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    La Région Sauvage : "N'importe quel bon film est provocant" selon Amat Escalante

    Après les chocs "Los Bastardos" et "Heli", prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes 2013, le cinéaste mexicain Amat Escalante revient avec "La Région Sauvage" qui, à l'instar de ses précédents travaux, ne devrait laisser personne indifférent.

    Une cabane au milieu des bois : à l'intérieur, une mystérieuse créature, source de plaisir et de destruction. Son pouvoir d'attraction est tel qu'elle va bousculer la vie d'une famille mexicaine a priori sans histoires. Voilà le pitch pour le moins intriguant de La Région Sauvage, le nouveau long-métrage d'Amat Escalante. Le réalisateur mexicain s'essaie pour la première fois au fantastique.

    Allociné : Vos précédents films étaient très réalistes. Pourquoi avoir choisi de vous frotter au genre fantastique avec La Région Sauvage ? Pourquoi faire du récit une allégorie ?

    Amat Escalante : J’ai toujours été inspiré par le fantastique. Je pense que c’est une magnifique part du cinéma et de ses possibilités. Déjà sur mon précédent film, Heli, j’ai joué durant le processus d’écriture avec l’idée d’avoir des éléments de science-fiction. Avec La Région Sauvage, je me suis rendu compte qu’en utilisant un élément qui n’est pas de notre réalité, j’arrivais à mieux représenter l’intériorité des personnages. C’était vraiment très inspirant pour moi d’être capable de représenter cela visuellement et d’achever mon idée de cette manière.

    En voyant votre film, il est difficile de ne pas penser à Possession d’Andrzej Zulawski, à Théorème de Pasolini ainsi qu’au travail de David Cronenberg. Étaient-ce vos influences ?

    Bien sûr ces films m’ont inspiré. En réalité je n’ai pas vu Théorème mais Pasolini fait partie des plus grands réalisateurs. Quant à Possession, mon père m’en a parlé quand j’étais enfant. Il m’a dit qu’il n’avait pas été capable de voir un film pendant un an après l’avoir découvert. Une fois que je me suis senti capable de le regarder, j’ai été très impressionné et c’est pourquoi j’ai dédié le film à la mémoire d’Andrzej Zulawski, qui est décédé avant la sortie de mon film. 

    Manuel Claro

    Pouvez-vous nous parler de la créature ? Comment a-t-elle été conçue ?

    La créature a été conçue avec l’aide des sociétés danoises qui ont co-produit le film et qui ont joué un rôle important durant la production. Les effets spéciaux ont été supervisés par Peter Hjorth qui a notamment travaillé sur les deux volets de Nymphomaniac et The Neon Demon. La créature a été mise au point avec l’aide de Sofa pour les prothèses et de Ghost pour la partie numérique. Cela a nécessité beaucoup de savoir-faire créatif et technique de la part de ces artistes et je suis très reconnaissant de ce qui a été réalisé. Il a fallu environ 2 mois d’aller-retour depuis la conception initiale vers ce que nous voulions, quelque chose qui pourrait englober et stimuler plusieurs aspects d’un humain. Nous voulions une créature à la fois grotesque et sensuelle, qui attirerait les personnages autant qu'elle les repousserait. Il fallait des éléments féminins et masculins parce que nous ne voulions pas qu'elle appartienne à un genre précis.

    Votre cinéma est très provocant, souvent sujet à controverse. Êtes-vous conscient de cela quand vous faites un film ? A quel point est-ce délibéré ?

    Je veux faire des choses que je n'ai encore jamais vu auparavant. J'aime le sexe, la violence et l'amour et je veux laisser une trace avec ces éléments. La provocation peut sonner comme quelque chose de péjoratif mais je crois que n'importe quel bon film est provocant. Je veux susciter de l'émotion et de l'excitation, faire bondir les spectateurs de leurs sièges, les faire rire ou les rendre mal à l'aise. C'est excitant pour moi car c'est ce que j'aime quand je regarde un film. C'est une question complexe mais mon but n'est pas uniquement de choquer. En fait, pour être choqué, il suffit d'aller sur internet pour trouver des choses extrêmes très facilement.

    Carlos Reygadas (Bataille dans le ciel, Post Tenebras Lux) est, comme vous, un réalisateur mexicain qui signe des films très marquants. Vous sentez-vous proche de son cinéma ? 

    Très proche car je suis passionné par ses films et la manière dont il les fait. En tant que collègue réalisateur, j'admire sa capacité à m'emmener profondément dans son esprit et sa vision du monde. C'est en quelque sorte un privilège et voir un film de Carlos est une expérience émotionnelle et physique, ce qui est très rare au cinéma. Nous sommes amis et collègues, nous partageons notre travail durant le processus de création pour avoir l'opinion de l'autre.

    Amat Escalante, lauréat du Prix de la Mise en Scène pour Heli au Festival de Cannes en 2013 :

     

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