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    La Liste de Schindler : tout sur le film, de la genèse à la polémique

    Ce mercredi, vingt-cinq ans après sa sortie, "La Liste de Schindler" ressort en salle en version restaurée. Retour sur l'histoire du film, de sa genèse à son succès, en passant par la polémique qui l'a entouré.

    Universal Pictures

    En 1982, Steven Spielberg triomphe au box office avec E.T.. La même annéeil découvre La Liste de Schindler, roman de l'auteur australien Thomas Keneally, qui raconte le destin d'Oskar Schindler, un industriel allemand qui a sauvé 1300 juifs de la déportation en les faisant travailler dans ses usines. Spielberg est immédiatement intéressé par le caractère paradoxal du personnage d'Oskar Schindler et Universal achète les droits du livre. 

    Toutefois, Spielberg ne se sent "pas prêt émotionnellement" à faire le film lui-même et il souhaite d'abord en confier la réalisation à Roman Polanski, qui refuse car l'histoire est trop proche de la sienne - sa mère est morte à Auschwitz et lui est parvenu à s'échapper du ghetto de Cracovie. Spielberg sollicite alors Martin Scorsese, qui décline également car il considère que "ce film doit être réalisé par une personne de confession juive". C'est donc lui qui réalisera La Liste de Schindler

    Dans un premier temps, les pontes d'Universal ne sont pas emballés par l'idée de financer un film en noir et blanc de plus de 3h sur la Shoah. Spielberg obtient finalement le feu vert d'Universal, à la condition qu'il tourne d'abord Jurassic Park. Pour La Liste de Schindler, l'enveloppe se limite à 25 millions de dollars. Le cinéaste, quant à lui, renonce à tout salaire, fermement opposé à l'idée de recevoir "l'argent du sang". 

    Juste avant le début du tournage, Spielberg est contacté par son maître et ami BIlly Wilder. Le cinéaste, qui n'a pas ouï dire que le film est déjà en production, lui annonce qu'il souhaiterait lui acheter les droits de La Liste de Schindler et réaliser le film avant de mettre définitivement fin à sa carrière. Spielberg, très peiné, l'informe que le tournage doit commencer la semaine suivante. Une fois terminé, Wilder sera la première personne à qui Spielberg projettera le film. 

    Un accueil enthousiaste outre-Atlantique et beaucoup plus mitigé en France

    Les premières réactions à l'annonce d'un film sur l'Holocauste réalisé par Steven Spielberg, dont le nom est associé aux blockbusters, sont indignées. Pourtant, contre toute attente, le film rencontre son public. "S’il est impossible de raconter l’Holocauste, c’eût été un péché de ne pas essayer", déclarera Spielberg au moment de la sortie du film en décembre 1993. "23% des lycéens américains n’ont jamais entendu parler de l’Holocauste." Aux Etats-Unis, La Liste de Schindler fait l'objet d'un véritable consensus. Il reçoit même un soutien politique de poids en la personne de Bill Clinton, alors président, qui souhaite que le film soit diffusé dans les écoles américaines. 

    En France, il sort au mois de mars 1994, alors que la France est en pleines négociations d'un accord général sur les tarifs douaniers et le commerce avec les Etats-Unis. L'industrie cinématographique craint alors le monstre hollywoodien, qui menace l'exception culturelle revendiquée par la France. S'ajoute à ces tensions la guerre civile en ex-Yougoslavie. D'abord, la presse française salue le film de Spielberg comme un événement, mais très vite, il réactive le débat sur la représentation de la Shoah à l'écran. 

    Pour Claude Lanzmann, dont le film Shoah était le résultat d'une recherche documentaire approfondie et d'une collecte de témoignages, La liste de Schindler est une véritable transgression : "Le film traite de la survie là ou il devrait pourtant parler de la mort !" écrit-il dans le journal Le Monde. "Spielberg ne peut pas raconter l'histoire de Schindler sans dire aussi ce qu'a été l'Holocauste. Et comment peut-il dire ce qu'a été l'Holocauste en racontant l'histoire d'un Allemand qui a sauvé 1300 juifs, alors que la majorité écrasante des juifs n'a pas pu être sauvée ?"  Ce à quoi Spielberg rétorquera que "le peuple juif, la culture juive ont survécu à Hitler !"

    Peut-on représenter la Shoah dans une fiction ?

    Au-delà de l'accusation de trivialisation faite au film, Lanzmann estime que l'oeuvre comporte des "séquences ambigües" et même "dangereuses" parce qu'introduites "sans nuances". Il évoque le rôle de la police juive dans le ghetto de Cracovie, les négociations entre Schindler et le Judenrat ou encore la séquence finale en Israël, qui accréditerait l'idée qu'Israël serait la rédemption de l'Holocauste : "Ces 6 millions de juifs ne sont pas morts pour qu'Israël existe" conclut-il.

    D'autres critiques lui emboîtent le pas, pointant du doigt la scène où les femmes entrent nues dans la chambre à gaz - qui ressemble par ailleurs à s'y méprendre à celle du film Zastihla me noc du réalisateur tchèque Juraj Herz. "Caméra à l’épaule, on les suit, au corps à corps, on y entre avec elles. Et c’est une épouvante car, spectateur malgré tout, on a sur ces femmes une longueur historique d’avance, un avantage effroyable : on sait très bien ce qu’elles ignorent, on sait que part les pommeaux de ces douches, c’était le gaz Zyklon B qui coulait. Et puis non : c’est bel et bien de l’eau qui jaillit et asperge les corps nus des femmes…Comment ne pas lui en vouloir d’avoir ainsi joué avec l’injouable, d’avoir osé le suspense sur un sujet pareil ?", écrira ainsi Gérard Lefort dans Libération

    De son côté, Marcel Ophüls, réalisateur du documentaire Le Chagrin et la pitié, déplorera dans la revue Positif "cette façon pudibonde, élitiste et tristement rive-gaucharde de vouloir interdire l'Holocauste au cinéma de fiction pour l'éternité"Jean-Luc Godard écrira quant à lui que "savoir ne suffit pas. Il vaut mieux voir. Pourquoi les hommes préfèrent-ils toujours dire "jamais plus" plutôt que de montrer ? Le cinéma, c’est croire à l’incroyable".

    Couronné par sept Oscars dont ceux de Meilleur film et Meilleur réalisateur, La Liste de Schindler rapportera plus de 320 millions de dollars au box office mondial. Vingt-cinq ans après que les spectateurs français l'ont découvert pour la première fois, La Liste de Schindler ressort ce mercredi en salle en version restaurée. 

    Découvrez la nouvelle bande-annonce du film :

     

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