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    Certaines femmes : "C'est une manière très intime de faire du cinéma"

    Avec "Certaines Femmes", en salles cette semaine, Kelly Reichardt nous entraîne dans les paysages hivernaux du Montana pour dessiner un moment particulier de la vie de trois femmes. Rencontre avec une réalisatrice aussi délicate qu'exigeante.

    LFR Films

    Dans Certaines Femmes, Kelly Reichardt, étoile du cinéma indépendant à qui l'on doit déjà Old JoyWendy et Lucy ou encore La dernière Piste, met en scène les destins croisés de trois femmes, explorant autant la solitude, la combativité, la vie quotidienne dans ce qu'elle semble avoir de plus simple mais aussi le manque de considération. A nouveau, elle place son récit au coeur des grands espaces de l'Ouest américain même si, cette fois, le Montana remplace l'Oregon. Autour de Michelle Williams, qui tourne sous l'oeil de Kelly Reichardt pour la troisième fois, la réalisatrice constitue un grand casting féminin.

    Dans la peau d'une avocate, Laura Dern doit gérer un client encombrant qui ne semble pas comprendre que son affaire est arrivée à terme. De son côté, Michelle Williams campe une mère de famille qui s'est fixée l'objectif de récupérer les vieilles roches d'un voisin pour construire sa nouvelle maison. Quant à Lily Gladstone, la révélation du film, travaillant tout l'hiver dans un ranch isolé, entrevoit la lumière lorsqu'elle rencontre une jeune avocate qui s'est improvisée professeur bien trop loin de chez elle (Kristen Stewart)...

    "Certaines Femmes" repose sur des petits moments de vie

    Allocine : Pour vos précédents films, vous aviez travaillé avec l’auteur Jonathan Raymond mais, cette fois, vous avez choisi de baser votre scénario en piochant dans les nouvelles de Maile Meloy*. Pourquoi ce changement ?

    Kelly Reichardt : Jonathan Raymond a eu deux enfants depuis que l’on a commencé à travailler ensemble (rires). Et il travaillait aussi sur son nouveau roman, qui vient d'ailleurs de sortir et qui s'appelle Freebird. Pour je ne sais quelle raison, il a estimé qu’il avait autre chose à faire de sa vie que de faire un autre film sans aucun budget avec moi (rires). Il était très occupé avec son livre à ce moment-là donc j’ai dû continuer sans lui.

    Action Press / Bestimage

    Pourquoi les histoires de ces trois femmes vous ont-elles touchée ? Pourquoi avoir choisi ces histoires-là en particulier ?

    Ces histoires sont l'oeuvre de l’auteure Maile Meloy qui écrit sur le Montana et ses environs. J’ai assez rapidement accroché à son écriture car ses personnages appartiennent vraiment à leur environnement et je trouvais qu’il y avait beaucoup de place accordée au travail et aux tâches du quotidien, ce que j’adore filmer. [A noter que] Chez Maile Meloy, l'éleveuse de cheveux [incarnée par Lily Gladstone dans le film] est en fait un homme.

    Au fur et à mesure du temps, j'ai raccordé trois de ces histoires ensemble et elles ont commencé à prendre forme. C'était de l'ordre de l'essai, je ne savais pas précisément [où j'allais] et je cherchais un peu dans différentes directions après avoir cessé de travailler avec John. J'essayais différentes pistes et Maile m’a laissé essayer différentes histoires. Je voulais aussi tourner dans le Montana et tenter de comprendre ce paysage.

    L'Amérique n'a pas fonctionné pour tout le monde

    Si les vies de ces trois femmes semblent, de prime abord, très simples, elles sont en fait très compliquées. Comme le quotidien mais aussi comme votre cinéma. Les sentiments et la solitude sont compliqués et chaque jour représente une petite lutte pour décrocher, parfois, une petite victoire. Vous êtes une observatrice très fine de la vie…

    Merci (rires) ! Oui, ces histoires reposent sur des petits moments. C'est la construction de petits moments, comme le sont les histoires de Maile Meloy. C'est comme une lutte au jour le jour, la petite politique du quotidien qui va affecter la vie des gens de manière immense. Quand on a tourné la première histoire, celle avec Laura Dern et Jared Harris, cela semblait tomber à point nommé mais, aujourd'hui, cette histoire fait encore plus sens.

    Michelle Williams évoque Kelly Reichardt :

    C’est évidemment un portrait de femmes mais c’est aussi un film qui dit beaucoup sur la société américaine. Ce n’est pas un film purement politique mais il dit quelque chose sur l’Amérique perdue, on pourrait dire.

    Je ne sais pas... Je suppose que pour certaines personnes, l’Amérique a bien fonctionné. Mais, elle n'a pas fonctionné pour tout le monde (rires).

    Il existe un tout petit lien entre ces femmes. Avez-vous hésité à montrer plus de ces interconnexions ?

    Pour moi, les connexions entre ces trois femmes sont un peu ambiguës. Il y a les lieux où elles évoluent ou encore le personnage interprété par James LeGros. Mais, sinon les autres connexions ne sont pas aussi [évidentes]. J'ai justement essayé de gommer les connexions entre les histoires pour qu'elles existent de manière individuelle. Elles n'étaient pas supposées être liées dans la narration de manière très appuyée.

    Ce que nous faisons, c'est une manière très intime de faire du cinéma

    Michelle Williams est de nouveau nommée cette année pour l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour "Manchester by the Sea". Ce n'est pas la première fois. Vous qui avez travaillé avec elle sur trois films, qu’est-ce qui fait, selon vous, qu’elle le mérite ?

    Je n’ai pas vraiment la tête dans cette compétition... Je ne veux pas être réductrice et dire simplement qu'elle est la meilleure. Elle a beaucoup accompli et c'est une actrice tellement réfléchie. Oui, bien sûr, je suis de son côté. Allez Michelle (rires) !

    Peripher Filmverleih

    Dans vos films, la nature, l’environnement et les animaux tiennent une place importante. Mais, la conduite l’est aussi ! On voit beaucoup de scènes de voitures et c'est souvent un moment où les personnages traversent une émotion...

    C’est vrai (rires). Chacun de mes scénarios finit par contenir ce genre de transitions où l'on se rend d'un endroit à un autre. Je ne sais pas, ça me prend (rires). Je pense que c’est là où les choses qui ont de l'importance se déroulent, avant que vous n'arriviez à votre destination, après que vous soyez parti. Ce temps que vous passez seul dans votre voiture..

    Le temps que j'offre aux animaux dans mes films, c’est autre chose. C'est une autre connexion. Ils offrent un lien beaucoup plus facile que celui avec les gens. Il y a cette sorte d'amour inconditionnel. La condition étant peut-être qu’on les nourrit. Mais au-delà de ça, c’est une relation beaucoup plus simple qu’avec les humains.

    Souvent, lorsqu’on parle de votre cinéma, on dit que vous ne faites aucun compromis pour vous conformer au cinéma plus grand public. Vous êtes d’accord avec cette description ?

    C'est vrai (rires). Personne ne me le demande et ce n'est pas une question de bravoure mais ce sont des petits films qui se font de manière [confidentielle]. Personne ne va vraiment regarder au-dessus de notre épaule. On tourne trop loin, là où il fait très froid et personne ne veut vraiment venir (rires). C'est une manière très intime de faire des films.

    Certaines femmes sont comme Laura Dern, Michelle Williams et Lily Gladstone...

    *Les trois histoires de Certaines femmes sont tirées des recueils de nouvelles "Half in love" et "Both Ways Is the Only Way I Want It", signées Maile Meloy.

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