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    Cannes 2017 : rencontre avec Sandrine Bonnaire, présidente du jury L'Oeil d'or
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Sandrine Bonnaire préside le jury de L'Oeil d'or à Cannes cette année, prix créé en 2015 pour distinguer un documentaire toutes sections confondues du festival. L'occasion de parler du genre documentaire et des souvenirs cannois de Sandrine Bonnaire.

    Bestimage

    AlloCiné : Etes-vous habituellement spectatrice de documentaires ? 

    Sandrine Bonnaire, présidente du jury de L'OEil d'or 2017 : Même s’il y en a de plus en plus, il n’y en a pas tant que ça qui sortent en salles. Ca dépend des sujets, de mon emploi du temps. Mais oui, j’aime bien aller en voir en salles ; je trouve ça chouette. Après j’en regarde en DVD, comme Merci Patron ! par exemple que je n’avais pas vu en salles. J’ai vu le film de Jarmush sur Iggy Pop.

    Qu’est ce qui va retenir votre attention plus particulièrement ? La découverte d’un sujet, la forme, la sensibilité ? L’équilibre de tout ça ? 

    Je pense que c’est surtout le sujet, oui. On y va surtout pour un sujet et on est toujours intrigué par comment va être la forme. Je trouve ça très utile le documentaire. Même si le film est raté, on sait qu’on a un sujet quand même, la plupart du temps. Quand les deux sont là, c’est génial. 

    Ce qu’on attend, c’est une émotion, un sujet, plus une forme cinématographique. Parfois il faut se méfier, car parfois, c’est juste à titre informatif, ce qui peut être très intéressant aussi. Mais quand on est dans une sélection d’un festival de cinéma, je pense qu’il faut aussi tenir compte de ça. Parce qu’il y a une différence entre documentaire et reportage. Le reportage est pour moi purement à titre informatif, alors qu’un documentaire, c’est plus que ça. Ca mêle la forme aussi.

    Il y a la vision d’un auteur…

    Voilà.

    Vous n’avez pas le droit de nous donner d’indices sur ce que vous avez vu, mais y a-t-il des thématiques qui ressortent ? Témoignent-ils d’une certaine actualité ?

    Bien sûr, il y a le film de Vanessa Redgrave qui parle des migrants. Il y a le film de Barbet Schroeder qui parle d’une forme de dictature. (…) Je ne peux pas vous dire ce que j’en ai pensé, mais tout ce que je peux dire, c’est que c’est un film utile. Je trouve bien qu’il y ait cette sélection à Cannes car c’est un rendez-vous international qui est tellement mis en lumière. Ça permet d’ouvrir encore plus les yeux des gens. Au moins on sait que ces films existent ici à Cannes. Il y a de la presse.

    Les Films du Paradoxe

    Vous-même vous avez bénéficié de la visibilité qu’apporte le festival de Cannes pour votre documentaire, Elle s’appelle Sabine, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs en 2007…

    Ça a tout changé. Et encore, j’ai un nom donc on en aurait parlé. Mais là, du fait de Cannes, on en a parlé encore plus, et d’ailleurs ça a fait changer l’horaire de programmation de France 3. Il y avait tellement un super accueil et la presse a été géniale. Vraiment, je les remercie. France 3 s’est dit qu’ils allaient mettre mon film en première partie de soirée et il y a eu un débat après. Du coup, on a fait un taux d’audience assez important. Le film est sorti en salles 6 mois plus tard, il a plutôt bien marché pour un doc, et on a pu parler de ce film réellement, grâce à Cannes.

    Justement au sujet de vos documentaires, vous avez tourné récemment un documentaire sur Marianne Faithfull…

    Oui, j’en ai fait un sur Jacques Higelin qui a été diffusé sur Arte, et je suis en train de finir celui sur Marianne Faithfull. On n’a pas la date de diffusion encore, mais le film sera terminé en rentrant. Il me reste l’étalonnage à faire.

    C’est un mélange d’archives, d’entretiens posés. Je l’ai suivie assez ponctuellement. Je l’ai moins suivie que Jacques Higelin parce qu’elle avait une tournée beaucoup moins dense que Jacques, mais je l’ai quand même suivie sur un an et demi. Je pense que c’est le temps qu’il faut pour connaitre quelqu’un, pour s’adopter mutuellement. Donc c’est un portrait sur Marianne qui raconte sa carrière, sa vie de femme aussi, sa vie d’artiste, les attentes qu’elle a aujourd’hui. C’est un portrait intime comme ça l’était sur Higelin. Les archives se croisent en écho avec ce qui est dit aujourd’hui.

    RINDOFF-PATERSON / BESTIMAGE

    Avez-vous croisé Agnès Varda qui a un documentaire en sélection, Visages Villages. Ca doit être quelqu'un qui compte encore beaucoup pour vous aujourd'hui...

    Bien sûr, c’est quelqu’un qui compte beaucoup pour moi, pour le cinéma. Ça s’est prouvé car l’accueil a été extrêmement chaleureux, ça m’a vachement émue. Je me suis dit « ouah, Varda, elle est aimée quoi ! ». Ça fait plaisir. Je ne suis pas allée la voir car j’ai enchainé avec des projections, mais c’est très bien parce qu’on a envie d’aller voir la personne, de lui dire des choses spontanément, mais je n’ai pas le droit de le faire. Mais il n’y a pas que Varda. Il y a Raymond Depardon aussi, avec qui j'ai tourné [La Captive du désert, en 1989]. 

    En tout cas, ce qui est très joli, c’est que j’ai tourné avec ces deux metteurs en scène très jeune. Varda est vraiment celle qui m’a confirmée dans le métier. Autant j’ai été découverte par Pialat, c’est lui qui m’a ouvert les portes [avec A nos amours], avec lequel j’ai eu accès au cinéma, c’est lui qui m’a donné les clés. Mais c’est Varda qui m’a permis d’y rester, qui m’a vraiment installée dans métier. La symbolique est belle dans le sens où je suis là pour, je ne dirais pas juger son travail, de quel droit juger surtout quelqu’un de talent comme ça, mais en tout cas de partager, d’échanger sur son travail avec mon jury. Je trouve ça très beau et ce sont les 70 ans du festival, ce sont mes 50 ans à la fin du mois… La symbolique est forte.

    Ça fait plus de 30 ans que je fais ce métier… J’étais une jeune fille dans ce métier. Est-ce que j’allais rester, pas rester ? Sans toit ni loi a été tellement marquant pour tout le monde, y compris pour moi, que j’étais presque indélogeable. Depardon, c’est la même chose. C’est-à-dire que ce sont des gens qui m’ont éduquée, qui m’ont appris des choses. Ça m’a orientée dans un style de cinéma plutôt pas trop con (rires).  C’est grâce à eux, grâce à tous ces gens : Pialat, Chabrol Rivette… Et ceux qui sont encore là, je les remercie. Je me dis : « ouah, j’ai eu la chance de travailler avec eux ». 

    >>> Le jury de L'OEil d'or - Le Prix du documentaire, créé en 2015 par la Scam à l’initiative de Julie Bertuccelli, avec la complicité du Festival de Cannes et de Thierry Frémaux, en partenariat avec l'INA et le soutien d'Audiens,est présidé par Sandrine Bonnaire et composé de Lucy Walker, Lorenzo Codelli, Dror Moreh, Thom Powers. Le prix sera décerné demain au Festival de Cannes.

    La bande-annonce de Sans Toit ni Loi d'Agnès Varda avec Sandrine Bonnaire :

     

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