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    Le Procès contre Mandela et les autres : un puissant documentaire à la forme étonnante
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Documentaire consacré au procès historique de Nelson Mandela et 8 de ses co-accusés en 1963 / 1964 face au terrible régime de l'apartheid, le film de Nicolas Champeaux et Gilles Porte est aussi original dans sa forme que passionnant sur le fond.

    UFO Distribution

    Mandela. Un patronyme tellement célèbre qu'il incarnerait presque à lui seul la lutte acharnée contre le terrible régime de l'Apartheid d'Afrique du Sud. Mandela, surnommé affectueusement "Madiba", aurait d'ailleurs eu cent ans cette année. Le détenu le plus célèbre d'Afrique du Sud, qui passa 27 années en prison, parfois dans des conditions terribles, s’est révélé au cours d’un procès historique qui se déroula en 1963 et 1964. Sur le banc des accusés, huit de ses camarades de lutte, qui ne sont d'ailleurs pas tous Noirs, loin s'en faut; les prévenus sont aussi Indiens, il y a des Blancs... Dès le début du procès, l’énoncé des charges contre les accusés est terrible, ces derniers risquant la pendaison. Et Face à Percy Yutar, le procureur zélé, raciste et agressif, ils décident ensemble de transformer leur procès en tribune contre l’apartheid, comme un va-tout, au risque même d'aggraver leurs cas...

    Tel est le sujet du solide documentaire signé par le tandem français Nicolas Champeaux, qui signe ici son premier film, épaulé par Gilles Porte, avant tout connu pour son travail en tant que directeur de la photographie.

    Ci-dessous, la bande-annonce du documentaire...

    Si le documentaire convoque le témoignage -forcément précieux au regard de leurs âges désormais vénérables- de certains de ces anciens persécutés, il n'y a pratiquement pas d'images d'archives filmées; sauf au début, pour mieux contextualiser le propos. En fait, l'un des intérêts du documentaire est que le procès n'a tout simplement pas été filmé; mais a fait l'objet d'un enregistrement sonore dans sa totalité. Soit 256 heures de débats ! Si elles constituent un vrai trésor, ces archives sonores sont restées longtemps enfouies. Les réalisateurs Nicolas Champeaux et Gilles Porte expliquent : "Le procès avait été enregistré sur un support vinyle analogique, les dictabelts : un vinyle souple qu’on peut plier, qu’on enroule autour d’un cylindre et que l’on lit avec un diamant comme pour un tourne-disque. La British Library avait tenté de les numériser en 2000 en s’attaquant au discours de Mandela, mais l’expérience n’avait pas été concluante. Alors les archives sont retournées crouler sous la poussière en Afrique du sud jusqu’à ce que des français leur fassent part de l’invention de l’archéophone : une machine qui permet justement de numériser les dictabelts sans les détériorer. Et c’est ainsi qu’un accord de coopération s’est naturellement mis en place entre la France et l’Afrique du sud." Les témoins du documentaire réécoutent d'ailleurs pour la première fois leurs propres mots prononcés durant ce procès inique. La puissance de ceux-ci fait logiquement jaillir la parole mémorielle, qui devient parfois saccadée, presque étranglée par une émotion compréhensible...

    Mais, au-delà des témoignages et des archives sonores, comment faire pour s'assurer de capter encore plus durant 1h43 l'attention et l'intérêt du spectateur ? C'est là qu'entre en scène les séquences d'animation de l'illustrateur Oerd, qui avait déjà travaillé dans le passé avec Gilles Porte en 2009, sur la série Portraits / Autoportraits, réalisée dans le cadre de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, ainsi que sur un documentaire consacré à l'enfance en 2011.

    "Le travail personnel d'Oerd a toujours le son comme point de départ, et c'est exactement ce que l'on recherchait" explique Nicolas Champeaux. "La commande était compliquée : Oerd devait dessiner quelque chose d'extraordinaire à l'écran sans jamais entrer en rivalité avce le son. Oerd aussi a de l'humour, des idées artistiques amusantes et il était important de ménager des moments légers dans le film, des bulles de respiration. [...] Et les politiques de l'apartheid, qui consistaient à séparer des gens en fonction de leur couleur de peau, se prêtent bien au dessin : du noir, du blanc, et un trait entre les deux, et il a su s'en inspirer" ajoute le réalisateur. Il a fallu près d'un an de Storyboarding à l'illustrateur pour mener à bien sa tâche, avant même l'animation proprement dite en 2D, qui compose quelques 40 min d'un documentaire qui a notamment été présenté en séance spéciale au dernier festival de Cannes. A vous de le découvrir en salle à compter de ce mercredi.

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