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    The L Word fête ses 15 ans : pourquoi la série est toujours aussi importante

    Voilà 15 ans que la série d'Ilene Chaiken, The L Word, fut diffusée sur Showtime aux Etats-Unis. A l'époque, elle a apporté un vent de fraîcheur sur la représentation de la communauté LGBTQ+, qu'en reste-t-il aujourd'hui ?

    Showtime Networks Inc

    Le 15 janvier 2004 débutait sur la chaîne câblée Showtime, l’aventure d’un groupe de jeunes femmes à Los Angeles. Une série sentimentale comme Hollywood en produit à la chaîne ? Pas exactement. Dans The L Word, les personnages principaux sont lesbiennes. A l’époque, c’était révolutionnaire. Aujourd’hui, la série demeure toujours importante.

    Toute première fois

    Pour beaucoup, The L Word a été la première fois. Première série centrée sur des lesbiennes. Premier personnage récurrent transgenre à la télévision. Premier couple interracial lesbien. Première femme sourde lesbienne. Elle s’est montrée également avant-gardiste sur les thèmes de la bisexualité, des drag kings, des drag queens, dans la fluidité des genres, dans l’homoparentalité, l’addiction, le viol, ainsi qu’au niveau de la politique américaine qui limitait alors les droits de la communauté LGBTQ+ (des lois d’adoption à la législation discriminatoire « don’t ask, don’t tell » qui officiait alors dans l’armée et qui forçait les personnes homosexuelles ou bisexuelles à cacher leur orientation. Elle a été abolie en 2011 sous Obama).

    Derrière la caméra, The L Word a également fait bouger les lignes. La majorité des épisodes ont été écrits et tournés par des femmes. A une époque où la question de la parité à Hollywood n’était pour ainsi dire, jamais évoquée et où l’on n’avait pas encore souligné la force politique de Orange is the new Black ou The Handmaid’s Tale, cela place la série aux avant-postes de ces mouvements.

    De l’autre côté de l’écran aussi, il est également question de primeur pour des femmes lesbiennes en manque de référents dans la pop culture. L’actrice Jennifer Beals, qui joue Bette Porter, précisait que les intentions de la série étaient « de représenter des gens qui ne peuvent pas se sentir souvent représentés, et certainement pas représentés dans leur pluralité ». Un sentiment qui domine chez des spectatrices qui ont découvert la série à l’époque : « Pour beaucoup de nanas, la série a été un révélateur et leur a permis de s’assumer » confie Caroline, qui a découvert la série en 2006. Pour sa femme, Elodie, The L Word a apporté « une représentation d’autres lesbiennes, une autre figure ».

    Showtime Networks Inc.

    Vers une autre représentation des lesbiennes

    C’est quelque chose qui revient souvent quand on aborde l’héritage de la série. Si aujourd’hui, on peut lui reprocher son uniformisation des corps ou son manque de diversité raciale dans une ville (Los Angeles) où 70% de la population est non blanche, elle a, au moment de sa diffusion, renversé les codes et cassé quelques stéréotypes : « la série a montré au monde que les lesbiennes n’étaient pas toutes des butchs mais peuvent être aussi très féminines » précise Caroline. Ainsi remis dans le contexte, on s’aperçoit que cette approche qui a (probablement trop) privilégié un côté glamour entendait révéler que les lesbiennes n’étaient pas uniformes et s’incarnaient autrement que par le stéréotype d’une forme de masculinité. Bien que l’omniprésence de corps beaux et parfaits selon les standards hollywoodiens est problématique, il faut savoir remettre dans le contexte de l’époque, les intentions initiales de la série et combien elle a pu avoir un impact sur ses téléspectatrices : « la série m’a plu parce que 90% des actrices étaient attirantes, sexy et surtout féminines » confie Francine. 

    Pour Eve Sedgwick, universitaire féministe américaine spécialisée dans les études gays, lesbiennes et queer, The L Word rendait « visible un monde dans lequel les lesbiennes existent sous des formes autres que le célibat ou le couple, où elles entretiennent et développent des relations parmi elles ». La série s’est distinguée en abordant, au sein de leurs dialogues, des sujets qui n’apparaîtront que bien plus tard dans des séries mainstream, anticipant ainsi la quatrième vague du féminisme. Une position singulière à l’époque, par sa représentation d’un monde qui explorait la fluidité de la sexualité et permettait ainsi à ses personnages d’aborder eux-même cette fluidité. Son côté soap opera, poussant les curseurs du mélodrames, n’a jamais empiété sur son intelligence. Et c’est cet équilibre qui a permis à la série de séduire son public en lui offrant des histoires parfois incroyables, sans jamais douter de son acuité à représenter une communauté. « Avec mes amies lesbiennes, on attendait patiemment chaque nouvelle saison. On était très attachée aux personnages, suivant la personnalité de chacune. Cela permettait de montrer au monde le milieu des lesbiennes, leurs délires, leurs vies de femmes épanouies » ajoute Caroline.

    Showtime Networks Inc.

    Une série qui ne fait pas toujours l'unanimité

    Toutes les saisons n’ont pas toujours été accueillies avec le même enthousiasme. Certain·e·s ont même pu reprocher à la série une évolution embarrassante, qui s’est un peu détournée des rapports intimistes. Des arcs narratifs ont même posé des problèmes au sein de la communauté LGBTQ+. Le personnage transgenre Max (Daniela Sea), qui ne va pas au terme de sa transition a soufflé des vents des contraires sur The L Word. D’un côté, on accuse la série de transphobie ; de l’autre, on justifie le choix des auteurs en montrant à travers ce personnages, que la question du genre ne repose pas uniquement sur l’anatomie. Jenny Schecter (Mia Kirshner) a également cristallisé les tensions, où on loue la série pour oser aborder le thème des maladies mentales, compte tenu des hauts taux d’auto-mutilations, de suicides ou de maladies dans la communauté LGBTQ+, tout en reprochant l’aspect volontairement polémique et spectaculaire du traitement narratif. Outre le manque de diversités corporelles et raciales, c’est aussi le milieu socio-professionnel qui est pointé du doigt, où l’on tance son uniformisation trop aisée, quand la pauvreté a plus de chance de toucher la population LGBTQ+.

    The L Word n’était pas parfaite mais sa présence a changé le paysage télévisuel. Ilene Chaiken, sa créatrice, peut prétendre avoir participé à remodeler l’imaginaire de tous les spectateurs. « La série a eu un impact. On a pu se retrouver dans ces histoires d’amour homosexuelles, à l’opposé de films comme Gazon Maudit ou d’autres aux intrigues gnangnans » conclut Caroline. La série a cassé des stéréotypes, renversé des mythes en montrant que les lesbiennes baisaient de multiples façons, révéler que les identités sexuelles ne s’enfermaient pas dans une case, a célébré une culture queer qui manquait cruellement de référents, « Elle était représentative de la communauté lesbienne » finit Francine. 15 après, on mesure son importance, tout en réalisant qu’il reste encore du chemin à parcourir.

    Une place à prendre pour le reboot

    Si The L Word fut révolutionnaire et a laissé son empreinte, trop peu de séries ont osé emprunter le chemin balisé par Ilene Chaiken. A part Orange is the New Black, les fictions mettants en scène des personnages lesbiennes (voire gays) sont quasi inexistantes. Une frilosité hollywoodienne générale qu’on espère tempérée par le futur reboot de la série, à venir prochainement. The L Word a fait beaucoup de bien pour la représentation de la communauté LGBTQ+ mais elle pouvait améliorer certains points, corriger d’autres. Des couacs qui seront presque une aubaine pour une nouvelle version ainsi revue et corrigée.

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