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    Les Quatre Sœurs : rencontre avec Claude Lanzmann qui révèle quatre témoignages inédits sur la Shoah

    A 92 ans, Claude Lanzmann n’a pas fini d’œuvrer pour le devoir de mémoire. Avec "Les Quatre Sœurs", il nous offre des témoignages inédits de survivantes de l’Holocauste, qu’il n’avait pas inclus dans son film-fleuve Shoah.

    Paname Distribution

    Les spectateurs convaincus d’avoir,  avec les 9h26 de Shoah, tout vu du travail de Claude Lanzmann sur l’extermination des juifs d’Europe sous le IIIeme Reich, sont encore loin de compte. Lorsqu’il tourne son fameux documentaire-fleuve en 1979, le cinéaste dispose d’un très grand nombre de témoignages qui n’ont pas tous trouvé leur place dans le montage.

    Certains sont si singuliers qu’ils méritent une attention particulière. Claude Lanzmann décide donc de leur consacrer des œuvres indépendantes, comme avec Un Vivant qui passe en 1997, entretien avec Maurice Rossel, seul délégué du Comité International de la Croix-Rouge à se rendre à Auschwitz en 1943. En 2001, il dévoile Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, où Yehuda Lerner se confie sur la révolte réussie d’un camp d’extermination.

    En 2012, Le Dernier des injustes offre enfin au public le témoignage de Benjamin Murmelstein, dernier Président du Conseil Juif du ghetto de Theresienstadt, filmé en 1975. Avec Les Quatre Sœurs, Claude Lanzmann propose d’entendre les récits de ces survivantes de l’Holocauste, chacune soumise à une atrocité différente, chacune mise à l’épreuve des pages les plus barbares de l’Histoire.

    Chacun de ces films mérite une œuvre en soi.

    Mais pourquoi avoir attendu si longtemps – quarante ans, maintenant – pour révéler ces précieux documents ? Et pourquoi ne pas les avoir inclus tout simplement dans le premier montage de Shoah ?

    "C'était très difficile de me remettre là-dedans, dans tout ce passé. Je ne sais pas comment expliquer ça. Je ne savais pas ce que je ferais de ces entretiens. Chacun de ces films mérite une œuvre en soi. J'ai rencontré ces femmes et j'ai trouvé que chacune était capable d'apporter un témoignage unique, extraordinaire. Les mettre dans Shoah, ça n'avait aucun sens."

    Paname Distribution
    Je sais poser des questions. Il faut beaucoup de pudeur, et je crois que j'en ai.

    Au cours de ces entretiens qui, cumulés, représentent 4h34 de film, le documentaliste se montre comme à son habitude incollable sur le sujet et sans tabou. Les réalités que Paula Biren, Ruth Elias, Ada Lichtman et Hanna Marton tentent d’éviter sont précisément ceux sur lesquels il souhaite tout savoir. C’est aussi ce qui fait la force du style de Claude Lanzmann : cette insistance froide et compatissante à la fois qui permet à ces femmes de se confier et d’offrir au monde entier leur témoignage insoutenable, certes, mais indispensable.

    "J'ai tout osé. Je sais poser des questions. Il faut beaucoup de pudeur, et je crois que j'en ai. Je ne les avais jamais rencontrées avant. Je n'ai pas eu à les convaincre beaucoup parce qu'elles ont tout de suite compris que je connaissais bien le sujet dont nous allions parler. Elles le disent, d'ailleurs, dans nos échanges. Elles sont mortes depuis, sans avoir vu les entretiens que nous avions filmés. Nous ne nous sommes pas revus après ces rencontres."

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    Visibles à compter du 4 juillet 2018, ces films sont réunis au cinéma en deux parties dans Les Quatre Sœurs – Partie I ("Le serment d’Hippocrate" et "La puce joyeuse") et Les Quatre Sœurs – Partie II ("Baluty" suivi de "L’arche de Noé"). Les voix de ces quatre femmes raisonnent encore aujourd’hui comme si les faits venaient d’avoir lieu. Ces témoignages sans détour brossent le portrait d’une humanité dont les blessures restent vives.

    C’est aussi le portrait d’un cinéaste récemment meurtri qui se cache derrière ces films. Chacun des segments des Quatre Sœurs de Claude Lanzmann commence par un hommage à Félix, le jeune fils du cinéaste, emporté par la maladie le 13 janvier 2017 :

    "C'est une grande tragédie, pour moi. La mort d'un fils de 23 ans, emporté par un cancer impitoyable, vous savez... ça fait tout trembler. C'est pourquoi je lui ai dédicacé ces films et d'autres livres que j'ai écrits. Je lui dédicacerai tout jusqu'à la fin de ma vie."

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