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    De Pose à Demain nous appartient : quelle évolution pour les personnages transgenres dans les séries ?

    La journée internationale de visibilité transgenre nous donne l'occasion de revenir sur la représentation des personnages transgenres dans les séries. Quelles évolutions ont-il connus ?

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    Le 13 juin 2018, HBO frappe un grand coup à la télévision américaine en diffusant le premier épisode de Pose. Cette nouvelle série de Ryan Murphy (Nip Tuck, Glee, American Horror Story,...), qui se situe dans les bals queer du New York des années 80 présente dans sa distribution 5 personnages principaux transgenres. Du jamais vu sur les écrans ! Au cours de sa première saison, défileront 50 personnages issus de la communauté LGBTQ+. Un autre record. Pose explore de façon tendre mais crue le quotidien de ces gens invisibles que la télévision montre peu et qui se sont réunis dans une sorte de famille de substitution, pour braver la violence dont ils sont souvent victimes.

    « La multiplication des personnages transgenres n’est pas un phénomène de mode mais un espace qui est comblé » (Stéphanie Nicot, autrice de Changer de sexe : identités transsexuelles) Vers une meilleure représentation des personnages transgenres

    Contrairement à l’homosexualité, qui au départ était mal illustrée, les personnages transgenres n’auraient pas souffert du même parcours chaotique. « La représentation de l’homosexualité a longtemps tourné autour de la figure du pervers et du psychopathe dans le cinéma policier américain notamment. La représentation a heureusement évolué tout comme l’homosexualité a été dépsychiatrisée et dépénalisée. La représentation des personnes trans a été différente et n’a pas connue une telle lame de fond de figures liées à des tueurs psychopathes, et ce, durant des décennies pour ne prendre que cet exemple. » affirme Karine Espineira, auteure d’un essai sur la transidentité à la télévision. Pour Stéphanie Nicot, « il n’est pas étonnant de voir apparaître des personnages transgenres dans les séries de manière fréquente, [car les séries] reflètent la diversité américaine ». Est ce que cela veut dire que la France est très en retard sur la question ? Stéphane Gaillard, directeur de casting, s’est exprimé dans Libération : « L’invisibilité des personnes transgenres dans la société est entretenue par leur absence dans la culture populaire. La représentation des personnes transgenres n’est supportable que dans un cadre communautaire comme vouée à un public intéressé parce que concerné ». On mesure alors l’importance de séries comme Demain Nous Appartient ou Plus Belle La Vie.

    « La multiplication des personnages transgenres n’est pas un phénomène de mode mais un espace qui est comblé » avance Stéphanie Nicot. Et cet espace a lieu dans toutes les strates de la télévision américaine, sur le câble comme sur les networks, dans des séries grand public ou plus pointues, pour les adultes comme pour les adolescents. Des Experts à Transparent, de Degrassi à Queen Sugar, en passant par Law & Order, The L Word, The OA, Sense8, Golden Girls, NCIS, Ally McBeal, Bones, GleePretty Little Liars ou Murder, toutes ont proposé un personnage transgenre dans un ou plusieurs épisodes. Tout va bien de ce côté de l’Atlantique ?

    Pas tout à fait. Pour le GLAAD (Gay and Lesbians Alliance Against Diffamation), la multiplication des personnages transgenres ne peut être positive que si elle s’accompagne d’un traitement et une représentation appropriée. Dans une étude couvrant la période 2002/2012, l’association a catalogué 102 épisodes dans lequel apparaissait au moins un personnage transgenre. 54% possédaient une représentation négative ; 35% étaient catégorisés de problématiques à bonnes et seulement 12% présentaient des avancées significatives. Pour continuer avec les chiffres, 40% des personnages transgenres étaient des victimes ; 20% sont des travailleur.euse.s du sexe (soit la profession la plus commune) ; 61% des épisodes contenaient des éléments de langage ou de dialogue anti-transgenres. Herndon Graddick, président du GLAAD à l’époque conclut : « Nous espérons que la représentation des personnes transgenres à la télévision évolue pour devenir aussi diverse, nuancée et inspirante que la communauté dont elle se veut l’image ». Il poursuit : « Les médias ont l’habitude de raconter au monde que les personnes transgenres sont toujours des victimes ou des méchants, et non une véritable représentation montrant que la communauté transgenre sont des citoyens dignes de respect et d’équité » avant de conclure : « Nous espérons que les chaînes de télévision vont réfléchir à ce qu’elles peuvent faire pour combattre l’ignorance en améliorant leur représentation ».

    Cette question des représentations est fondamentale. Dans un entretien pour Les Inrocks, Steven Canals, créateur de Pose, située dans le mieu des bals queer affirme : « un baiser entre une femme trans et un homme cis, je pense que c’est révolutionnaire. Le soir de l’épisode, les réactions de femmes trans - et notamment de femmes de couleurs, sur les réseaux sociaux étaient dingues. [...] Les femmes trans de couleur méritent l’amour et le respect. Tout le monde a le droit de faire entendre sa voix. C’est essentiel que le message soit relayé aujourd’hui à un public large ».

    Cette juxtaposition des représentations passe par combattre certains malentendus comme : la transidentité est causée par un trauma infantile ou les personnes transgenres ne conçoit leur identité qu’à travers leur partenaire. Tout est une question d’équilibre qui n’est pas si facile à obtenir : présenter des personnages transgenres uniquement devant des problématiques de discrimination peut tempérer certains à révéler leur transidentité ; à l’opposé, ne pas traiter ces problématiques peut faire croire qu’elles n’existent pas et certains ne pourraient pas se préparer à une forme possible de marginalisation. Et cela fonctionne aussi pour les accompagnants.

    JoJo Whilden/FX

    Une progression des personnages transgenres

    Durant la saison 2015/2016, on recensait 7 personnages transgenres. Pour la saison 2017/2018, ils étaient 13. Dans son dernier rapport, le GLAAD annonce 26 personnages transgenres pour 2018/2019 sur un total de 433 LGBTQ+ (6%). Sur les 857 personnages principaux sur les networks, 75 (8.8%, soit 2.4% de plus que l’année précédente) étaient identifiés LGBTQ+, auxquels s’ajoutent 38 personnages récurrents. Sur ces 113 personnages, 3% étaient des femmes trans et 2% était des hommes trans. Sur le câble, dans les 120 personnages principaux LGBTQ+, auxquels s’ajoutent 88 récurrents, 3.9% (8 personnages, 7 femmes et 1 non binaire) étaient trans. Sur les services de streaming (Netflix, Hulu, Amazon), sur les 75 personnages principaux LGBTQ+ auxquels s’ajoutent 37 récurrents, 11% (12 personnages, 3 hommes, 7 femmes et 2 non binaires) étaient transgenre.

    Selon une étude, en 2015, la population identifiée comme transgenre est estimée à 1.4 millions de personnes, soit 0.6% de la population adulte américaine. Si l’on compare cette proportion à la représentation dans les séries des networks, on remarque qu’elle est plus ou moins respectée (0.7% de personnes transgenres sur les grandes chaînes). Nick Adams conclut : « C’est encourageant de voir la télévision inclure de plus en plus de personnages transgenres et de voir ces personnages joués par des acteurs transgenres. Cette année Pose [qui a marqué l’histoire en proposant le plus d’acteurs et actrices trans dans leur distribution] et Supergirl ont ouvert la voie ». Une autre étude menée par Harris Poll et le GLAAD affirme que seulement 16% des américains connaissent une personne transgenre. Cela signifie que la plupart des informations viennent de ce qu’ils voient à la télévision (news, télé-réalité et fiction). On mesure alors l’importance d’offrir une représentation riche et plurielle des personnages transgenres, qui reflètent la diversité de cette communauté. Mais aussi d’explorer des histoires variées, de la même manière que celles dont bénéficient les personnages cisgenres.

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