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    Cannes 2018 - Terry Gilliam : "Regardez-moi, je vais bien, je suis en vie, c'est un bon début !"

    A l'occasion de la présentation hors compétition de "L'Homme qui tua Don Quichotte" au 71ème Festival de Cannes, Terry Gilliam nous a parlé de ce projet cher à son cœur et de la façon dont il avait -enfin- pu en terminer le tournage.

    Terry Gilliam revient cinq ans après Zero Theorem pour son nouveau film, L'Homme qui tua Don Quichotte, dont la production et la distribution ont récemment fait couler beaucoup d'encre. Projet maudit, ce Don Quichotte est une revisite moderne du mythe créé par Cervantes. Le film est enfin terminé et sort en salles le 19 mai prochain.

    AlloCiné : Après votre AVC il y a quelques jours, ma première question est celle que j'espère tout le monde vous posera aujourd'hui : comment allez-vous ?

    Terry Gilliam : Regardez-moi ! Je vais bien ! Je suis en vie, c'est un bon début !

    Vous réalisez un rêve aujourd'hui : celui de diffuser votre film sur Don Quichotte en salles et au Festival de Cannes. Don Quichotte aussi est un rêveur : est-ce la raison pour laquelle vous vouliez faire un film sur ce personnage qui vous fascine depuis si longtemps ?

    Quichotte est l'une des grandes figures de notre civilisation ! Quelqu'un qui interprète mal le monde, qui vit pour les chevaliers, la chevalerie et les jouvencelles, qui sont de belles idées. Sauf que le monde réel est ce qu'il est et il ne peut continuer à livrer des combats perdus d'avance et s'en relever. C'est un personnage extraordinaire, donc une fois qu'il est entré dans votre crâne, vous devenez vous-même un Quichotte. (...) Le monde réel existe, mais il est limité. Il nous faut un monde fantastique et c'est celui de Quichotte. Et je voulais offrir ça au public.

    Diego Lopez Calvin

    Toby, le jeune personnage incarné par Adam Driver a des difficultés à discerner ce qui est réel de ce qu'il n'est pas. Est-ce qu'il représente la nouvelle génération, qui a besoin d'embrasser l'imaginaire, de redécouvrir le pouvoir de l'imagination ?

    Je pense que oui. Le Quichotte original était inspiré par la littérature et la lecture. Aujourd'hui, on tend à s'inspirer des films. Or, combien de films Marvel devrons-nous voir pour commencer à percevoir le monde d'une autre façon ? Je préfère les livres car ils demandent un effort : vous devez vous imaginer les choses à partir des mots là où le film fait tout le travail pour vous. On devient paresseux ! Or j'aime mener la vie un peu plus rude pour que les gens se renforcent et que leur imagination travaille un peu plus.

    Dans vos films vous instillez aussi le doute chez le spectateur, qui se demande souvent si ce qu'il voit est réel ou non, et vous avez l'air d'y prendre beaucoup de plaisir !

    Une fois que je fais travailler son imagination, je peux jouer avec l'esprit du spectateur, le piéger, le choquer, le surprendre. Le personnage joué par Adam est intéressant car plus jeune il avait de grandes idées, des rêves, et il a vendu son âme au monde commercial. Puis il revient dans le village où il a tourné un petit film il y a des années et pense que cela va être fantastique, alors qu'il a foutu le boxon ! Et une fois qu'il est bloqué avec le personnage qui se prend pour Don Quichotte, petit à petit il plonge dans le monde fantastique de Quichotte (...) et va redécouvrir son humanité.

    Diego Lopez Calvin

    Une partie du film aborde le sujet de la création et notamment le fait que la créativité peut parfois avoir des conséquences tragiques sur la vie réelle ?

    Oui, c'est en grande partie venu du tournage de Sacré Graal, nous avons tourné dans un petit village écossais, ce qui a eu de fâcheuses conséquences : des mariages se sont brisés, des femmes sont tombées enceintes, des gens sont venus jusqu'à Londres pour suivre leurs nouveaux petit(e)s ami(e)s... Je voulais raconter cela. Les tournages ne rendent pas toujours les choses meilleures, ils peuvent aussi tout foutre en l'air !

    Comment avez-vous travaillé avec Nicola Pecorini sur la photo du film, qui met notamment en valeur les paysages ?

    C'était important qu'un film sur les rêves s'ancre dans le monde réel. Ce n'est donc pas un monde en CGI, vous pouvez le sentir et le toucher (...) et je voulais que cela soit crédible. (...) Nicola et moi on se gronde dessus mais il a un oeil particulier. Il est d'ailleurs borgne, j'ai un cyclope comme directeur de la photo ! (...)

    Diego Lopez Calvin

    Fut un temps vous étiez animateur pour l'émission des Monty Python Flying Circus et les effets visuels ont toujours joué un grand rôle dans vos films et contribuent à en donner le ton.

    Oui, cela rejoint [votre question précédente], pour rendre tout authentique, il faut tourner en extérieur. Et les extérieurs de mon film sont ceux que j'avais repéré il y a 20 ans ! Heureusement, les ruines en étaient toujours et j'ai pu les réutiliser. (...) Le chef décorateur Benjamin Fernandez qui était sur le Quichotte original et Eduardo Hidalgo qui l'a rejoint sur ce film ont apporté des choses. Je travaille avec des gens talentueux qui étendent le monde que j'ai construit. [En tant que réalisateur] vous devez apprendre à perdre le contrôle de ce que vous avez créé.

    Nous avons appris qu'un documentaire par l'équipe qui vous suivait pour "Lost in La Mancha" se préparait et raconterait le tournage de votre nouveau Don Quichotte. Est-ce que vous souhaitiez qu'ils soient présents pour un making of classique ou vous saviez déjà que le tournage serait compliqué ?

    Non, Louis Pepe et Keith Fulton voulaient déjà faire une suite à Lost in La Mancha. Ils avaient fait un excellent travail sur le premier film et je les ai donc invité sur le tournage. Je ne sais pas encore ce qu'il y aura dans leur film et (son téléphone sonne, NdlR) et ce sont eux qui m'appellent pour me dire qu'ils refusent que je parle de leur film tant qu'il n'est pas fini !

     

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