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    Paul Thomas Anderson sur le personnage de Phantom Thread : "Il est difficile et je l’aime aussi pour ça"

    De passage à Paris pour présenter son nouveau long métrage "Phantom Thread", le cinéaste Paul Thomas Anderson a voulu trouver le temps d’un entretien express avec AlloCiné : dix questions sur mesure à un grand couturier du cinéma.

    AlloCiné : Daniel Day Lewis a annoncé que Phantom Thread serait son dernier film. Ça vous a surpris ?

    Paul Thomas Anderson : Ça m’attriste beaucoup. J’espère vraiment que ce ne sera pas son dernier film. Peut-être qu’il changera d’avis ? Comment savoir ?

    Vous avez senti que ça avait un lien avec ce qu’il a vécu sur ce film en particulier ?

    PTA : Peut-être mais je ne crois pas. Il faudrait l’interroger... Il n’a pas caché qu’il y pensait depuis des années. Depuis longtemps il affirmait vouloir raccrocher les gants. Vous savez, il joue la comédie depuis tant d’années. Il a fait ses débuts quand il était enfant. Donc l’heure est venue pour lui de se tourner vers quelque chose de nouveau.

    Vous avez choisi pour la première fois d’être votre propre chef opérateur, sur ce film. Pourquoi cette décision ?

    PTA : Ça m’a plu, de m’y essayer. Je suis entouré de gens de confiance que j’aime bien. Il y a le gaffer, Jonny Franklin, le chef machiniste, Jeff Kunkel, et le cadreur, Colin Anderson. Ça fait longtemps qu’on travaille ensemble. On s’est dit que ce serait un défi à relever, mais aussi une expérience plaisante à tenter. Très vite, nous avons conclu que nous y arrivions plutôt bien et que nous allions faire la lumière de Phantom Thread.

    Depuis quelques années, vous vous entourez aussi des membres de Radiohead, et plus précisément du guitariste, Jonny Greenwood, qui signe la musique de vos films depuis There Will Be Blood. Comment la connexion s’est-elle faite?

    PTA : J’adore bosser avec eux. J’ai rencontré Jonny Greenwood à une projection de Punch Drunk Love. Avec Jonny, comme vous l’avez dit, ça fait déjà un peu plus de dix ans qu’on travaille ensemble. Le courant passe vraiment entre nous. Concernant Thom et les autres, on a surtout fait le clip de "Daydreaming", sur lequel on s’est bien amusés. C’est très gratifiant et stimulant de participer à leurs projets, quels qu’ils soient. Ils sont si créatifs et si doués. On s’est retrouvés pour quelques autres petites choses après ça et j’espère qu’il y en aura bien d’autres. 

    Universal Pictures International France

    Le personnage interprété par Daniel Day Lewis, Reynolds Woodcock, dissimule des petits secrets dans les vêtements qu’il brode. Faites-vous de même avec vos films ?

    PTA : Non, je n’ai jamais fait ça, mais c’est plutôt une bonne idée. Bien sûr, une fois de temps en temps, on reconnaît dans le cadre un petit objet récupéré de chez soi, pour décorer une scène. Mais ça, bien sûr, c’est juste pour agrémenter le plateau. Ça n’a rien à voir avec cacher des petits messages secrets. J’y penserai.

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    Vos films se déroulent souvent dans le passé : le début du XXème siècle, les années 1950 ou 1970… Pourquoi cette fascination pour la reconstitution historique ?

    PTA : C’est vrai que ça me vient naturellement. J’aimerais bien que ça ne soit pas le cas, parce que ça les rend bien plus difficile à faire, vous vous en doutez. C’est plus simple de sortir de chez soi et de commencer à filmer. J’ai l’impression que je suis moins fasciné par les films qui se déroulent après 1993 parce que nos téléphones et notre technologie rendent les histoires moins intéressantes. Tout devient moins palpitant dès lors qu’on peut simplement appeler quelqu’un où qu’il soit dans le monde et lui demander de désarmer une bombe.  Ou si on peut le suivre au GPS... On perd en dramaturgie. Les années 1950 me branchent bien, surtout pour cette histoire. C’était l’âge d’or de la haute-couture et les habits étaient si élégants. Une élégance qu’on n’aurait pas retrouvée si le film s’était déroulé aujourd’hui. Par ailleurs, je suis d’accord avec vous : j’ai visité les années 1950 et 1970 deux fois. Les deux fois, je me suis demandé pourquoi on s’y remettait. J’avais envie que ce soit autre chose. Et puis tant pis.

    Vous vous retrouvez dans vos personnages ? Une partie de vous est peut-être un couturier des années 1950 très exigeant ?

    PTA : Evidemment. Ça serait trop dur de faire un film sans trouver quelque chose à partager avec ses personnages. Et très ingrat de passer trois mois avec des gens avec qui vous n’avez rien en commun. Même s’ils sont difficiles ! Ce personnage-là est difficile et je l’aime aussi pour ça. En tout cas, je me reconnais vraiment dans certains de ses traits de caractère.

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    Phantom Thread est déjà un des favoris de la prochaine cérémonie des Oscars avec pas moins de six nominations ! Quelles récompenses espérez-vous ramener à la maison ?

    PTA : J’aimerais bien que Lesley Manville l’emporte. Son premier Oscar, ça serait vraiment sympa. Daniel, lui, il en collectionne déjà trois ou quatre ou cinq ou six ou sept… Ce serait mieux que ce soit au tour de Lesley, dont ce serait le premier. Elle n’a même jamais été nommée ! Alors, puisque elle nous a offert une performance formidable, dans ce film, ce serait agréable de la voir primée pour ça.

    Et puis pour les costumes, aussi ? Ça semble juste.

    PTA : Oui. Oui, c’est sûr ! (Rires)

    Tout au long de votre carrière, vous avez fait alterner des projets de longs métrages avec des choses plus courtes, particulièrement des clips avec différents artistes. C’est un tout autre travail ?

    PTA : Du simple fait que c’est beaucoup plus court, et que bien sûr ça prend moins de temps, la pression est beaucoup moins forte. On ne les fait pas moins sérieusement pour autant. On peut boucler un projet en un jour tout en ayant le privilège de travailler avec des gens au talent exceptionnel, de bonne volonté et agréables à côtoyer. Récemment, j’ai pas mal collaboré avec les sœurs Haim. Ça a été l’une des meilleures associations de ma vie. Je ne m’étais pas tant amusé depuis longtemps. Mais c’est aussi parce qu’on est presque en famille : leur mère était ma prof d’art quand j’étais petit. Nous venons du même quartier. La raison pour laquelle ça fonctionne aussi bien dans ce cadre plus familial, c’est aussi que c’est plus commode. Tout devient simple. Ce sont des projets amusants à faire, j’adore ça.

    La bande annonce de Phantom Thread

     

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