Mon compte
    Brigsby Bear : "Le public a encore un gros appétit pour les longs métrages réalistes, humains" selon Greg Kinnear

    Passé par Cannes et la Semaine de la Critique, le très enthousiasmant "Brigsby Bear" sort en VOD ce lundi 15 janvier. L'occasion de revenir, avec Greg Kinnear, sur le film et quelques-uns des aspects de sa carrière.

    Le très grand public le connaît comme le père de la famille Hoover aux commandes du van jaune de Little Miss Sunshine. Ou le voisin artiste de Jack Nicholson dans Pour le pire et pour le meilleur. Ou encore le Capitaine Admirable de Mystery Men, voire le John F. Kennedy de la mini-série de 2011. Grâce à Brigsby Bear, qui sort ce 15 janvier en VOD, celui que l'on associe régulièrement au cinéma indépendant américain est passé par le Festival de Cannes pour présenter ce long métrage drôle, tendre et très inventif, qui a enchanté les spectateurs de la Semaine de la Critique.

    L'occasion, pour nous, de revenir avec lui sur quelques pans de sa carrière, à commencer par son rôle de policier dans Brigsby Bear. Lequel lui offre, le temps d'une scène (dans le film réalisé par le héros rêveur du long métrage), une tenue qui le place en bonne position pour jouer les Chevaliers Jedi dans un épisode de Star Wars : "Je vais enfin pouvoir faire un truc façon Le Seigneur des Anneaux, oui", répond-il en riant. "Assez de Ian McKellen : moi aussi je peux porter une capuche. Ça me semble parfait comme incursion." Ce qui ne sautait pas aux yeux dans le scénario.

    AlloCiné : Diriez-vous que votre personnage dans le film est comme un père de substitution pour le héros ?

    Greg Kinnear : Quand j'ai lu le scénario, je l'ai trouvé incroyablement drôle, réaliste et adorable. Il n'avait pas l'air cynique ni en train de faire des clins-d'œil. C'était juste l'histoire de James et de son cheminement. J'aimais la créativité avec laquelle l'histoire était racontée, car ça me semblait très original.

    J'étais très heureux de faire partie du projet et l'inspecteur Vogel est effectivement une père de substitution. Il rencontre le personnage joué par Kyle Mooney qui a été enlevé, ce qui arrive de temps en temps dans notre pays - pas à un homme de 35 ans ceci dit. Il tient beaucoup à lui et cherche seulement à l'aider. Il est pris dans son rêve de faire un film et ça réveille des choses qu'il a sans doute ratées dans sa vie, et c'est ce que j'ai trouvé beau.

    On sent effectivment chez lui qu'il y a un vide à combler.

    Oui. Pourtant on m'a initialement proposé le rôle du vrai père de James [joué par Matt Walsh dans le film, ndlr], mais le personnage de Vogel me parlait plus. Ne serait-ce que parce que je pouvais porter une arme, ce qui ne m'arrive jamais. Et j'avais de la peine pour lui : je sentais qu'il manquait quelque chose dans sa vie, et que la réponse à ses problèmes prendrait la forme d'un jeune homme très étrange (rires) Une victime d'un enlèvement. Sur le papier, cela paraît grotesque, mais le scénario a réussi à en faire quelque chose de bien.

    Il y a un peu plus d'anxiété chez les jeunes réalisateurs car c'est un projet inhabituel que de mettre un film en scène

    Vous travaillez souvent sur des premiers films, et c'est notamment le cas de "Brigsby Bear". Est-ce une donnée qui pèse dans la balance au moment de faire votre choix, compte-tenu de l'énergie dont va faire preuve un jeune réalisateur pour son premier long métrage ?

    Qu'il s'agisse d'un premier film ou non, le scénario est ce qui compte le plus pour moi. Il y a un peu plus d'anxiété chez les jeunes réalisateurs car c'est un projet inhabituel que de mettre un film en scène. Surtout un film comme celui-ci, avec un ton si particulier à trouver. Mais au vu du scénario, j'étais confiant et convaincu qu'ils avaient une idée très claire de ce qu'ils cherchaient à faire.

    Lorsque nous en avons parlé, Dave [McCary] et moi, je me suis senti très à l'aise. Et lors de mon premier jour de tournage, il m'a montré des images de James parlant à l'ours - que je découvrais enfin, alors que le film s'appelle Brigsby Bear ! -, et m'a définitivement convaincu que le résultat serait bien. J'ai senti qu'ils avaient saisi le bon ton, celui de l'ours, que l'on retrouve tout au long du film : ça n'est absolument pas trop sérieux, mais pas trop fou non plus. Il y a un entre-deux qu'il est parvenu à saisir.

    A quel point le ton, l'atmosphère et l'univers visuel sont-ils importants pour vous ? Vous avez participé à ds films très forts sur le plan de l'imagerie, qu'il s'agisse de celui-ci, de "Mystery Men" ou même de "Little Miss Sunshine".

    Je suis quelqu'un de très visuel lorsque je lis, et j'imagine que tout le monde a un personnage et une voix en tête en lisant un dialogue. Mais j'aime l'aspect visuel d'un film, et celui-ci était très ambitieux, follement imaginatif. Je ne joue qu'un petit rôle dedans, mais j'étais heureux de pouvoir soutenir ses idées, car c'est ce que les films sont censés être. Il y a bien sûr une histoire, des dialogues et des personnages. Mais il y a aussi un envers, qui prend la forme d'une présence visuelle extraordinaire et d'une identité très claire, grâce à cet ours qui hante mes rêves (rires)

    Sony Pictures Releasing France

    Êtes-vous aussi nostalgique des années 80 que le réalisateur et le scénariste le sont ?

    La première fois que je suis venu à Cannes, dans les années 80, c'était en tant que journaliste. Je travaillais pour une chaîne câblée et j'essayais d'avoir des interviews de n'importe qui. C'était l'époque d'Empire Pictures et des films comme Tron ou ceux avec des personnages animés aux côtés de vrais acteurs et c'était dingue. C'était, à ce moment-là, mon introduction aux univers visuels forts même si j'étais plus intéressé par les films d'horreur. Je n'étais pas vraiment familier avec ces séries chrétiennes pour enfants dont Dave s'est inspiré pour le film. Je ne savais pas ce que c'était jusqu'à ce qu'il m'en montre, et c'était pour le moins inhabituel (rires)

    Dave nous a dit que "Brigsby Bear" lui permettait aussi d'exprimer son regret de voir les films d'aujourd'hui davantage focalisés sur les effets spéciaux que sur l'art. Est-ce quelque chose que vous ressentez aussi ?

    Pas tous les films, car je suis ici pour défendre un film qui ne le fait pas. Et il suffit de regarder les Oscars chaque année, pour constater que tous ne sont pas dirigés par les effets spéciaux. Le public a encore un gros appétit pour les longs métrages réalistes, humains. Je n'ai pas perdu espoir quant à la possibilité de voir des films qui parlent à l'humanité de chacun.

    Je n'arrive pas à déterminer quelle est ma place dans le cinéma américain

    Vous considérez-vous comme un figure du cinéma indépendant américain ?

    Je ne sais pas. Je n'arrive pas à déterminer quelle est ma place dans le cinéma américain (rires) J'ai fait beaucoup de choses différentes, mais j'ai encore du mal à savoir de quelle façon les gens me perçoivent. J'ai eu la chance de pouvoir alterner les registres, et je serais reconnaissant de pouvoir continuer à le faire, mais j'ai encore le sentiment d'avancer à l'aveugle. Surtout que les films n'ont pas tant changé que cela, dans la mesure où il est toujours amusant de jouer une bonne histoire. Surtout quand le film s'avère être bon, ce qui n'est pas toujours le cas.

    Quand un film parvient à transposer à l'écran ce que vous avez vu de bon dans le scénario, c'est une chose aussi rare que plaisante. Ça n'arrive pas tout le temps, mais ça fait partie du processus d'exploration. Mais comme les gens ont peur de ne pas réussir, les films tendent à être homogénéisés et faits prudemment. Donc lorsqu'il y a un Brigsby Bear qui tente de choses et prend des risques pour imposer son ton, j'applaudis cela. Pareil avec Little Miss Sunshine et d'autres films que j'ai eu la chance de pouvoir faire.

    Y a-t-il des films que vous considérez comme des tournants dans votre carrière ?

    Il y a eu Sabrina. C'était mon premier film et Sydney Pollack m'a donné un gros coup de pouce, ce qui était extraordinaire. Je viens de réaliser pour la première fois, un film qui s'appelle The Philosophy of Phil, et c'est un vrai tournant pour moi. Surtout quand il s'agit, après vingt ans passés à jouer, de passer de l'autre côté de la caméra et de voir comment ça se passe pour ces pauvres gens (rires) J'ai aussi compris à quel point ce travail de mise en scène était difficile. Ça m'a ouvert les yeux et c'était donc un vrai tournant. Mais je ne saurais pas dire quels ont été les autres, je ne suis pas bon lorsqu'il s'agit de choisir parmi mes propres films.

    Que pouvez-vous dire sur cette première réalisation ?

    Je pense que je serai un meilleur acteur - et un acteur plus gentil aussi - maintenant que j'ai mis ce film en scène. Vous réalisez qu'il faut trouver un équilibre entre beaucoup de choses à n'importe quel moment, il faut vraiment collaborer et faire en sorte que chacun se plie au processus, car vous demandez énormément aux gens qui font des films. Qu'il s'agisse d'acteurs ou de membres de l'équipe technique, voir que ces personnes sont là et qu'elles donnent, c'est une leçon d'humilité. Et c'est stimulant, lorsque vous voyez le projet prendre vie, aussi bien pendant le tournage que la post-production.

    "Mystery Men", ou quand Greg Kinnear jouait les super-héros :

    Parmi vos nombreux rôles, vous avez notamment joué un super-héros dans "Mystery Men", en 1999. Avez-vous eu d'autres propositions de ce type depuis ?

    Non, jamais. Personne ne veut me voir en collants depuis Mystery Men. Il me semble avoir été approché pour jouer un méchant une fois. Je ne sais plus pour quel film. Mais ça n'est pas trop mon truc.

    Que pensez-vous de la façon dont le genre a évolué depuis ce film et cette époque où les films de super-héros n'étaient pas autant en vogue ?

    Oui, c'est intéressant. Surtout que nous avons abordé Mystery Men comme une parodie, et que les gens sont très sérieux avec ces personnages aujourd'hui (rires) Et comme j'ai trois filles, on ne passe pas beaucoup de Marvel à la maison. Mais je suis quand même impressionné par les films que j'ai pu voir. Je les trouve très bien faits, amusants et stimulants à voir, donc je comprends qu'il y ait un tel marché pour eux. Et ce n'est pas parce qu'il y a des super-héros que les gens viennent : parfois si, mais je trouve qu'ils ont fait de bons choix, et au final, on retrouve les mêmes thèmes shakespeariens que chez les autres, à savoir l'amour, la mort et le fait de sauver quelqu'un du Mal.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 25 mai 2017

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top