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    Mutafukaz : "L'influence number one, c'est Invasion Los Angeles"

    "Mutafukaz" est une véritable tornade de finesse, de drôlerie, de mélancolie et de violence avec la voix d'Orelsan. Rencontre avec Run, auteur de la BD, créateur de l'univers et coréalisateur du film.

    Tamasa Distribution

    Mutafukaz, véritable tornade de finesse, de drôlerie, de mélancolie et de violence, qui emporte tout sur son passage, a conquis le public des festivals de cinéma de genre et remporté notamment le prix du jury jeune et le prix de la meilleure musique originale au festival de Gérardmer. Rencontre avec Guillaume Renard, dit "Run", auteur de la BD, créateur de l'univers Mutafukaz et coréalisateur du film. 

    AlloCiné : Mutafukaz, c'est d'abord une bande dessinée. Pourquoi avoir voulu adapter votre bande dessinée en film ?

    Run : A la base, Mutafukaz, c'est une petite bande dessinée que j'avais commencé en 1997 dans ma chambre d'étudiant à Nancy. Ensuite, j'ai intégré une entreprise multimédia où j'ai appris à utiliser flash et j'ai commencé à en faire des petites animations dans mon coin. Petit à petit, ça devenait cohérent, mais je ne savais pas vraiment ce que je voulais en faire. En mettant tout ça sur Internet, j'ai vu qu'il y avait un intérêt des gens et avec des potes qui faisaient de la 3D, on a créé un court métrage de sept minutes, qui était une scène d'un film qui n'existait pas encore : Opération Blackhead. Il a fait le tour du monde. Comme c'était compliqué de trouver un financement pour aller plus loin, je me suis dit que, tout seul, je pouvais faire de la bande dessinée. J'ai signé six tomes chez Ankama Editions, au label 619 que je dirige, et notre boss, qui était en train de monter Ankama Japan, a rencontré les acteurs de la scène de l'animation japonaise, dont Studio 4°C, qui s'est tout de suite montré intéressé par l'univers, alors on a foncé !

    D'où viennent cette histoire, ce personnage d'Angelino et tout ce bestiaire qui l'accompagne ?

    Il vient d'un tas de croisements entre beaucoup d'influences. L'idée, à l'origine, c'était que Vince, Angelino et Willy, qui sont vraiment très différents du reste de l'univers, soient en marge. C'était important que graphiquement, on remarque tout de suite qu'ils sont singuliers et qu'ils ne correspondent à rien d'autre. Bizarrement, ça permettait de s'identifier à eux, car on est aussi assez perdus dans cette ville hostile, violente. Et ce sont beaucoup de références plus ou moins conscientes. Après réflexion, je me suis dit qu'Angelino, c'était certainement une réminiscence des Schtroumpfs noirs, une BD que j'avais lu quand j'étais gamin et qui m'avait fasciné.

    Ankama Animation - 2017

    Mutafukaz est traversé par la question de l'identité. Le film est très foisonnant, mais c'est le thème qui ressort le plus. Ça tient à quelque chose de personnel ?

    Absolument. Et ça parle de la tentation de la radicalisation aussi. Pour ce qui est de l'identité, c'est certainement très inconscient. Depuis que je suis petit, je me cherche, j'ai toujours eu l'impression de ne jamais vraiment avoir ma place. Je me suis toujours senti spectateur. Dans le caractère de Vinz, Angelino et Willy, il y a de ça. Même si à un moment, ils ont obligés de devenir acteurs, par la force des choses, mais pendant tout le début du film, ils sont là sans être là.

    C'est une co-réalisation. Comment ça s'est passé avec Shoujirou Nishimi ?

    Le Japon, c'est loin par la distance, mais c'est aussi assez loin culturellement, donc il y a eu un long temps d'adaptation nécessaire pour que je comprenne bien la culture japonaise. Ca n'a pas toujours été évident. En plus, je situe mon histoire aux Etats-Unis : il fallait que j'explique que c'était ma vision, mon fantasme européen des Etats-Unis. Dark Meat City, c'est une sorte de Los Angeles vue avec un miroir déformant. Si on veut parler du monde occidental, une ville comme LA, c'est parfait, car tous les pays y sont représentés. Et puis la culture ufologique est quand même américaine. Dans le travail, c'est passé par une énorme phase de pré-production, afin qu'on soit sûrs de bien savoir où on allait, quels étaient les thèmes abordés. Il a lu toute la BD, on a fait les premières intentions de story-boards, on a tout validé. Pour la réalisation technique avec les équipes d'animation, c'était à Shoujirou de jouer. Après, j'ai repris les commandes pour la post-production, le sound design, le montage… Je suis même allé jusqu'à enregistrer les sons de chaque quartier de Los Angeles pour que les sons du film soient authentiques !

    Ankama Animations - 2017

    A ce sujet, la bande-son est particulièrement réussie. Le doublage également. Comment ça s'est passé avec Orelsan et Gringe ?

    Les choses se sont passées très naturellement. J'avais contacté Orel' au tout début de la production, quand j'avais entendu Perdu d'avance, son premier album. Je ne voulais pas que les trois personnages principaux soient interprétés par des mecs issus du doublage. J'adore le hip-hop et je m'étais dit que j'aimerais bien que ce soient des gars issus de la scène hip-hop. Quand j'ai entendu Orel, le timbre de sa voix, son côté désinvolte et ses textes, j'avais l'impression d'avoir trouvé Angelino. Il est donc venu à Roubaix faire des tests et j'avais vraiment aimé cette rencontre. Je lui avais dit : « Quand ce sera bon, j'aimerais beaucoup que ce soit toi qui fasse la voix. » Entre-temps, il est devenu vraiment très connu. Une fois qu'on a eu les images, on a pris des voix de Comment c'est loin, son film, pour les mettre dessus, et on leur a envoyé avec Gringe afin de savoir si ça les tentait toujours.

    Et il y a une vraie cohérence avec la bande-originale de The Toxic Avengers.

    Quand j'ai rencontré Toxic, je suivais sa musique et je ne savais même pas qu'il avait travaillé sur la bande-originale de Comment c'est loin ! Tout prenait sens, c'était vraiment dingue. En plus, avec Toxic, on partage les mêmes influences, donc ça s'est fait tout seul.

    Le film est traversé par diverses influences, toutes très américaines. Tu peux nous en dire un peu plus ?

    L'influence number one, c'est Invasion Los Angeles. Le pitch est très similaire, c'est ma grosse référence. Si on devait faire un mix – les gens adorent ça en général – , Mutafukaz, ce serait Invasion Los Angeles qui rencontre Boyz'N The Hood, qui rencontre peut-être Donnie Darko. Et la série Les Envahisseurs, bien sûr !

     

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