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    Le géant Comcast tente de ravir la 21st Century Fox à Disney
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    En décembre dernier, Disney annonçait un accord portant sur le rachat des actifs de la 21st Century Fox, pour un montant de 52,4 milliards $. Mais c'était sans compter le géant Comcast en embuscade, qui vient de surenchérir à 65 milliards $.

    Brève séquence flashback. En décembre dernier, le sol a tremblé du côté du Big Business. Disney annonçait la conclusion d'un accord pour racheter une grande partie des actifs du groupe de médias et de divertissement 21st Century Fox, lui-même filiale du groupe Fox créé par Rupert Murdoch. Montant de l'opération : 52,4 milliards de $. Ou, plus précisément encore, une enveloppe globale de 66,1 milliards $; la différence correspondant à la prise en charge de la dette de Fox.

    La firme aux grandes oreilles achetait ainsi les studios télé et cinéma de la Fox, les chaînes FX et National Geographic, ainsi que ses actifs internationaux, notamment les chaînes indiennes Star, les 39 % détenus par la Fox dans le groupe européen de télévision Sky, ainsi que sa part dans la plateforme de streaming vidéo Hulu. La Fox ne conservait plus alors que la grande chaîne hertzienne américaine Fox, les stations locales, les chaînes d’informations et des chaînes sportives comme Fox Sports. Quant aux actionnaires actuels de la Fox, Disney était logiquement aux petits soins avec eux. L'accord prévoyait de leur permettre de détenir à terme 25% de l'empire Disney. Bob Iger, le CEO et PDG de Disney, avait par ailleurs accepté de rester dans son fauteuil jusqu'à la fin de l'année calendaire 2021. Une opération colossale donc, à une grosse nuance près. Lorsqu'une telle opération financière est menée, il faut le feu vert de plusieurs commissions, dont celui de la toute puissante Federal Trade Commission, le gendarme de la bourse américaine. Le Département de la Justice a aussi son mot à dire, et l'examen du dossier prend facilement plusieurs mois, comme nous vous l'expliquions en détails ici.

    Le géant Comcast en embuscade

    Début mai dernier, le géant Comcast, propriétaire des chaînes de télévision NBC, CNBC, MSNBC, des studios Universal, et fort de 29 millions d'abonnés, a confirmé qu'il préparait une offre en numéraire (comprendre : en cash) supérieure à celle de Disney, dans le but évident de briser l'accord annoncé par Disney et intégrer dans son giron la 21st Century Fox.

    Le 13 juin, Comcast a mis sur la table 65 milliards $ pour s'assurer de la prise de guerre. Cette offre représente une prime de 19% par rapport à celle proposée par Disney et acceptée. C'est énorme. Le timing est aussi serré : le 10 juillet prochain, la Fox avait prévu une assemblée générale de ses actionnaires pour approuver la fusion avec Disney. Celle-ci pourrait désormais être repoussée, rapporte le Wall Street Journal. "Nous sommes convaincus que les grandes entreprises de médias du siècle à venir seront des entités globales intégrées" a déclaré Brian Roberts, le PDG de Comcast, qui détient le tiers des droits de vote de son entreprise et dont la fortune est évaluée à 2 milliards $.

    Le groupe Comcast n'en est du reste pas à sa première tentative de ravir la 21st Century Fox, mais s’était vu opposer en 2004 un refus du groupe Murdoch, en raison des risques estimés de tomber sous le coups des puissantes lois antitrust face aux autorités de la concurrence, ainsi que pour des raisons d’optimisation fiscale. Mais l'annonce du groupe est faite dès le lendemain de celle effectuée par un Juge Fédéral, qui vient de donner le feu vert pour la fusion entre le groupe de téléphonie AT&T et Time Warner. Une fusion et une opération estimée à 85,4 milliards $. Disney aura quelques jours pour se positionner suite à la décision prise par le conseil d'administration de Fox concernant l'offre de Comcast. La question est : de combien Disney est prêt à renchérir ? Le groupe est-il d'ailleurs en mesure de le faire ?

    La clé : Rupert Murdoch

    L'affaire ne semble pas si simple. Le magnat Rupert Murdoch est en effet lié par l'accord signé avec Disney. En cas de rupture de cet accord de la part de la Fox, pour une raison non liée à un éventuel blocage des Autorités de la concurrence, le groupe sera tenu de payer un dédomagement de 1,525 milliards $. Signe de l'appétence de Comcast : le groupe se dit prêt à rembourser cette somme si Fox accepte son offre. Comcast se tient aussi prêt à financer un procès en anti-trust avec le Département de la justice, si jamais ce dernier voulait bloquer l'opération. Et, histoire d'enfoncer un peu plus le clou pour montrer sa détermination, il est aussi prêt à payer 2,5 milliards $ à Disney pour couvrir les coûts de la rupture de l'accord de promesse de vente de Fox.

    Les analystes estiment toutefois que les Murdoch, pour des raisons notamment fiscales, préfèrent être payés en actions. Ils n'auraient pas ainsi à verser des milliards de dollars au Fisc américain au titre d'une grosse plus-value. Et, par ailleurs, les dirigeants de Fox sont convaincus que Disney dispose d'un meilleur bilan et d'un plus grand potentiel de croissance que Comcast. Si les Murdoch ne détiennent "que" 17% du capital de 21st Century Fox, ils ont en revanche une majorité des droits de vote. Dans le cas du rachat par Disney ou par Comcast, les Murdoch conserveraient leur réseau télévisé Fox, des chaînes câblées dont FoxNews et des chaînes de sport. Sans oublier News Corp., qui englobe de nombreux journaux dont le prestigieux Wall Street Journal, le New York Post et la maison d'édition Harper Collins.

    Au-delà de ces colossales lignes de crédits, c'est, en ce moment même, tout un pan de l'avenir de l'industrie de l'Entertainment qui se dessine et se reforme. En faisant son offre, Disney cherchait aussi à contrer des géants de la Silicon Valley, Netflix en tête, dont la valorisation boursière est désormais équivalente, soit environ 150 milliards $. Même combat pour Comcast, qui fait face à une hémorragie d'une partie de ses abonnés. A suivre. De près, forcément.

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