

    Au-delà du fait que ce soient vos amis, avez vous choisi Ulrich Thomsen et Trine Dyrholm dans les rôles principaux pour faire un parallèle avec "Festen" ?

    Pas pour faire un parallèle. Mais ce film parle du caractère éphémère des choses et du fait de vieillir, de ne plus être amoureux, de changer d'époque, de mourir. Et je trouvais intéressant de prendre le jeune couple de Festen et de le "revisiter" en lui offrant une nouvelle peau, et en sous-entendant que c'est ainsi qu'ils sont et se comportent aujourd'hui. Il s'agit du même couple, dans une certaine mesure.

    Ce film a aussi en commun avec "Festen" cette idée de communauté, de groupe, que l'on retrouve également dans "La Chasse" ou "Loin de la foule déchaînée". L'effet que le groupe a sur les gens peut-il être considéré comme votre thème fétiche, votre signature ?

    La dynamique entre l'individu et le groupe, oui. Je ne sais pas si j'ai une signature et, si c'est le cas, je préfère que quelqu'un d'autre la trouve, ce que vous venez de faire (rires) Donc je suis d'accord. Je suis curieux à ce sujet, et je trouve cette dynamique parfois brutale, comme on peut le voir dans La Chasse. Et c'est peut-être parce que j'ai grandi entouré de beaucoup de gens, donc au sein d'une dynamique de groupe, que celle-ci est dans mon ADN.

    C'est comme un peintre qui n'aime rien d'autre que peindre les deux mêmes pommes. Il va s'intéresser à la façon dont il peut façonner les pommes en question, et s'améliore au fil de sa vie. Mais je suis content si l'on me dit que j'ai une signature, car j'ai parfois l'impression d'avoir fait beaucoup trop de variations. Ceci étant dit, je ne suis pas sûr qu'il y ait une dynamique de groupe dans Submarino, même si l'histoire n'est pas de moi, car elle vient d'un livre.

    Ce n'est plus un film privé mais un film personnel

    Est-ce parce que "La Communauté" s'inspire de votre enfance que vous l'avez situé dans les années 70 et que vous adoptez souvent le point de vue des enfants dans le film ?

    Je pense que oui car j'ai vécu cette période avec des yeux d'enfant. On peut donc dire, d'une certaine façon, que je suis représenté par Freja [Martha Sofie Wallstrøm Hansen] dans La Communauté. Mais j'ai aussi vécu un divorce, et épousé une femme plus jeune, donc plusieurs des étapes de ma vie sont ici représentées.

    Quelle part de vous-même et de votre expérience contient le film au final ?

    Plus le processus avançait, en improvisant avec les acteurs ou écrivant avec d'autres scénaristes, plus la part est devenue petite. Et l'histoire est devenue de plus en plus fictionnelle, ce qui me semblait être la meilleure manière de l'aborder. Je ne voulais pas abuser de la vie privée de ceux avec qui j'ai vécu, ni de la mienne. Ce n'est plus un film privé mais un film personnel.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 4 janvier 2017

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