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    The Last Movie de Dennis Hopper : sexe, drogue, alcool... Retour sur un tournage hallucinant
    Laurent Schenck
    Laurent Schenck
    -Journaliste rédacteur base de données
    Passionné par les films qui traitent de la criminalité au sens large, Laurent Schenck travaille sur la base de données cinéma du site. Ses missions sont les suivantes : la rédaction de biographies et secrets de tournage, l'enrichissement de castings/fiches techniques et la revue de presse.

    "The Last Movie", deuxième long métrage mis en scène par Dennis Hopper après "Easy Rider", bénéficie d'une ressortie en salles. L'occasion de revenir sur la conception de ce projet hors normes qui s'est soldé par un fiasco critique et commercial.

    The Last Movie de Dennis Hopper

    Avec Dennis Hopper, Stella Garcia, Julie Adams...

    De quoi ça parle ? Une équipe de cinéma est venue tourner un western dans un village péruvien niché dans les Andes. Une fois le film terminé, tous les Américains s’en vont, à l’exception de Kansas, l’un des cascadeurs, qui souhaite prendre du recul vis-à-vis d’Hollywood et s’installer dans la région avec Maria, une ancienne prostituée. Les choses dégénèrent lorsque les habitants décident de tourner leur propre film : les caméras, les perches et les projecteurs sont faux, mais la violence qu’ils mettent en scène est elle bien réelle. Kansas va se retrouver héros malgré lui de cette « fiction »…

    Capture d'écran

    En 1969 sortait en salles Easy Rider, un road movie halluciné voyant deux motards traverser les Etats-Unis pour en découvrir les charmes cachés. Doté d'un budget de 340 000 dollars, ce film conçu dans une liberté artistique totale a créé la surprise : de par ses caractéristiques cinématographiques tranchant de manière radicale avec les normes hollywoodiennes, mais aussi en rapportant pas loin de 53 millions de dollars dans le monde. Son metteur en scène, Dennis Hopper (qui pour l'occasion réalisait son premier long métrage), s'est brutalement vu porté au centre de toutes les attentions. Il faisait la une des journaux et tout le monde attendait avec impatience son prochain film.

    Ainsi, il s'empressa de s'atteler à un nouveau projet, The Last Movie, une sorte de "réflexion pirandelienne sur le western, le colonialisme et la mort", pour reprendre les termes de Peter Biskind dans son ouvrage "Le Nouvel Hollywood". Dans le but de trouver un financement, Hopper se tourna dans un premier temps vers Bob Rafelson (l'un des fondateurs de BBS qui avait produit Easy Rider), lequel refusa de se joindre à l'aventure pour deux raisons : le comportement réputé imprévisible du cinéaste ; mais aussi son obsession à incarner le personnage principal (après avoir envisagé Montgomery Clift), ce qui n'était pas une bonne idée selon le réalisateur de Cinq pièces faciles.

    Capture d'écran

    C'est finalement Universal, qui venait de créer un département destiné à produire des films indépendants à petit budget, qui se chargea de financer The Last Movie (pour un million de dollars). Avant de commencer les prises, Hopper perdit 13 kilos, se tailla la moustache et se coupa les cheveux. Le tournage se déroula au Pérou, capitale mondiale du trafic de cocaïne. Beaucoup de techniciens et dealers de Los Angeles avaient même insisté auprès du réalisateur pour participer à ce tournage qui s'annonçait synonyme de débauche. Les autochtones se sont d'ailleurs plaints à plusieurs reprises des nombreuses fêtes interminables et Hopper eut plusieurs problèmes avec les autorités péruviennes.

    A la fin du tournage, le cinéaste dit à Universal que le montage allait lui prendre un an et qu'il allait le faire à Taos, au Nouveau-Mexique. Mais les choses n'avançaient pas et Hopper passait son temps à boire, se droguer et s'adonner à diverses expériences étranges. Ned Tanen, le patron du département Films d'Universal de l'époque, se rappelle : "Dennis projetait le film à tous les hippies de Taos. Ceux-ci ne le trouvaient jamais assez long. Et à chaque fois que j'allais là-bas, le film faisait 20 minutes de plus..." Rafeslon, qui s'était rendu à Taos pour donner un coup de main à Hopper, ajoute : "Je l'ai à peine vu, et à chaque fois qu'il s'est montré, ou bien il était stone, ou bien super violent et complètement cinglé."

    Toujours dans son ouvrage, "Le Nouvel Hollywood", Biskind nous fait part d'une anecdote qui témoigne parfaitement de l'état d'esprit qui régnait autour d'Hopper : pendant cette période de post-production, Tanen a voulu voir où en était le réalisateur dans son travail. Dans le but de s'entretenir avec lui au sujet du film, il est entré dans une salle de montage et est tombé sur... Une orgie ! Biskind avait recueilli le témoignage de Tanen : "Il y avait des fesses et des nichons partout, il était impossible de dire combien ils étaient. (...) Je suis allé voir Dennis et je lui ait dit : "Est-ce que je peux te parler ?" Il ne m'a même pas répondu, il était complètement out."

    Capture d'écran

    Lors de la première projection de The Last Movie au dernier étage de la Black Tower (siège d'Universal), tout le monde a détesté le film, comme l'avait expliqué l'ex-patron d'Universal à Biskind : "Ce n'était pas une catastrophe, non, c'était un désastre. Un séisme à grande échelle. Il n'y avait rien à garder, rien à sauver rien non plus à faire pour l'améliorer." Les réactions lors des projections suivantes furent similaires et même parfois bien pire si l'on s'attarde sur celle qui a eu lieu à l'Université d'Iowa, où Hopper et son équipe ont failli se faire lyncher par une foule d'étudiants mécontents... Le film fut retiré de l'affiche seulement deux semaines après sa sortie (malgré le grand prix du festival de Venise). Hopper mit des années à s'en remettre.

    L'échec critique et public de The Last Movie marque également une date emblématique dans le déclin progressif du Nouvel Hollywood, et ce même si plusieurs films cultes se rattachant au célèbre courant cinématographique ont par la suite émergé via de grands noms (Martin Scorsese, Francis Ford CoppolaPeter Bogdanovich ou encore William Friedkin). Tanen avait même conclu, après le fiasco du film : "Une époque touchait à sa fin. Les trois ou quatre années de gloire d'un certain cinéma se terminaient dans le cynisme et la désillusion." Paul Lewis, producteur exécutif de Hopper, avait ajouté : "C'en était fini. Fini de la liberté que nous avions pu avoir. La fin des années 1970 a commencé dès le début des années 1970." (Peter Biskind, "Le Nouvel Hollywood")

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