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    Emir Kusturica explique pourquoi il n’est pas allé chercher sa première Palme d’Or en 1985

    Pour son deuxième long métrage, Papa est en voyage d’affaire, Emir Kusturica remporte la Palme d’Or à Cannes. Le cinéaste serbe, alors âgé de seulement trente ans, ne monte pas sur scène à l'appel de son nom.

    Voilà déjà trente-deux ans qu’Emir Kusturica a remporté sa première Palme d’Or, dix ans avant de transformer l’essai à nouveau avec Underground. A la surprise générale, le metteur en scène n’était pas là pour recevoir la plus prestigieuse distinction du septième art. Depuis, ses excuses ont toujours été énigmatiques et fantaisistes : au départ, il devait aider un ami à réparer son chauffage. Depuis, il a changé de version : c’était en réalité l’aider à changer son plancher. Qu’en est-il en 2017 ?

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    Au micro d’AlloCiné, le réalisateur du Temps des Gitans et de Chat noir, chat blanc revient sur cette affaire et, sans pour autant tuer la légende, apporte quelques éclairages sur ce mystère ainsi que sur son rapport ambivalent aux remises de prix :

    "A ma décharge, j’ai vraiment aidé un ami à réparer son plancher. Je n’ai pas su anticiper à l’époque le degré de sympathie et de colère que ça générerait. Mais même si je n’étais pas parti aider un ami à réparer son plancher, ça a vraiment démontré quelque chose. Ça en dit long sur ce qui compte dans le monde du tapis rouge.

    D’ailleurs, le tapis rouge, ça remonte à la Grèce antique. C’est Clytemnestre qui l’avait fabriqué pour le retour de guerre d’Agamemnon victorieux. Aujourd’hui, n’importe qui se promène sur un tapis rouge. Je peux comprendre qu’on le fasse ponctuellement dans un cadre professionnel. Mais au plus profond de mon âme, ça me contrarie.

    Dans le monde du cinéma, une vie humaine n’a plus d'autre objectif que de se promener sur un tapis rouge. Ça prend le pas sur le cinéma. Quand on va à Cannes ou à Venise, c’est même devenu bien plus important que le film que vous êtes venu présenter. Les mannequins, les jolies filles, les bijoux, Chopard… tout ça passe avant les œuvres d’art pour lesquelles nous nous saignons.

    Et je ne parle même pas seulement pour ceux qui commencent dans le métier et qui ont du mal à se faire financer. Je parle également pour les cinéastes qui ont déjà plusieurs films à leur actif. Je n’accepterai jamais que le glamour passe avant le cinéma. Nous sommes aujourd’hui dans une situation impossible où des abrutis qui veulent parader sur un tapis rouge passent avant nous."

    Derrière l’innocente anecdote du retour en Yougoslavie pour prêter main forte à un copain se cachait donc bien un geste politique fort, qui intrigue encore aujourd’hui. En 1985, Emir Kusturica aurait dû recevoir son trophée pour Papa est en voyage d'affaire des mains de la légende James Stewart et du président du jury Miloš Forman. Il se contentera d’en avoir reçu un second en 1995 des mains de la non moins iconique Jeanne Moreau pour Underground.

    Après son dernier film de fiction Promets-moi en 2007, Emir Kusturica est de retour dix ans plus tard avec On The Milky Road, actuellement dans les salles, où il se met en scène lui-même face à Monica Bellucci.

    Découvrez notre interview d'Emir Kusturica pour son nouveau film, On The Milky Road

     

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