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    Dix Pour Cent "n'est pas une série militante" selon sa créatrice Fanny Herrero

    Alors que la saison 3 de "Dix Pour Cent" bat son plein sur France 2 avec la diffusion des épisodes 3 et 4, avec Gérard Lanvin et Isabelle Huppert, rencontre avec la créatrice et showrunneuse Fanny Herrero, qui revient sur la polémique et sur Netflix.

    CEDRIC PERRIN / BESTIMAGE

    AlloCiné : Quelles sont les principales nouveautés de la saison 3 de Dix Pour Cent ?

    Fanny Herrero : Cette année, on a voulu se concentrer sur l'agence, les relations de pouvoir, de rivalité et de solidarité en son sein. J'ai été inspirée entre la saison 2 et la saison 3 par pas mal d'agents parisiens avec qui j'ai pu discuter et j'ai remarqué que dans toutes les histoires des grandes agences, il y a eu des moments de scission, des gens qui sont partis, ce qui a créé des passages épineux et douloureux. On a décidé de jouer cette carte.

    Dans les lignes plus intimes, il y a des thématiques qui me sont chères et qu'on continue de développer, c'est à dire le destin des personnages féminins, en particulier leur rapport au corps, à la féminité; il y a la grossesse d'Andréa, et j'avais besoin de raconter des choses là-dessus car j'ai été maman entre la saison 1 et la saison 2, donc c'était encore très présent chez moi. Avoir un enfant quand on a une carrière intense, ça m'a nourri pour ce personnage. J'avais envie de parler d'homoparentalité également, de la question du géniteur dans tout ça, je trouvais ça actuelle. Il y a Camille qui devient agent, Noémie qui retrouve une dignité, Sophia qui prend son indépendance... Sans oublier Hervé qui va connaître une histoire d'amour, assez douloureuse mais réelle; Gabriel qui se relève tant bien que mal de son chagrin d'amour...

    Il y a eu une petite polémique au moment de la saison 2 autour du personnage d'Andréa et de son plan à trois avec Hicham, donc sur sa sexualité. Comment vous l'avez vécu et comment avez-vous réagi en conséquence cette saison ?

    Je l'ai compris, je n'avais pas réalisé à quel point c'était important d'avoir une héroïne lesbienne qui devenait emblématique au sein d'une communauté qui avait si peu l'habitude d'être représentée dans la fiction. Je ne mesurais pas ça, alors que j'étais très fière de ce personnage. Ca m'a déstabilisée, j'ai ressenti comme une forme d'injustice aussi parce ce qu'on voulait raconter avec l'équipe sur Andréa c'était son côté trangressif, impulsif, même à l'égard de son propre camp. Elle n'est jamais là où on l'attend. Mais il n'a jamais été question pour moi de la faire tomber amoureuse d'un homme. Au contraire même, c'était une façon de la faire revenir vers Collette. On savait ce que l'on voulait raconter avec Camille Cottin

    Et raconter Andréa maman, ça n'était possible qu'en passant par ce subterfuge j'imagine, tant les démarches d'adoption pour un couple homosexuel sont longues, tout comme la PMA... C'était presque un mal nécessaire, non ?

    Exactement. J'avais envie de confronter Andréa à la parentalité et pour moi ça ne pouvait pas être avec un autre personnage. Ni Sophia, ni Noémie, ni Camille. Et toutes les démarches, comme de trouver un donneur, de partir à Barcelone, tout ça Andréa ne l'aurait jamais fait. Je préférais l'accident, qui lui ressemble beaucoup plus dans son côté sauvage, rock. Et puis Collette ne rêvait que d'une chose : fonder une famille. Elles se sont finalement retrouvées là-dessus et je trouvais ça assez beau comme idée. 

    Mais au final, je suis contente parce que tout cette histoire m'a permis aussi de discuter avec plein de gens passionnants qui connaissaient bien mieux que moi les sujets LGBT, les questions de représentation. Dix Pour Cent n'est pas une série militante. A chaque fois qu'on a des personnages qui sont issus d'une minorité, il y a toujours une frange très militante et extrêmement sensible qui s'exprime. Je le comprends, mais on ne maîtrise pas tout. On essaye d'avoir un discours politique tout en étant divertissant, ce qui peut conduire à une certaine maladresse car on ne peut pas être partout. 

    Les sujets sérieux, et je pense notamment à la drogue dans le milieu du showbiz par exemple, c'est trop compliqué à traiter au sein d'une série qui se veut légère comme Dix Pour Cent ?

    Oui, et pour reprendre votre exemple, j'ai toujours eu envie d'un épisode qui tournerait autour de l'addiction. En saison 1, on me l'avait retoqué parce que c'était trop tôt, la chaîne et la production ne se sentaient pas prêtes. Et les acteurs aussi. Est-ce qu'il y a un acteur qui va accepter de jouer un personnage alcoolique ou en cure de désintoxication ? C'est compliqué à partir du moment où ils utilisent leur propre nom. Je suis persuadée que l'on peut faire de la comédie avec ça, en tout cas avec certaines limites.

    Dix Pour Cent est désormais disponible dans le monde entier sur Netflix. Vous avez des retours de l'étranger sur la série depuis ?

    Mais oui, et ça fait tellement plaisir. Ca fait plus de 10 ans que je travaille à la télévision française et je dois avouer que Netflix a apporté ça : soudain, on reçoit des messages de plein de pays qui s'intéressent à nos séries. Je suis partie en voyage à Los Angeles grâce à la SACD (ndlr: Société des auteurs et compositeurs dramatiques) récemment et beaucoup de gens là-bas me parlaient de "Call My Agent" (ndlr: le titre de Dix Pour Cent à l'étranger). Je ne sais pas s'ils l'avaient tous vue, mais ils en avaient au moins entendu parler de façon très positive. Et ça m'a permis d'être recrutée par une grosse agence américaine en tant qu'auteure, ce qui est assez rare pour une française. Ce qui se passe est assez inédit pour toute l'équipe.

    La mention "Netflix Originals" pour Dix Pour Cent dans le monde entier, ça vous dérange ?

    Ah oui, c'est assez bizarre, c'est pas agréable, mais je n'en avais pas conscience pour tout dire donc je ne sais pas comment réagir.

    Pour les américains, Dix Pour Cent c'est assez exotique, ça ne se passe pas du tout comme ça là-bas...

    Pour eux c'est vraiment une version hyper mignonne et charmante du monde des agents. Ils me parlent à chaque fois de "ce petit charme français". On passe un peu pour des amateurs mais c'est assumé aussi. Chez eux, c'est un univers très puissant, et même la manière de faire des séries est très différente, ce sont des machines de guerre. Après, je crois qu'il y a quelque chose dans le ton qui leur plaît aussi, ce mélange de drame et de comédie, ils y sont très sensibles.

    Et c'est pour ces raisons selon vous qu'aucune adaptation américaine n'a encore vue le jour ?

    Je sais qu'il y a des pourparlers. Ils attendent une opportunité et de trouver les bonnes personnes pour le faire. En tout cas, ça va se faire en Angleterre, c'est certain. Mais aux Etats-Unis, ce sera forcément une série très différente parce que les agents ont une place toute autre dans l'échiquier, ils sont souvent producteurs eux-mêmes... Et puis il y a une série québecoise qui pour le coup sera très fidèle, avec les mêmes intrigues mais des acteurs locaux... et l'accent bien sûr !

    Propos recueillis lors du Festival de Fiction TV de La Rochelle

    Camille Cottin se dit "très heureuse du parcours d'Andréa et ce pour quoi ça milite" dans notre interview :

     

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