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    Ragtime : focus sur le chef-d'oeuvre méconnu de Milos Forman
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    Lancé le 6 janvier 1982 en France, Ragtime bénéficie d'une ressortie au cinéma (et DVD/Blu-ray) en version restaurée le 20 mars 2019. L'occasion de revenir sur le plus ignoré des longs-métrages du grand Milos Forman.

    Quand Milos Forman s'attaque à Ragtime à la fin des années 70, le cinéaste est quasiment au sommet de sa gloire. Quelques années auparavant, il triomphait avec Vol au dessus d'un nid de coucou, immense succès international, raflant notamment les Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur.

    Cette fois, le metteur en scène hérite d'un projet passé entre les mains de Robert Altman (MASH, Nashville). C'est le producteur Dino De Laurentiis qui souhaitait lui offrir la réalisation de cette adaptation du best-seller de EL Doctorow. Le livre avait cartonné lors de sa parution en 1975 avec plus de 200.000 exemplaires vendus. Ce succès donne évidemment des idées au producteur qui casse sa tirelire pour s'approprier les droits, déboursant la modique somme de 500.000 dollars !

    1989 PATHE PRODUCTION. TIMOTHY BURRILL PRODUCTIONS. TOUS DROITS RESERVES

    Mais pourquoi Altman n'a-t-il finalement pas réalisé Ragtime ? À l'époque, le metteur en scène et De Laurentiis ont eu un gros conflit après leur collaboration sur Buffalo Bill et les Indiens. Le producteur a mis son grain de sel dans la salle de montage du film, voulant notamment le raccourcir. Le nabab italien revient donc sur sa décision en évinçant Robert Altman du projet Ragtime.

    Milos Forman s'attelle donc à mettre en scène Ragtime, épaulé par le scénariste Michael Weller, son complice dans Hair. L'oeuvre raconte une certaine histoire de l'Amérique à travers le parcours d'une famille bourgeoise vivant à New Rochelle dans l'Etat de New York. Le père (James Olson), la mère (Mary Steenburgen), leur jeune fils et le frère de la mère, campé par Brad Dourif. Ils vont venir en aide à une jeune femme noire et son bébé, abandonnés par leur père, un pianiste spécialiste du ragtime, Coalhouse Walker Jr (Howard E. Rollins Jr).

    Lost Films / L'Atelier Distribution

    À travers le destin de ces différents personnages, Forman explore des thèmes qui lui sont chers comme la notion de justice, l'émancipation des minorités oppressées, la lutte des classes ou l'avènement d'un capitalisme mortifère. Né en Tchécoslovaquie en 1932, le cinéaste a vu son père mourir durant la seconde guerre mondiale, assassiné par la Gestapo. Sa mère a ensuite été déportée au camp d'Auschwitz. Milos Forman tirera de ces tragédies une forte propension à mettre en scène des familles défaillantes, comme celle de Ragtime (La thématique était déjà présente dans Taking Off, son premier film américain).

    Son regard d'immigré sur les USA et les mouvements de contestation comme les Black Panthers trouve également une résonnance dans le film via le parcours du personnage de Coalhouse Walker Jr. Bien qu'il admire son pays d'adoption, qui lui a donné la chance de continuer son rêve de cinéma, Forman n'en demeure pas moins lucide. Il pointe ainsi du doigt les injustices, le racisme et la violence d'un territoire complexe et paradoxal. L'artiste ayant connu la répression et les humiliations d'un régime autoritaire durant sa jeunesse en Tchécoslovaquie, ces thèmatiques ne pouvaient que lui parler.

    Lost Films / L'Atelier Distribution

    Ainsi, à la manière d'une fresque monumentale, Milos Forman dresse le portrait d'un pays tiraillé, s'offrant une sorte d'alter ego à travers le personnage de Tateh (Mandy Patinkin), immigré juif devenant cinéaste. On croise également quelques grands noms de l'Histoire américaine dont le banquier JP Morgan, le magicien Harry Houdini ou l'architecte Stanford White. Le long-métrage a des airs d'Il était une fois en Amérique avant l'heure, convoquant même celle qui sera plus tard Deborah dans le film de Sergio Leone, la sublime Elizabeth McGovern (Evelyn Nesbit). Le film sera malheureusement un échec commercial et sera totalement occulté par le triomphe du film suivant de Forman, Amadeus. Ragtime ne rapporte que 21M$ au box-office US pour un budget de 28M$. Il s'en tirera toutefois honorablement dans l'Hexagone en rassemblant 1,2 millions de spectateurs.

    Lost Films / L'Atelier Distribution

    L'oeuvre devait également marquer la seconde collaboration entre Forman et Jack Nicholson après Vol au dessus d'un nid de coucou (l'acteur devait incarner Harry K. Thaw). C'était sans compter sur l'agent du comédien qui a fait comprendre au metteur en scène que Jack ne signera pas. À l'affiche de 3 films à venir, on allait déjà beaucoup voir Nicholson au cinéma ; ainsi, un 4ème long-métrage serait vraiment de trop. Le rôle sera finalement tenu par Robert Joy. Forman parviendra tout de même à sortir l'immense James Cagney de sa retraite, lui qui n'avait plus tourné depuis 20 ans. Pour conclure, si vous êtes attentifs, vous croiserez quelques jeunes comédiens à leurs débuts comme Samuel L. Jackson, Jeff Daniels, Jordan Peele, Fran Drescher ou Frankie Faison.

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