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    Harcèlement : Ellen Page accuse Brett Ratner de l'avoir humiliée sur le tournage d'X-Men 3
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Plus de dix ans après les faits, Ellen Page a pris la parole pour s'élever contre Brett Ratner, dont elle point du doigt le comportement humiliant et homophobe à son encontre, sur le tournage de "X-Men - L'Affrontement final".

    Nicole Rivelli / Netflix

    Accusé de harcèlement sexuel et de mauvaise conduite par plusieurs actrices, Brett Ratner pourrait voir le contrat de co-financement qui lie sa société Ratpac à la Warner rompu par le studio. Et tandis que Gal Gadot menace de ne pas reprendre son rôle d'Amazone de DC Comics dans Wonder Woman 2 dans le cas contraire, les propos d'Ellen Page devraient eux aussi peser dans la balance. L'actrice nommée aux Oscars pour Juno a en effet pointé du doigt le comportement du réalisateur-producteur pendant le tournage d'X-Men - L'Affrontement final sur Facebook, le temps d'un long texte dont nous avons traduit les cinq premiers paragraphes (à lire sous la publication).

    "'Tu devrais la baiser pour la faire réaliser qu'elle est gay.' C'est ce qu'il m'a dit pendant l'accueil du casting et de l'équipe technique d'X-Men - L'Affrontement final, avant le début du tournage. J'avais dix-huit ans. Il s'est tourné vers une femme qui se tenait près de moi, de dix ans mon aînée, m'a pointée du doigt et a dit : 'Tu devrais la baiser pour la faire réaliser qu'elle est gay.' C'était le réalisateur du film, Brett Ratner.

    J'étais une jeune adulte et n'avais pas encore fait mon coming-out par moi-même. Je savais que j'étais gay tout en ne le sachant pas, façon de parler. Je me suis sentie violée lorsque c'est arrivé. J'ai baissé la tête et regardé mes pieds, et je n'ai rien dit en constatant que personne ne le faisait non plus. Cet homme, qui m'avait engagée dans le film, a lancé nos mois de tournage avec cette requête horrible et pas remise à cause, à un événement professionnel. Il m'a 'outée' en public sans considération pour mon bien-être, un acte que nous reconnaissons tous comme étant homophobe. J'ai ensuite continué à le voir dire des choses dégradantes aux femmes sur le plateau. Je me souviens de l'une d'elles se dirigeant vers le moniteur, alors qu'il faisait un commentaire sur sa 'chatte molle'.

    On m'a volé plus que mon autonomie en ce qui concerne mon abilité à me définir moi-même

    Nous avons tous le droit de prendre conscience de notre orientation sexuelle de façon privée et comme bon nous semble. J'étais jeune et, bien que travaillant comme actrice depuis longtemps, j'ai été isolée de plusieurs façons, forcée de grandir sur les plateaux et non en compagnie des miens. Cet 'outing' public et agressif m'a laissée avec un sentiment persistant de honte, ce qui est l'un des effets les plus destructeurs de l'homophobie. Rendre une personne honteuse de ce qu'elle est est une manipulation cruelle, destinée à opprimer et réprimer. On m'a volé plus que mon autonomie en ce qui concerne mon abilité à me définir moi-même.

    Le commentaire de Ratner a plusieurs fois résonné dans mon esprit au fil des ans, lorsque je faisais face à de l'homophobie ou devais surmonter des sentiments de réticence et d'incertitude au sujet de l'industrie [cinématographique] et de mon avenir en son sein. La différence, c'est qu'aujourd'hui je peux m'affirmer et me servir de ma voix pour contre-attaquer cette attitude insidieuse queerophobe et transophobe qui sévit à Hollywood et au-delà. J'espère qu'avec la position qui est la mienne, je pourrais aider les gens qui ont du mal à être acceptés tels qu'ils sont à grandir. Les jeunes gens vulnérables et qui n'ont pas les avantages que j'ai sont souvent dépréciés et ont le sentiment qu'ils n'ont aucune solution pour vivre la vie qu'ils ont joyeusement été destinés à mener.

    Les agresseurs veulent que vous vous sentiez petit et peu assuré

    J'ai eu une altercation avec Brett à un moment. Il me mettait la pression devant beaucoup de personnes pour que j'enfile un T-Shirt avec l'inscription "Team Ratner" dessus. J'ai refusé et il a insisté. Et j'ai répondu 'Je ne suis pas dans ta Team.' Plus tard lors de cette même journée, les producteurs du film sont venus me voir dans ma loge pour me dire que je ne 'pouvais pas lui parler de la sorte.' J'étais ainsi réprimandée alors qu'il n'avait pas été puni ou viré pour le comportement ouvertement homophobe et abusif dont nous avons tous été les témoins. J'étais une actrice que personne ne connaissait. J'avais dix-huit ans mais pas les outils nécessaires pour gérer ce genre de situation.

    Je suis actrice professionnelle depuis l'âge de dix ans. J'ai eu la chance de pouvoir travailler avec beaucoup de collaborateurs honorables et respectueux, aussi bien devant que derrière la caméra. Mais le comportement que je décris est omniprésent. Ils (les agresseurs) veulent que vous vous sentiez petit et peu assuré, pour que vous ayez le sentiment d'avoir une dette envers eux, ou que ce sont vos actions qu'il faut blâmer pour leurs avances inopportunes."

    La comédienne cite également des accusés célèbres comme Bill Cosby ou Roman Polanski, et rappelle les injustices envers bon nombre de victimes, "et tout particulièrement les femmes de couleur, trans, queer et indigènes, réduites au silence par leur situation économique et une méfiance profonde d'un système judiciaire qui acquitte les coupables malgré des preuves accablantes et continue d'oppresser les gens de couleur." Et elle considère sa participation au To Rome with Love de Woody Allen comme "la plus grosse erreur de [sa] carrière" : "J'ai honte de l'avoir fait. Il me fallait encore trouver ma voix, je n'étais pas ce que je suis aujourd'hui et j'ai ressenti de la pression car 'bien sûr que tu dois dire oui à ce film de Woody Allen.'"

    Anthony Edwards attaque, Rebel Wilson témoigne

    En parallèle de ce long texte poignant, d'autres voix se sont élevées pour dénoncer le harcèlement sexuel à Hollywood. Et notamment celles d'Anthony Edwards, qui accuse le producteur Gary Goddard de l'avoir agressé quand il avait douze ans (des faits que le principal intéressé nie) ; ou Rebel Wilson, qui raconte grâce à une série de tweets la façon dont elle a fait face à des avances "de la part d'un homme de pouvoir", tandis que "ses amis tentaient de filmer l'incident avec leurs iPhones", puis les menaces dont elle a fait l'objet alors qu'elle refusait de soutenir la star qui avait mal agi avec elle.

    Réputée pour son franc parler, l'actrice a quand même subi la loi du silence après cette agression, dont elle ne précise pas la date. Mais grâce à la libération de la parole causée par l'explosion de l'affaire Harvey Weinstein, il y a un mois maintenant, elle a pu s'exprimer et conclut son récit avec un avertissement : "Si je suis témoin de ce type de comportement, que cela arrive à moi-même ou quelqu'un que je connais, je ne serais plus polie."

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