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    Lumière 2018 - Liv Ullmann : "Avoir refusé Fanny et Alexandre, c'est mon unique regret"

    Comédienne de théâtre, actrice fétiche d'Ingmar Bergman, réalisatrice... Liv Ullmann compte parmi les légendes du cinéma. Invitée du festival Lumière, elle nous a fait l'honneur de partager un peu de ses souvenirs. Rencontre.

    Romain Doucelin / Bestimage

    AlloCiné : Quel est votre tout premier souvenir de spectatrice ? 

    Liv Ullmann : La première chose dont je me souvienne véritablement, c'est d'être allée voir Miracle à Milan, de Vittorio De Sica. Cet endroit très pauvre avec des gens très pauvres, et tout à coup, le miracle se produit et ils s'envolent avec leurs parapluies vers le ciel. C'était plein d'espoir et de bienveillance et je crois que ça a changé la manière dont je voyais la vie. Après, j'ai vu tous les autres films de Vittorio De Sica. 

    Vous avez commencé votre carrière d'actrice au théâtre. Que ressentiez-vous sur scène ?

    J'ai débuté dans une pièce extraordinaire, Le Journal d'Anne Frank. Ce qui était incroyable, c'est que j'avais dix-sept ou dix-huit ans lorsque je l'ai jouée et une partie de la pièce consistait à lire des extraits de son journal. J'étais assise sur la scène, à lire ces mots qu'elle avait écrits : "Je crois que dans le fond de leur coeur, les gens sont vraiment bons." Je l'ai pensé moi-même pendant plusieurs années, puis j'ai évolué quelque peu et j'ai changé cette phrase : "Je crois que dans le fond de leur coeur, les gens sont vraiment capables de bonté." Comme pour le film de Vittorio De Sica, c'est un défi, mais on en a la possiblité. J'ai adoré jouer Anne Frank. Lorsqu'on est sur scène, on est là, le public est là, devant, et on partage quelque chose ensemble. On donne et on reçoit, et le public donne autant qu'il reçoit. 

    Bien sûr, quand on pense à vous, on pense nécessairement à Ingmar Bergman. Quel est le souvenir qui vous viens à l'esprit à l'évocation du tournage de Persona ?

    C'est la confiance que j'ai reçue d'Ingmar en tant que cinéaste. J'étais actrice depuis six ou sept ans au théâtre, j'avais fait des films, mais malgré tout, j'étais norvégienne et tous les membres de l'équipe étaient suédois, et je me suis dit qu'on moment où on allait commencer à tourner, il allait s'en apercevoir et vouloir que je reparte chez moi. Au contraire, j'ai eu la sensation que l'on croyait en moi, qu'il me voyait vraiment et que j'étais capable de bien plus que ce que j'imaginais. Et il m'écoutait. Je n'avais qu'une réplique dans Persona et c'était "rien", mais il était à l'écoute de mes mouvements, de la manière dont je regardais ma partenaire, Bibi Andersson. Il avait même écrit : "Ecoute son visage, car je peux voir ses lèvres devenir plus grosses, ses yeux changer." Il me faisait confiance à tel point qu'il m'aurait été impossible de croire que je n'étais pas une bonne actrice. 

    Duquel des films faits ensemble êtes-vous la plus fière ? 

    Je pense que c'est Scènes de la vie conjugale, parce que dans beaucoup d'autres, j'étais névrosée, en colère, mais dans Scènes de la vie conjugale, j'étais une femme forte, qui devenait encore plus forte, fière d'être une femme. A la fin du film, elle n'était plus la même personne qu'au début. Elle n'était plus la femme de quelqu'un, mais simplement une merveilleuse femme libérée, et la seule chose surprenante, c'est qu'un homme ait écrit cela. 

    Pensez-vous qu'il avait compris ce que c'était qu'être une femme accomplie ?

    Dans ce film, il me semble qu'il l'avait compris et que c'était quelque chose qu'il admirait beaucoup, alors que dans d'autres films, il portait un regard beaucoup moins admiratif sur ce genre de personnages. 

    Bergman croyait en moi, il me voyait vraiment

    Vous avez refusé Fanny et Alexandre. Est-ce toujours un regret ?

    C'est mon seul et unique regret. Je ne sais pas pourquoi j'ai refusé, je crois que je lui ai dit : "Oh, tu m'avais dit que ce serait une comédie et ce n'en est pas une !" Je ne sais pas... Je faisais un autre film, mais j'aurais tout à fait pu l'abandonner. Il était très en colère, c'était la première fois, et il m'envoyait des lettres où il m'appelait "Chère Liv Ullmann", c'était terrible. Lorsque le film a été terminé, il m'a invité en Suède pour le voir. On s'est assis ensemble dans une petite pièce pour le regarder, et j'ai pleuré, pleuré... C'était une erreur, mais peut-être que c'était bien ainsi, et on a continué à travailler ensemble. 

    Vous avez réalisé des films vous aussi. Comment ça s'est passé, la première fois que vous êtes passée derrière la caméra ?

    Au début, je n'avais pas bien compris l'enjeu. J'avais tendance à brasser de l'air, à être gentille... La première semaine, j'allais voir le chef opérateur pour lui dire : "Je vais chercher du café, est-ce que tu en veux ?" Et puis j'ai commencé à réaliser que les acteurs, le directeur de la photo et les autres, avaient tous besoin que je sois leur chef, que je les guide. Je suis donc devenu leur leader et j'ai appris très vite qu'on ne tourne pas autour du pot quand on fait un film. 

    Parmi toutes les choses que vous avez faites - jouer au théâtre, dans des films, jouer à Broadway, à Hollwood, réaliser des films... - à travers lesquelles vous-êtes vous le plus accomplie ?

    Les deux que vous n'avez pas mentionnées. (Elle sourit) Ecrire [Liv Ullmann a écrit deux autobiographies, Changing et Choices, ndr] et voyager avec l'International Rescue Committee, puis l'UNICEF dans des pays pauvres, rencontrer les gens et ainsi apprendre ce que c'est que la vie. 

    Extrait de Scènes de la vie conjugale :

     

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