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    The Handmaid's Tale : les colonies, Serena, Margaret Atwood... le showrunner nous dit tout sur la saison 2

    La saison 2 de l'excellente The Handmaid's Tale se poursuit sur OCS. Nous avons pu rencontrer le showrunner Bruce Miller qui est revenu pour nous sur le personnage de Serena, sur l'auteur Margaret Atwood et bien d'autres sujets...

    Action Press / Bestimage

    The Handmaid’s Tale saison 2 est diffusée actuellement sur OCS (saison 1 disponible en replay)

    AlloCiné : La saison 1 de The Handmaid's Tale était très très noire. La saison 2 l'est au moins tout autant. N'y avait-il pas un risque à poursuivre sur cette lancée ou au contraire c'était la seule voie possible ?

    Bruce Miller : Cela n'a jamais été notre intention d'aller trop loin dans la noirceur, ni de déprimer les téléspectateurs. Mais c'est là où l'histoire nous a naturellement conduits, c'est un monde où il se passe des choses absolument terribles et on ne pouvait pas les éviter. Une partie de l'intérêt de la série repose sur la manière qu'a June de faire face à l'adversité, et sans adversité, il n'y a pas de force à déployer. Nous avons toujours pris soin de ne pas montrer de violence inutilement. Quand il y en a, c'est parce qu'elle est essentielle à l'histoire. Toujours.

    Je pense à notre intrigue de la saison 1 sur l'excision, où nous n'avons rien montré frontalement, ça se déroulait hors-champs. Et puis il y a des sujets, comme le mariage d'enfants en saison 2, dont on entend parler dans la réalité, qui existent bel et bien dans certains endroits du monde, que nous devons montrer car si on veut le dénoncer, il faut absolument le montrer. On a le pouvoir, grâce à la télévision, d'entrer dans l'intimité des personnages et montrer la mécanique derrière, tout ce qui fait que c'est effectivement horrible. Ainsi, ce n'est pas juste une idée que les gens se font dans leur tête mais quelque chose de quasiment palpable.

    Un grand soin visuel est apporté à la série, le scénario et la réalisation semblent toujours aller de pair et se compléter, plus encore qu'ailleurs; est-ce que les scripts sont très détaillés à cet effet ou est-ce que les réalisateurs successifs peuvent se permettre de prendre beaucoup de liberté ?

    On laisse effectivement beaucoup de libertés aux réalisateurs, mais beaucoup aux acteurs aussi. Il y a peu de dialogue d'ailleurs. On essaye malgré tout de décrire avec précision les émotions traversées, de façon à ce que les réalisateurs ne partent pas sur une mauvaise interprétation du texte, ce qui peut arriver. Parfois, il y a des scripts qui sont si peu détaillés que les réalisateurs peuvent faire absolument ce qu'ils veulent et c'est terrifiant pour eux. Alors on ne donne pas beaucoup d'informations, mais celles que l'on donne sont toujours très précises. Ensuite, le rythme de la série est très particulier, assez lent, ce qui est un choix, et cela se voit dans la longueur de nos scripts qui n'excédent pas la quarantaine de pages, contre une soixantaine pour un script normal d'épisode. 

    Des morceaux de pop music débarquent régulièrement dans la série, à des moments bien souvent inattendus, comme celui de Kate Bush ("A woman's work") dans le premier épisode de la saison 2. Comment faites-vous vos choix ? Sont-ils décidés dès l'écriture de l'épisode ou lors du montage ?

    Je ne choisis jamais une musique lorsque j'écris. Il peut m'arriver d'avoir une idée, mais je ne la fixe jamais dans le marbre. Ces décisions sont prises lorsque le montage est terminé, pour pouvoir avoir les images devant les yeux. Souvent, de bonnes idées sur le papier ne fonctionnent plus à l'écran. C'est mieux de procéder dans cet ordre. Les musiques pop que l'on entent dans la série correspondent en général à ce que June entend dans sa tête. Et c'est souvent quelque chose de bizarre, qui ne colle pas forcément à la situation, et ça créé un décalage intéressant. Ces chansons sont une extension de ses pensées. 

    Avez-vous rencontré l'auteure du roman original Margaret Atwood avant de démarrer l'écriture de la saison 2, afin qu'elle puisse éventuellement apporter des idées ou donner son accord sur celles que vous aviez ?

    Oui, on a beaucoup parlé avant la saison 1 déjà, et à l'époque on avait évoqué la saison 2 et ce vers quoi nous voulions nous diriger. On s'est revu régulièrement, au milieu de la saison 1 encore, avant la saison 2, on a déjà évoqué la saison 3 depuis longtemps d'ailleurs... Avoir accès à l'auteure d'un classique de la littérature lorsque l'on en fait une adaptation, c'est extrêmement rare. Elle est très enthousiaste sur notre travail, elle adore nous rendre visite et pour tout dire elle est beaucoup plus à l'aise avec les changements que l'on peut faire à son oeuvre que nous ne le sommes nous-mêmes. On en fait de toute façon le moins possible, on souhaite y rester fidèle. Elle lit absolument tous les scripts, alors qu'elle est pourtant très occupée à voyager à travers le globe pour promouvoir ses livres. Elle aime s'impliquer au maximum de ses capacités. 

    Et vous avez déjà parlé de ce que pourrait être la fin de la série avec elle ?

    On l'a fait, on a évoqué plusieurs idées, mais je n'aime pas écrire en sachant précisément où je vais donc ce sont surtout des idées générales. J'ai trois enfants, ils regardent énormément de films et de séries et je constate qu'ils sont très attentifs à tout, ils arrivent à deviner beaucoup de choses avant qu'elles n'arrivent. J'essaye d'éviter ça avec The Handmaid's Tale. Si moi je ne sais pas tout ce qui va arriver par la suite alors je me dis que eux non plus. Et c'est plus naturel ainsi. La série adopte le point de vue d'Offred et Offred ne sait pas ce qui va lui arriver. Même si je suis obligé de planifier les choses, ça fait partie de mon métier, j'essaye de laisser de la place à l'imprévu.

    Vous avez déjà déclaré vouloir faire au moins 10 saisons de la série. Vous n'avez pas changé d'avis ? Vous pensez toujours que c'est faisable ?

    C'est faisable, ça c'est certain. Est-ce que c'est souhaitable, ça je ne sais pas. Nous n'en sommes qu'à la saison 2, nous n'avons pas encore fixé un nombre précis de saisons supplémentaires que nous aimerions faire. C'est trop tôt. Mais j'ai envie de pouvoir me dire quand ce sera fini que l'on a su proposer quelque chose d'intéressant, de pertinent et de provocateur jusqu'au bout; que chaque épisode a été beau. La fin du livre a quelque chose d'un peu frustrant, je ne sais pas si la nôtre le sera, mais je veux qu'il y ait une vraie fin, que l'on a décidé et que l'on a pu suffisamment anticiper pour pouvoir la soigner.

    Vous auriez presque pu faire un spin-off autour des fameuses colonies. Comment avez-vous réussi à faire entrer cet aspect de l'histoire dans l'ensemble ?

    Quand j'ai lu le livre, c'est tout de suite une des choses qui m'a le plus intéressé. Je voulais évidemment le mettre en scène le moment venu et je me suis beaucoup renseigné sur les camps de concentration notamment, dans ce qui s'est fait dans le passé en la matière mais dans ce qui se fait encore aujourd'hui, en Corée du Nord notamment ou en Chine, ou même dans des prisons pour femmes aux Etats-Unis. L'important c'était que ça ne ressemble pas à quelque chose du passé, auquel les gens auraient eu du mal à s'identifier. Il y a des personnages que j'avais envie de continuer à suivre, mais que la logique devait emmener dans les colonies. Jeanine, Emily notamment... On tient à elles, et on n'a pas envie de les quitter et ne pas voir ce qui leur arrive après. Donc finalement ça s'est fait très naturellement, sans forcer les choses.

    Avez-vous l'intention de montrer ce qui se passe en parallèle dans d'autres pays du monde ?

    Absolument, nous voulons le faire. Ce qui est formidable avec ce que Margaret a créé à l'origine, c'est que c'est un monde globalisé. Aujourd'hui, on regarde ce qui se passe en Corée du Nord, en Iran... Et ce qui se passe à Gilead a forcément des conséquences sur le monde entier dans la série, et tout particulièrement sur les pays voisins comme le Canada ou le Mexique. Nous en parlerons.

    L'épisode 6 de la saison 2 traite du sujet ô combien actuel du terrorisme, il montre également le personnage de Serena sous un autre jour... C'est un épisode très riche !

    Yvonne [Strahovski] nous inspire beaucoup, ses performances sont toujours excellentes et nous avions envie de lui donner encore plus de matière. Serena est un personnage démoniaque parfois, mais pas à ses propres yeux. Elle pense bien faire les choses, même si c'est difficile, même si c'est cruel. Elle est persuadée que c'est ainsi qu'elle pourra participer à sauver le monde. Et là où Yvonne est incroyable, c'est qu'elle parvient malgré tout à lui donner par petites touches une forme d'humanité, de la rendre émouvante. De manière général, nos acteurs sont tellement bons qu'il en va de notre responsabilité de scénaristes de constamment leur donner de nouveaux défis et de complexifier leurs personnages. 

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