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    Les heures sombres : retour sur la brillante composition oscarisée de Gary Oldman
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Gary Oldman livre dans "Les Heures sombres" une fantastique performance sous les traits de Winston Churchill. Retour sur une composition justement saluée par l'Oscar du Meilleur acteur.

    Working Title Films

    Acteur unanimement salué et respecté par ses pairs, très apprécié par le public, Gary Oldman est incontestablement un brillant acteur, dont le talent n'est, depuis longtemps, plus à démontrer. C'est aussi un artiste totalement polyvalent, capable d'évoluer dans des registres très différents, doué d'une grande capacité à se transformer physiquement et vocalement pour les besoins d'un rôle. On pourra citer et se souvenir à ce titre des deux visages / corpulences qu'il affiche dans l'extraordinaire Dracula de Francis Ford Coppola; en particulier dans la séquence d'ouverture du film dans laquelle il parle roumain et abjure sa foi, jurant de se relever d'entre les morts pour venger par les pouvoirs des ténèbres sa bien aimée.

    Une scène incroyable portée par un Gary Oldman / Dracula fou de douleur, à (re)voir ci-dessous...

    Avec Les heures sombres, Gary Oldman se glisse dans des habits d'une toute autre nature : ceux de Winston Churchill, alors que la Grande-Bretagne est frappée par le désastre de Dunkerque et qu'elle se retrouve bientôt seule face à l'Allemagne nazie. Oldman livre dans le film de Joe Wright une performance incroyable, qui vient d'ailleurs d'être saluée comme il se doit par une nomination pour le Golden Globe du meilleur acteur dans un drame. En attendant une prochaine citation à l'Oscar ? C'est fort possible, si l'on admet généralement que les Golden Globes constituent en quelque sorte l'antichambre des Oscars.

    Ci-dessous, la bande-annonce du film...

    La voix de Churchill, la magie et la force du verbe

    "J'ai toujours été fasciné par Churchill, il reste notre plus grand homme d'Etat. Mais je n'ai jamais cherché à l'interpréter. On me l'avait d'ailleurs déjà proposé, et j'avais refusé" explique le comédien âgé de 59 ans. "Ce n'était pas l'angle psychologique ou intellectuel qui me freinait, mais la performance physique. Je n'ai pas à vous expliquer : regardez-le et regardez-moi... Pourtant, à mesure que l'équipe se constituait, j'avais de plus en plus envie de dire oui. Le scénario d'Anthony [NDR : Anthony McCarten] n'est pas un biopic. Il se concentre sur quelques semaines décisives de notre histoire. Il ne couvre pas une longue période de la vie de Churchill, il n'y a pas de flash-back, donc on élimine le problème du vieillissement".

    Pour Gary Oldman, tout est donc parti de la voix. "Je devais me convaincre moi-même que ma voix pouvait passer pour celle de Churchill. J'ai pris un de ses discours et un répondeur téléphonique et je me suis mis à expérimenter. Puis je suis allé à la recherche d'informations, au-delà de celles contenues dans le scénario, pour comprendre l'homme qui avait défié un dictateur. Je voulais comprendre sa psychologie, le fonctionnement de sa pensée, et le reconstruire pierre par pierre" raconte l'acteur.

    Lire un maximum d'ouvrages, regarder une mine d'images d'archives de cette grande figure historique, continuer à travailler sa voix en maîtrisant son accent et même son jargon... Son appréhension de l'homme met le comédien peu à peu en confiance. "En écoutant ses discours, ceux qu'on entend dans le film et d'autres, j'ai découvert qu'il avait un cheveu sur la langue et une voix nasale. J'ai dû décider quand jouer sur ces particularités, quand faire ressortir ou au contraire les effacer".

    Working Title Films

    La voix, c'est bien; essentiel même. Mais quid de la gestuelle ? Du propre aveu de l'intéressé, il ne pouvait se glisser dans la peau de Churchill que s'il "le sentait dans son corps, ses mouvements, ses déplacements dans l'espace. Je devais pouvoir regarder dans le miroir et le voir lui, ou tout du moins son âme. Kazuhiro Tsuji était la seule personne à même de m'aider à m'en emparer physiquement. C'est le Picasso des maquillages spéciaux". Cité deux fois à l'Oscar des Meilleurs maquillages (pour Click et Norbit), Kazuhiro Tsuji, il a mis fin à sa carrière en 2012 pour se consacrer à la sculpture. Gary Oldman l'a contacté personnellement, en lui disant qu'il ne ferait pas le film de Joe Wright s'il ne venait pas travailler sur le film.

    "C'était très intimidant, atteindre la ressemblance avec une personne dont le physique est connu de tous. Leurs tailles et proportions, la forme de leur tête sont totalement différentes. Gary a un visage ovale alors que Churchill avait un visage beaucoup plus compact et une tête ronde. Les yeux de Gary sont ressérés, ceux de Churchill écartés. Je devais prendre en compte toutes ces contraintes" explique l'ex maquilleur.

    Il a fallu six mois de travail, d'essais, de modelages, d'ajustements et de tâtonnements pour parvenir à trouver à un résultat satisfaisant. A partir des moulages du corps et du visage de l'acteur, et en utilisant les photos et bandes vidéos d'archives sur lesquelles Churchill apparaît, Kazuhiro Tsuji a sculpté la silhouette et les traits de la figure historique dans de l'argile. Un moulage du résultat fut réalisé, puis une réplique positive en silicone fut coulée, et appliquée au comédien. Une substance spéciale fut ajoutée pour rendre la silicone plus souple et lui donner sa texture de peau afin qu'elle réagisse aux mouvements faciaux. Par ailleurs, son front et ses lèvres ne furent pas recouverts, après avoir constaté que la silicone placée à ces endroits entravaient son jeu. Afin de faciliter la pose de sa perruque et surtout pour ne pas avoir à masquer ses cheveux, Oldman décida de se raser le crâne. In Fine, le prothésiste et maquilleur confectionna également une combinaison en mousse pour grossir l'acteur. Si elle visait logiquement à reproduire la silhouette de Churchill, cette combinaison aida également le comédien à travailler sa posture. Lorsque le tournage commença, l'application des prothèses et du maquillage exigeait 3h30 de pose par jour; 4h avec l'habillage.

    Le résultat ? Une prestation impressionnante, logiquement. En tout cas très supérieure à celle livrée quelques mois plus tôt par Brian Cox dans Churchill, qui s'intéressait quant à lui aux fatidiques 48h précédant le déclenchement de l'opération Overlord avec le D-Day.

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