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    Mission : Impossible - De Brian De Palma à Christopher McQuarrie, comment la saga a-t-elle évolué ?
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Alors que la saga fête ses 22 ans d'existence sur grand écran, retour sur chacun de ses six épisodes et la façon dont les différents réalisateurs se sont appropriés la marque "Mission : Impossible" pour la faire évoluer en même temps que Tom Cruise.

    MISSION : IMPOSIBLE III

    Paramount Pictures

    Nul ne sait ce que serait devenue la saga aujourd'hui si elle était passée entre les mains de David Fincher et Joe Carnahan, tour-à-tour attachés à la réalisation de ce troisième opus avant de jeter l'éponge pour la même raison : divergence de point de vue artistique avec Tom Cruise. Lequel trouve son nouveau poulain sur petit écran, en la personne de J.J. Abrams. À l'époque, celui-ci n'est "que" le co-scénariste d'Armageddon et le créateur des séries FelicityLost et - surtout - Alias dont l'interprète d'Ethan Hunt, selon la légende, a dévoré les deux premières saisons en DVD avant de lui proposer la mission, sa première en tant que réalisateur sur grand écran.

    Et c'est justement pour appliquer à la saga le même principe que dans la série emmenée par Jennifer Garner qu'il est engagé. Entre ses mains et celles de ses co-scénaristes Alex Kurtzman et Roberto Orci, Ethan Hunt nous apparaît comme un humain avant d'être un surhomme, et ce dès la scène d'ouverture qui le présente en bien mauvaise posture alors que son épouse est menacée, puis celle qui suit le générique orchestré par Michael Giacchino, et nous montre un homme qui a raccroché et mène une vie normale avec sa compagne Julia (Michelle Monaghan). Mais il va découvrir que, comme Sydney Bristow, il ne peut pas si facilement s'extraire de la vie d'espion qu'il a jadis choisie.

    Celle-ci va se manifester à nouveau sous les traits de Lindsey Farris (Keri Russell), l'une de ses recrues qui tombe lors d'une mission à Berlin et dont il ne parvient pas à empêcher la mort après l'avoir secourue. Un événement tragique et surprenant aux allures d'acte fondateur pour J.J. Abrams, qui marque son passage du petit au grand écran en "tuant" l'héroïne de Felicity, sa première création. Une transition des séries vers le cinéma qui se ressent également dans la mise en scène et ces plans, d'abord serrés, qui s'élargissent au fur et à mesure que le récit progresse, allant même jusqu'à faire de Tom Cruise l'un des détails du décor hong-kongais avant qu'il ne fasse le grand saut.

    Le réalisateur ne renie pour autant pas le média dont il était déjà l'un des rois (Lost a été lancé deux ans avant la sortie du long métrage), et n'oublie pas non plus que Mission : Impossible est né sous forme de série. C'est tout naturellement qu'il lui rend hommage avec les masques, élément clé de la saga, et en réintroduisant la notion d'équipe quelque peu mise de côté dans l'opus précédent. Le tout dans un film qui ressemble à un long épisode d'Alias, tant dans sa structure (on débute par la fin pour revenir au début, comme dans le pilote) que son sens du rythme, trépidant avec une action fréquemment relancée mais découlant, à chaque fois, d'une nécessité.

    Paramount Pictures

    Cette similitude avec Alias lui sera parfois reprochée, au même titre que son action un peu trop découpée et sa mise en scène peu marquante, que certains ont qualifiée de "télévisuelle", à une époque où les séries étaient encore vues comme le parent pauvre du cinéma. Il est vrai que, si l'on met la notion de rythme de côté, c'est moins sur la forme que le fond que le film est réussi, preuve que J.J. Abrams était à l'époque meilleur scénariste que réalisateur. Faisant d'Ethan le grand frère de Sydney Bristow, il fait passer l'homme avant l'espion, si bien que la scène la plus mémorable n'est pas un morceau de bravoure, mais un face-à-face entre le héros et son adversaire, Owen Davian.

    Incarné par un terrifiant Philip Seymour Hoffman, ce dernier n'est pas un ancien agent ou une taupe, mais "juste" un trafiquant qui vit très mal le fait d'avoir vu Ethan se dresser sur son chemin et cherche à le lui faire payer en le touchant en plein cœur. À ce jour, nous ne savons toujours pas ce qu'était la fameuse Patte de Lapin sur laquelle le méchant voulait mettre la main car il s'agissait d'un MacGuffin, prétexte pour faire avancer le scénario et dont Hitchcock s'était fait le spécialiste. Non, le vrai suspense tournait autour de Julia : est-elle vraiment morte, comme la scène d'ouverture glaçante l'a laissé entendre ? Le héros peut-il continuer son travail et assurer sa protection en même temps ? A-t-il même droit à ce bonheur simple ?

    "Qui es-tu ? Quel est ton nom ? Tu as une femme ? Une copine ? Qui que ce soit, je vais la trouver. Et je vais lui faire du mal (...) Et ensuite je vais te tuer, juste devant ses yeux" (Owen Davian)

    Pour la première fois dans la saga, les conséquences des actions d'Ethan sur sa vie personnelle se dessinent, pendant que J.J. Abrams joue avec la notion de famille, qui revient très souvent avec une série d'oppositions : celle que le personnage principal veut fonder avec sa compagne contre celle qu'il forme avec Luther (Ving Rhames), Zhen (Maggie Q) et Declan (Jonathan Rhys-Meyers) en mission ; ou encore la grande famille de l'IMF que tente de lui vendre le traître John Musgrave (Billy Crudup) et à laquelle il va tourner le dos lors d'une évasion au son de "We Are Family", chanson diffusée dans les hauts-parleurs des locaux par le nouveau venu Benji Dunn (Simon Pegg) pour empêcher tout ordre d'interception du fugitif.

    Ironique à souhait, cette scène marque la première (et à ce jour dernière) incursion de la saga dans les bâtiments de l'employeur d'Ethan Hunt, et ce bref retour à la maison contraste avec ce qui deviendra l'une des marques de fabrique des Mission : Impossible, à savoir ce tour du monde qu'occasionne chaque long métrage. Les décors (ici le Vatican et Hong Kong, entre autres) deviennent des enjeux commerciaux, visant à faire rayonner la marque, qui fêtait alors ses 10 ans d'existence au cinéma, tout autour du globe. Chacun des pays visités devient alors un argument de vente. C'est en cela que les films se rapprochent le plus des James Bond, alors que le personnage de Tom Cruise a levé le pied sur les similitudes avec celui qui allait changer de visage et prendre celui de Daniel Craig quelques mois plus tard.

    Paramount Pictures

    Beaucoup plus terre-à-terre que chez John Woo, malgré un exercice de haute voltige en Asie, l'acteur n'est pas encore celui qui multiplie les exploits et que nous verrons naître cinq ans plus tard. Ce qui ne l'empêche pas de nous impressionner lorsqu'il passe sous les roues d'un camion, se fait souffler sur une voiture par une explosion à quelques mètres de lui, devient légendaire pour avoir fait planter la caméra programmée par ordinateur pour le suivre pendant un sprint pour cause de vitesse trop élevée (on parle d'une pointe à 33km/h) ou fait preuve d'une vulnérabilité inédite chez son personnage. En ce sens, le choix de J.J. Abrams s'est avéré payant en vue du développement d'Ethan et de la formule qui sera celle de la saga à l'avenir.

    On notera également que le film sort moins d'un an après La Guerre des Mondes, son dernier long métrage marquant sous la direction d'un grand réalisateur. Sans remettre en question les qualités de J.J. Abrams, Brad Bird, Ed ZwickChristopher McQuarrie ou Doug Liman, ces derniers sont davantage au service de Tom Cruise que l'inverse, pour lui façonner des personnages qui disent des choses sur lui plus que des rôles derrière lesquels il disparaît. A cette époque, et dès le tournage de Mission : Impossible III, la star parle de son amour pour Katie Holmes à qui veut l'entendre, ce dont les ressorts du canapé d'Oprah Winfrey se souviennent encore tant il a sauté dessus à pieds joints pendant une seule émission.

    Avec le recul, l'intrigue centrée sur la relation entre Ethan et Julia fait écho à la vie privée de Tom Cruise, même si elle permet de semer les premières graines de l'un des aspects les plus importants de son personnage : le côté romantico-tragique du héros de la saga, à qui la normalité d'une histoire d'amour se refuse alors qu'il se révèle capable d'accomplir les plus grands exploits du monde. Des acrobaties que la star aurait pourtant pu ne pas réaliser car cette Mission au box-office décevant (un peu moins de 400 millions de dollars de recettes dans le monde, score le plus bas de la franchise) a bien failli être sa dernière lorsque Paramount a mis fin au contrat les liant au mois d'août 2006.

    Avez-vous remarqué tous les détails cachés du film ?

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